La recette du succès d'une entreprise ? Donner les moyens à ceux qui sont prêts à tout donner !
Zena Exotic Fruits SA est l'une des merveilles du secteur agroalimentaire du Sénégal. Créée en 1986, cette entreprise familiale doit son nom à la première petite-fille de son fondateur, Toufic Filfili. Émigré libanais, il avait alors constaté le large volume de mangues locales considérées comme déchets alimentaires et en avait fait une opportunité commerciale en les transformant en confiture.
Les débuts ont été difficiles, les confitures et gelées proposées étant rejetées en raisons des habitudes culturelles alimentaires du pays. L'entreprise a toutefois fini par trouver le chemin du succès grâce au fils de Toufic, Zouheir Filfili.
Lorsque Randa, l'épouse de Zouheir, a rejoint l'entreprise en 2003 en tant que directrice générale, la productivité de Zena a fait un bond en avant. Pourquoi ? Parce que Randa Filfili a décidé d'être inclusive. Elle explique au Forum du commerce en quoi les femmes, les jeunes et les personnes handicapées sont essentielles, comment l'entreprise aspire à rester pertinente sur le marché, et pourquoi il faut de la patience pour relever les défis.
L'entretien a été édité et condensé à des fins de clarté.
Les femmes sont des entrepreneures nées.
Lorsque nous avons étendu nos activités en 2003 et que nous avons dû augmenter le nombre d'heures de travail, les femmes, qui n'étaient alors que des employées d'appoint, ont tout de suite adhéré au projet. Elles étaient motivées par l'augmentation de leurs revenus qui allait leur permettre de sécuriser l'avenir de leurs enfants. Il faut savoir que certaines femmes qui travaillent ici assurent le seul revenu de leur famille. L'expansion de Zena a également été une source d'inspiration pour ces femmes : elles ont été formées et ont acquis une expertise, et ont compris que ces changements allaient avoir un impact sur leur avenir.
L'impact de ma décision a été énorme, à la fois pour ces femmes et pour Zena.
Les jeunes sont essentiels. Ils représentent environ 70 % de la population sénégalaise. Ils ont des atouts, des compétences, des formations, des diplômes. En revanche, ils manquent d'encadrement et de motivation. À leur âge, nous n'avions pas leurs forces et leurs compétences, mais nous avons grandi et mûri malgré tout. En combinant compétences et encadrement, les résultats sont stupéfiants.
C'est pourquoi nous avons recruté huit jeunes pour mener le projet de développement quinquennal de l'entreprise – ils sont aux commandes, sous mes conseils, afin de laisser libre cours à leur créativité. Ils sont formés à la finance, à la planification de projets, aux chaînes d'approvisionnement et à l'impact social, ce qui n'est pas mon cas. Je vois de l'enthousiasme et du potentiel grâce à l'opportunité que nous leur donnons.
Je suis d'origine libanaise – j'ai vécu toute ma jeunesse dans un contexte de guerre. Nous savons tous que les blessés peuvent être stigmatisés par la société, c'est pourquoi nous avons créé une association pour les mutilés de guerre.
Par ailleurs, mon mari a été élevé par une personne sourde et muette, ce qui ne l'a pas empêché de prendre soin de lui. Du coup, il connaît la langue des signes. Nous avons donc pu intégrer des personnes sourdes et muettes dans notre équipe, ce qui n'a pas été facile à accepter pour certains. Mon mari forme nos cadres à la langue des signes pour une meilleure compréhension et une meilleure communication.
Handicap International nous appuie dans nos actions de sensibilisation. Nous avons été la première entreprise à le faire au Sénégal. Nous sommes fiers que Zena ait reçu plusieurs premiers prix à cet égard.
Le commerce a ses contraintes et ses défis. Le fait d'être une femme représente un défi supplémentaire. Les femmes entrepreneures doivent d'abord faire leurs preuves. Il faut investir dans la formation des femmes pour leur ouvrir l'accès à des postes de cadre.
Si vous voulez exporter, vous devez connaître les formalités, les incoterms, les règles du transit, les aspects de la logistique... Les erreurs vous coûtent cher. Les salons professionnels contribuent à la visibilité, mais il n'est pas possible de faire cavalier seul. Nous avons besoin d'organisations telles que le Centre du commerce international qui nous mettent sur la bonne voie. C'est crucial.
L'export et l'investissement exigent également de la trésorerie, et donc des financements auxquels nous ne sommes souvent pas éligibles car les subventions pour les entreprises privées sont rares. Les aides et les subventions sont principalement accordées à des groupes d'intérêt économique, à des associations de femmes et de jeunes ou à des projets menés par l'État.
La planification des ressources de l'entreprise que j'ai l'intention de mettre en place va, je l'espère, nous aider à atteindre des objectifs adaptés à notre activité, avec un retour sur investissement et une possibilité de développement.
Nous avons besoin d'un appui continu pour renforcer nos capacités internes et saisir nos opportunités, même si elles ne se concrétisent que dans deux ou trois ans. Il faut de la patience.
Notre planification quinquennale s'articule autour de trois axes :
1. Nous voulons bousculer les modèles commerciaux traditionnels, car ils ne donnent pas de pouvoir aux fournisseurs. Nous avons décidé de mener notre propre projet, en approchant ceux qui veulent vraiment changer et pratiquer des prix équitables pour les fournisseurs.
2. Nous voulons augmenter notre capacité de production (la doubler, voire la tripler). Pour cela, il nous faut relocaliser les stocks. Nos trois chambres de congélation sont saturées. Nous stagnons avec le même chiffre d'affaires depuis trois ans, nous n'arrivons plus à progresser.
3. Nous cherchons de nouveaux marchés. Dubaï s'intéresse à nos confitures, et l'Europe pourrait être un marché potentiel pour les jus allégés et sans sucre, le chili et les sirops. Il vous faut d'abord savoir où placer tel ou tel produit.
Zena Exotic Fruits S.A. est l'une des 12 entreprises de transformation du secteur sénégalais de l'anacarde que l'initiative Alliances pour l'action du Centre du commerce international (ITC) appuie par le biais du programme Netherlands Trust Fund V, financé par le Ministère néerlandais des affaires étrangères.