Discours

Redéfinir les politiques commerciales pour réduire la disparité de genre dans la pratique du commerce

14 décembre 2017
ITC Nouvelles
Discours d’ouverture de Madame Arancha González, Directrice exécutive de l’ITC, au Forum international Femmes et commerce Bruxelles, Belgique - 20 juin 2017

Mesdames et messieurs,

Bonjour et bienvenue à ce premier Forum international Femmes et commerce.

Merci à la commissaire européenne au commerce, Madame Cecilia Malmström, pour son partenariat avec l’ITC qui accorde une attention prioritaire aux femmes et au commerce international à la table des décideurs mondiaux. Nous sommes conscients de votre détermination pour cette cause, reconnue par le prix de la « Femme de l’année » qui vous a été décerné par l’Association des femmes du commerce international.

Les femmes comme actrices dans le commerce international, ce n'est plus une illusion. Nous ne pouvons plus nous le permettre. Si nous voulons concourir à promouvoir la croissance mondiale, éradiquer l’extrême pauvreté et créer des emplois durables, nous devons non seulement placer ce sujet au-devant de la scène, mais également le rendre concret.

Notre pacte mondial commun à cet égard est celui des Objectifs de développement mondial des Nations Unies qui ont concouru à cristalliser la complémentarité du genre, du commerce et de la croissance inclusive.

Nous voyons des gouvernements comme celui du Canada, du Chili et de l’Uruguay moderniser leurs accords de libre-échange pour inclure désormais des chapitres spécifiques sur le genre. Nous voyons le Kenya et le Rwanda poursuivre des politiques économiques soutenant l’autonomisation économique des femmes.

Nous remarquons également des signaux positifs du G20, du FMI et de nombreuses autres organisations internationales. Et bien sûr, nous soulignons la présence de nos ambassadrices dont beaucoup sont ici aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous sommes ici pour répondre à une seule question : comment pouvons-nous façonner la politique afin de donner plus de chance aux femmes dans le commerce tout en garantissant que ces femmes participant au commerce profitent de ces ouvertures sur le terrain ? Je n’ai jamais dit que ce serait une question aisée. Mais c’est une question que nous ne pouvons pas simplement ignorer ou dont nous pouvons nier systématiquement l’existence. Nous avons une obligation de réponse.

Une partie de la réponse portera sur les politiques nationales générales, en particulier celles liées aux soins ou à l’éducation prodigués par les femmes et non rémunérés. Une partie de la réponse portera sur l’Aide pour le commerce sous la forme d’un soutien public et privé permettant de renforcer les capacités commerciales. Et nous aurons une bonne occasion d’en discuter en juillet lors de l’Examen global de l’aide pour le commerce.

Mais une partie de la réponse devra également être liée à la politique commerciale.

L’écrasante majorité des entreprises appartenant à des femmes sont des petites et moyennes entreprises (PME). L’exportation aide les PME à améliorer leur productivité. Et l’amélioration de la productivité des petites entreprises se traduit par des emplois plus nombreux et mieux rémunérés, notamment au bas de la pyramide. Le défi consiste à soutenir ces millions d’entreprises afin qu'elles puissent devenir des entreprises exportatrices. Et ce, en tenant compte des difficultés spécifiques rencontrées par les femmes chefs d'entreprises.

Aujourd’hui, environ un milliard de femmes sont exclues de l’économie mondiale car, elles n’ont jamais pleinement accès aux ouvertures commerciales qui existent dans le cadre de nos régimes commerciaux actuels ni n’en tirent profit.

Un examen plus attentif révèle l’écart entre le nombre d’entreprises dirigées par des hommes et celles dirigées par les femmes. Dans une enquête auprès de 19 000 entreprises de 99 pays en développement, seulement 36 % des entreprises appartenaient en totalité ou en partie à des femmes.

Cette proportion déjà faible d’entreprises dirigées par des femmes chute à 15 % lorsque nous examinons la propriété du nombre d’entreprises exportatrices dirigées par des femmes.

Nous constatons également que les entreprises appartenant à des femmes sont principalement confinées aux secteurs industriels traditionnels tels que les soins de santé et l’assistance sociale, les services professionnels et éducatifs, les services administratifs et de soutien, et le commerce de détail. Aux États-Unis, par exemple, jusqu’à 64 % des entreprises de ces secteurs traditionnels appartiennent à des femmes.

Par ailleurs, les entreprises appartenant à des femmes américaines ayant un « impact économique élevé » ou des secteurs plus rentables tels que la construction, le transport, l’entreposage, la fabrication et le commerce de gros continuent de se classer dans les numéros à un ou deux chiffres inférieurs compris entre 3 et 18 % selon l’industrie. Cette tendance n’est pas propre aux États-Unis et n’est pas unique à l'Amérique du Nord.

Un domaine du commerce où les contraintes rencontrées par les femmes sont particulièrement lamentables est le commerce en ligne. Le commerce en ligne mérite une mention spéciale car, il transforme le paysage commercial mondial à une vitesse sans précédent. Aujourd’hui, les ventes au détail dans le cadre du commerce en ligne sont évaluées à environ 2 000 milliards de dollars US, avec une prévision de 4 milliards de dollars US dans trois ans.

Cependant, il existe un écart significatif entre les sexes dans l’accès et l’utilisation de la technologie numérique, dans toutes les régions en développement. Plus d’hommes que de femmes possèdent un téléphone portable, et plus d’hommes que de femmes utilisent Internet. À l’échelle mondiale, il existe un écart de 11 % entre les sexes dans l’utilisation d’Internet. En effet, 1,7 milliard de femmes dans les pays en développement ne possèdent même pas de téléphone portable.

La contribution analytique de l’ITC à la publication de l’Examen global de l’Aide pour le commerce de l’OMC pour cette année a permis de confirmer que les entreprises gérées par les femmes sont de 12 % moins susceptibles d’utiliser le courrier électronique que les entreprises gérées par les hommes. 40 % des femmes citent comme raison le manque de connaissances relatives à la technologie ou de confort dans l'utilisation à cause de l'insuffisance ou de la quasi inexistence de la formation à l'utilisation des outils numériques dès les premières années de l’éducation. Dans les pays en développement, les femmes sont de 8 % moins susceptibles d’avoir accès à Internet par rapport aux hommes. Les discussions que nous aurons plus tard sur la manière dont les femmes peuvent tirer parti de l’économie numérique seront particulièrement utiles dans ce contexte.

Femmes dans le commerce et PME sont deux faces d’une même médaille. Compétitivité et commerce sont deux faces d’une même médaille. Autonomisation économique des femmes et croissance inclusive sont deux faces d’une même médaille.

La question d’aujourd’hui se résume à la transition entre la politique et la pratique. La commissaire nous a donné des indications sur les leviers politiques poursuivis par la Commission européenne et ses partenaires, et nous en entendrons certainement parler lors de notre première table ronde.
Pour ce qui est de la pratique, l’ITC a été très actif sur ce front, en particulier à travers notre initiative SheTrades, qui est l’une des nombreuses bonnes pratiques dont nous parlerons plus en détail lors des quatre sessions thématiques.

SheTrades est un appel des parties prenantes à l’action pour connecter un million de femmes au marché d’ici 2020. À ce jour, nous avons lancé SheTrades dans plus de 10 pays à travers le monde, du Kenya et du Rwanda à la Colombie et au Chili, au Pakistan et aux Philippines. Nous nous sommes engagés à connecter plus de 800 000 femmes au marché. Dix autres pays sont en attente de ce lancement. Toutes les entreprises dirigées par des femmes bénéficient de cours d’apprentissage en ligne, de sessions d'encadrement, des webinaires et de guides sur des sujets tels que la négociation, le commerce en ligne et l’analyse de marché, la conception de produits, le conseil et la formation en développement d'entreprise ainsi que des informations sur les nouvelles technologies et les marchés éventuels. Des possibilités d’assister à des foires et des expositions commerciales au sein des délégations SheTrades sont également proposées.

Ensuite, SheTrades est également une plateforme numérique pour les femmes chefs d'entreprises. Les femmes peuvent s’inscrire et créer des profils en ligne qui mettent en valeur leurs biens et services, nouer de nouveaux contacts d’affaires et conclure des accords en temps réel. Les réseaux d’affaires sont l’une des ressources les plus essentielles dont une entreprise peut tirer parti pour sa croissance. Plusieurs grandes entreprises ignorent souvent où ou comment trouver des fournisseurs féminins, désormais, l’application SheTrades ou Shetrades.com est disponible pour fournir une réponse.

Enfin, SheTrades est également un agenda avec sept piliers d’action pour améliorer la participation des femmes au commerce.

Il s’agit d’améliorer les données ventilées par sexe susceptibles d’éclairer de meilleures politiques commerciales. Et aujourd’hui, environ 41 gouvernements seulement collectent des données ventilées par sexe dans le cadre de la participation des femmes à l’économie. Il s’agit d’ouvrir de nouvelles perspectives à travers les marchés publics et la diversité entre entreprises-fournisseurs.

Il s’agit d’améliorer l’accès au financement, de remédier aux contraintes de l’offre et d’améliorer les droits de propriété des femmes. Tous ces éléments meubleront nos discussions au cours de la journée.

Cette journée se veut une journée intéressante pour les discussions, l'apprentissage sur les bonnes pratiques et les perspectives pour les étapes à suivre. Je vous encourage aux échanges profonds avec les intervenants et à nous parler de la combinaison appropriée de politiques et d’interventions pouvant nous rapprocher davantage du commerce inclusif.

Je vous remercie.