Les petites entreprises face à ChatGPT et l'IA
Fin 2022, ChatGPT, un chatbot d'intelligence artificielle (IA), est devenu l'application à la croissance la plus rapide de l'histoire, atteignant près de 123 millions d'utilisateurs moins de trois mois après son lancement. Il s'agit de l'exemple le plus marquant d'une IA générative, capable de produire du contenu tel que du texte, des images et du code logiciel.
Le Centre du commerce international (ITC) réfléchit aux implications pour la sphère du développement du commerce international.
L'intelligence artificielle (IA) n'est pas une nouveauté pour ceux qui utilisent déjà Siri, Cortana ou tout autre assistant personnel (virtuel) de ce type. Des algorithmes alimentés par des données massives déterminent également depuis quelques temps la façon dont nous nous rendons d'un point A à un point B, comme lorsque nous utilisons une application de covoiturage, que ce soit dans une voiture à Manille ou sur un « boda boda » à Kampala.
De même, l'IA permet de présélectionner des candidats à l'emploi lors d'entretiens vidéo asynchrones. Dans le secteur de la santé, la recherche sur le diagnostic du cancer, l'élaboration automatique de prothèses dentaires, et l'analyse d'images médicales sont quelques exemples des multiples domaines où l'IA peut également apporter des améliorations.
En outre, le fait que ChatGPT puisse traiter le langage naturel nous permet d'avoir une conversation « quasi humaine » avec cette IA.
Ce chatbot de nouvelle génération pourrait bien devenir une alternative aux moteurs de recherche traditionnels, d'où la volonté d'autres grandes entreprises technologiques comme Google de lancer leur propre chatbot en 2023, afin de rester dans la course – et de maintenir leur chiffre d'affaires.
En attendant de voir tout ce que l'IA générative va permettre de révolutionner, ChatGPT est déjà pour beaucoup d'entre nous un outil que nous utilisons au quotidien, par exemple pour mener des recherches ou étayer le développement de contenus. Selon Satya Nadella, PDG de Microsoft – qui aurait récemment investi plus de 10 milliards de dollars dans OpenAI, la scale-up à l'origine de ChatGPT –, ce tournant marque l'émergence d'une « relation symbiotique entre les humains et les machines ».
La question de savoir s'il s'agira d'un choix plutôt que d'une nécessité reste encore à élucider.
En 2019, nos collègues de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) avaient relevé la croissance exponentielle de l'IA dans les demandes de brevets déposés depuis 2012. Mais alors que les demandes émanaient à cette époque essentiellement des États-Unis et de la Chine, le reste du monde tente à présent de rattraper son retard.
L'IA est une activité à forte intensité de capital, tant en raison des quantités massives de données requises que de la puissance informatique nécessaire, ce qui signifie qu'il sera difficile de voir émerger des concurrents internationaux en dehors des pays de l'OCDE. Les éditeurs de logiciels africains qui s'aventurent dans ce domaine, comme BAAMTU au Sénégal, peinent à accéder aux données nécessaires, et ce, malgré leur expertise. Celles-ci sont devenues le nouvel or noir.
Il faut s'attendre à un impact à grande échelle, et à tous les niveaux : gouvernements, secteur privé, société civile, éducation, soins de santé, services financiers, etc.
Les technologies numériques intelligentes sont déjà largement utilisées dans l'agriculture dans les pays à revenu élevé. Par exemple, l'IA est utilisée dans des systèmes de traite robotisés, comme à Braz en Autriche, pour décider quelle vache doit être traite, et à quel moment, avec peu de supervision de la part de l'exploitant.
Dans les pays à faible revenu, en revanche, l'IA se limite principalement à l'agriculture intelligente à petite échelle et au traitement de l'imagerie satellitaire au niveau des petites exploitations agricoles. Toutefois, il suffit de regarder autour de nous pour anticiper les utilisations futures, à condition qu'un modèle commercial approprié puisse être trouvé.
Le concept de « dark factory » (usine sombre), où des robots industriels assurent la production sous la supervision d'humains à distance, n'est pas encore très répandu. Qu'adviendra-t-il des trois millions de travailleurs de l'industrie bangladaise du prêt-à-porter, qui assemblent des t-shirts à 5 dollars avec un salaire mensuel de 70 dollars, lorsque l'équipement actuel devra être renouvelé ?
En outre, l'automatisation des emplois de service est imminente, y compris dans le domaine de la technologie. À la demande même des développeurs de logiciels qui cherchent à accroître leur productivité, l'IA s'approvisionne déjà en code dans les bibliothèques de code. Cette tendance ne menace-t-elle pas l'avenir des jeunes développeurs de logiciels ?
D'autres secteurs des services seront également touchés : au Sénégal, afin de réduire les coûts, à la demande non seulement des investisseurs mais des clients eux-mêmes, les opérateurs de service à la clientèle sont progressivement remplacés par des chatbots.
Aux Philippines, certains des 1,2 million d'emplois liés à la gestion des processus d'entreprise – dans une large mesure le service clientèle des clients internationaux – pourraient être supprimés en raison de l'automatisation des processus robotiques. Cette technologie automatise les tâches répétitives et routinières, ce qui permet aux entreprises de rationaliser leurs opérations, de réduire les erreurs et d'accroître leur efficience.
Au-delà du secteur de la gestion des processus commerciaux, l'IA générative est également susceptible de supplanter les emplois d'entrée de gamme des game artists, ces personnes qui créent du contenu ou des graphismes pour les jeux vidéo et opèrent souvent en freelance.
Si l'on considère l'ensemble des éléments qui précèdent sous l'angle de la théorie de la destruction créatrice de Schumpeter, de nouveaux emplois qui n'existent pas encore viendront remplacer ceux rendus obsolètes. Dans ce contexte, l'apprentissage continu, la requalification et le perfectionnement seront essentiels, à la fois pour les ouvriers et les cadres.
Bien entendu, l'IA aura également un impact sur notre assistance technique liée au commerce.
Elle va d'abord nous permettre d'améliorer la façon dont nous analysons les données commerciales. Elle nous aidera également à améliorer l'expérience des apprenants de notre Académie du commerce pour les PME, au sein de laquelle des outils tels que Synthesia servent déjà à produire des vidéos avec des avatars ressemblant à des humains, dans plusieurs langues et avec différents accents.
Notre devoir est aussi d'aider nos bénéficiaires à tirer parti de cette technologie, par exemple en formant un tailleur burundais à utiliser ChatGPT pour rédiger des documents de marketing tels que des brochures et le contenu de son site internet.
La manière dont nous fournissons notre assistance technique et les langues dans lesquelles elle est fournie changeront également, au profit de nos clients. Par exemple, l'option de synthèse vocale en plusieurs langues va considérablement améliorer les services que nous offrons aux agriculteurs, qui pourront accéder à nos informations dans leur propre langue et sous forme audio.
Tout ce qui précède ne se produira pas du jour au lendemain, mais il nous faut néanmoins nous y préparer, dès à présent.