Entretiens

Une solution durable à la crise du cacao au Ghana

7 novembre 2024
Entretien avec Joseph Boahen Aidoo, Directeur général, Ghana Cocoa Board

Deuxième producteur mondial de cacao, le Ghana dépend fortement de cette culture pour les moyens de subsistance de sa population. Face au changement climatique qui impacte de plus en plus les rendements et à une mauvaise gestion des sols qui épuise les éléments nutritifs indispensables aux cultures pour résister aux maladies, le Conseil ghanéen du cacao cherche en urgence les moyens d'augmenter les rendements de cacao tout en luttant contre la déforestation.

 

Le Forum du commerce s'est entretenu avec Joseph Boahen Aidoo, Directeur général du Conseil,  au sujet de l'agriculture intelligente en matière climatique et de la manière dont un projet pilote basé sur l'agroforesterie dynamique montre la seule voie viable vers  la culture durable du cacao.

Q : Comment le changement climatique influence-t-il le secteur du cacao et la vie des petits exploitants agricoles qui en dépendent ?

Le Ghana est le deuxième producteur mondial de cacao. La culture du cacao fait vivre près de 30 % de la population ghanéenne. Or, les niveaux de production ont diminué au cours des deux dernières décennies. Le rendement potentiel des récoltes de cacao pourrait être beaucoup plus élevé si le sol n'avait pas été appauvri en nutriments.

En abattant les forêts tropicales pour ne cultiver que le cacao, nous endommageons non seulement l'écosystème, mais aussi les plantations de cacaoyers et les rendements à long terme. Sans canopée, le cacaoyer n'est plus protégé, et avec des températures plus élevées et plus sèches, les parasites se multiplient. En ce moment, nous sommes confrontés au Virus de l'œdème des pousses du cacaoyer, contre lequel il n'y a pas de remède chimique.

La biomasse du sol doit être régénérée. Cette opération doit se faire de manière organique, par exemple en retournant les coques de cacao dans les exploitations afin qu'elles puissent rajeunir le sol, et en ajoutant d'autres cultures par le biais d'une agroforesterie dynamique.

Joseph Boahen Aidoo, Directeur général du Conseil ghanéen du cacao (devant à gauche), visite une exploitation de cacao.
© Ghana Cocoa Board

Q : Parlez-nous des défis auxquels vous êtes confrontés et de la manière dont vous les relevez.

Le Virus de l'œdème des pousses du cacaoyer a déjà touché 20 % de la superficie productive totale du Ghana.
© Reuters

Pour empêcher la propagation du Virus de l'œdème des pousses du cacaoyer, nous coupons les plants de cacao et replantons les exploitations. La maladie a désormais touché près de 20 % de la surface productive totale du Ghana.

Le Conseil ghanéen du cacao, en collaboration avec le gouvernement, intervient en faveur des agriculteurs. Jusqu'à présent, nous avons pu réhabiliter près de 70 000 hectares d'exploitations malades sur un total de 500 000 hectares. Pour réhabiliter un hectare et le remettre en culture en deux ou trois ans, il faut compter 4 000 dollars. Cela signifie que pour résoudre ce problème, il faudrait au Ghana environ 2 milliards de dollars.

Nous sommes également confrontés à des problèmes de concurrence pour l'utilisation des terres par exemple pour la culture de l'anacarde ou l'exploitation minière. Le prix joue ici un rôle majeur : lorsque les prix du cacao baissent, les revenus des agriculteurs diminuent en parallèle, ce qui les incite à se détourner de cette culture.

Maintenant que les prix sont à la hausse, les agriculteurs sont motivés parce qu'ils vont avoir de meilleurs revenus. Nous avons récemment annoncé un nouveau prix pour les agriculteurs – donc en ce moment ils sont très heureux.

De nombreux cacaoyers ghanéens dépérissent en raison de la disparition de la canopée qui les laisse trop exposés au soleil. © Nana Kofi Acquah / ITC

Q : Vous avez mentionné l'agroforesterie dynamique. Quels en sont les avantages pour le secteur du cacao ?

Notre vision est celle d'une agriculture régénératrice. Il faut procéder de manière organique. C'est la raison d'être du programme Sankofa : il s'agit d'associer les cacaoyers, les arbres fruitiers et d'autres cultures de subsistance à des arbres à plus haute canopée, comme le bois d'œuvre. Avec des cycles de vie et des hauteurs différents, les arbres favorisent la biodiversité dans le système de production agricole. Cela crée un cycle fermé de nutriments qui imite les forêts naturelles et alimente un écosystème sain et équilibré.

Cette biomasse géante ne se contente pas de capturer le dioxyde de carbone, elle favorise également la croissance des plantes et protège le cacaoyer des maladies. Le programme Sankofa permet donc d'atténuer les effets du changement climatique tout en augmentant les rendements, comme en témoignent les agriculteurs eux-mêmes.

Enfin, l'agroforesterie dynamique améliore l'économie, car les communautés agricoles peuvent dégager un meilleur revenu. En outre, elles bénéficient d'une plus grande sécurité alimentaire grâce aux récoltes supplémentaires et diversifiées sur leur parcelle de cacaoyers.

Nous constatons également que les agricultrices sont les moteurs de ce projet, ce qui est un grand avantage en termes d'inclusion.

Ce projet doit à présent être étendu à l'ensemble du Ghana – il ne peut pas rester au stade de projet pilote.

Dorcas Koomson, cultivatrice de cacao à Beposo, dans la région d'Ahafo au Ghana.
© Nana Kofi Acquah / ITC

Q : Comment les partenariats, par exemple avec l'ITC, vous aident-ils ?

L'ITC accompli un travail remarquable au Ghana. Outre le renforcement des capacités des petites entreprises ghanéennes dans les chaînes de valeur du cacao et du café, il constitue une plateforme majeure et un lien avec d'autres partenaires et entreprises à travers le monde.

Je trouve cela très important car les agriculteurs sont exposés à de nouvelles technologies, à des partenaires commerciaux, au commerce et à la finance, et à bien d'autres choses encore. Le rôle unique de l'ITC dans le commerce des matières premières et la construction de chaînes d'approvisionnement ne peut être sous-estimé.

J'en appelle à l'ITC d'étendre son travail autant que possible.

© Nana Kofi Acquah / ITC