Tenir nos promesses à l'égard des pays les plus vulnérables
Il est temps de tenir nos promesses à l'égard des pays les plus vulnérables : les pays les moins avancés.
Il s'agit des 46 pays qui sont les plus exposés aux chocs mondiaux et qui bénéficieraient le plus de partenariats pour s'engager dans le développement durable.
Alors que nous arrivons à mi-parcours de la mise en œuvre des objectifs de développement durable, il est clair que nous ne sommes pas sur la bonne voie.
En termes de participation au commerce international, la dépendance des pays les moins avancés aux exportations de produits de base est toujours près de deux fois plus importante que celle des autres pays en développement. À ce jour, ils ne représentent que 1 % du commerce mondial, comme c'était déjà le cas il y a dix ans, alors que l'objectif était de doubler leur part dans les exportations mondiales d'ici 2020.
Il nous faut faire plus, et il nous faut faire mieux, si nous voulons vraiment faire la différence avec et pour eux. Nous avons aujourd'hui une chance qui ne se présente qu'une fois tous les dix ans. La cinquième Conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés (LDC5), qui rassemble cette semaine à Doha, au Qatar les dirigeants du monde entier, est l'occasion de mobiliser un appui international supplémentaire et de prendre des mesures en faveur des pays les plus vulnérables dans le monde.
S'attaquer aux inégalités par le commerce
Le commerce est une des solutions qui permettent de s'attaquer aux causes profondes des inégalités et d'accélérer le développement durable. Lors de la création de la catégorie des pays les moins avancés en 1971, le fait que le commerce est un moteur essentiel du développement était déjà établi. Pourtant, plus de 50 ans plus tard, de nombreux défis subsistent, auxquels sont venus s'ajouter de nouveaux plus récents, tels que la pandémie de COVID-19, les conflits, l'augmentation du coût de la vie et le dérèglement climatique.
Pour renforcer la résilience économique des pays les moins avancés face aux crises, ils leur faut non seulement avoir accès aux marchés, mais aussi les capacités d'y accéder. La dure réalité est que les inégalités sont ancrées au sein même du système économique mondial.
La première question à laquelle nous devons répondre est la suivante : sommes-nous prêts à remettre en question le commerce mondial tel qu'il est, pour le débarrasser de ces inégalités systémiques ? Par exemple, les grandes entreprises sont-elles prêtes à former les producteurs pour qu'ils progressent dans les chaînes de valeur ? Sont-elles prêtes à partager leurs technologies avec leurs fournisseurs pour les aider à décarboner leurs activités ? Sont-elles prêtes à améliorer les compétences des petites entreprises ? Une telle approche exige une toute autre mentalité, la volonté de donner la même priorité aux personnes et à la planète qu'aux profits – voire même la volonté de réduire les profits à court terme pour obtenir des résultats à long terme qui bénéficieront aux plus vulnérables.
La deuxième question concerne la communauté mondiale : sommes-nous en mesure de mettre en place les mécanismes adéquats pour éliminer les inégalités systémiques à tous les niveaux ? Par exemple, dans l'élaboration des politiques, pouvons-nous appuyer les pays les moins avancés pour qu'ils puissent négocier collectivement ? Pouvons-nous garantir que leurs préoccupations aient le même poids que celles des pays développés ? Pouvons-nous systématiquement doter les organisations d'appui aux entreprises de ces pays des connaissances actualisées et des ressources techniques nécessaires pour appuyer leurs entreprises bénéficiaires ? Pouvons-nous mettre en place des systèmes et des outils pour aider les petites entreprises à obtenir les informations, les compétences et les financements dont elles ont besoin pour se développer, et ce de manière prévisible ? Nous devons être préparés dès aujourd'hui à payer les coûts d'un avenir meilleur. Les idées ne coûtent rien tant qu'elles ne sont pas mises en œuvre. Et la réussite de l'exécution réside dans les détails.
Investir dans la « majorité silencieuse »
Pour un changement transformationnel, il est fondamental d'investir dans la « majorité silencieuse » : les petites entreprises. Ce sont elles qui sont le moteur du développement tiré par le commerce dans les pays les moins avancés.
Les petites entreprises représentent la majorité des entreprises dans le monde. Dans les pays les moins avancés, elles représentent près de 95 % de tous les emplois (OIT). C'est donc en en vue d'accroître leur compétitivité et leur accès au marché qu'il faut octroyer les investissements.
À cette fin, et pour appuyer les petites entreprises, les gouvernements et les chefs d'entreprise devront s'associer pour renforcer les chaînes de valeur régionales et donner la priorité à la valeur ajoutée des biens et des services, tout en tenant compte de l'impact sur l'environnement. Afin de surmonter l'éloignement économique et géographique, il faut garantir aux entrepreneurs un accès abordable à Internet et aux outils numériques – ainsi qu'à des formations pour apprendre à les mettre en pratique dans le cadre de leurs activités. En outre, tous ces efforts devront s'accompagner d'initiatives spécifiques pour appuyer les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les réfugiés et les personnes travaillant dans le secteur informel, afin de s'assurer que personne ne soit laissé de côté.
Façonner le commerce du futur
En bref, le commerce de demain se résume en trois mots : inclusif, connecté et vert. Et demain, selon nous, commence dès aujourd'hui.
À titre d'illustration, la Gambie, un des pays les moins avancés, travaille activement dans ces trois domaines, en partenariat avec le Centre du commerce international (ITC).
En termes d'inclusion, le Gouvernement de la Gambie œuvre déjà en faveur de l'autonomisation économique des femmes, avec l'appui de l'ITC. La politique de marchés publics sensible au genre récemment adoptée vise à ce que, d'ici 2026, au moins 30 % de tous les marchés publics de biens et de services soient attribués à des entreprises et à des coopératives dirigées par des femmes. De fait, ce domaine réclame une attention particulière, car aujourd'hui les femmes ne remportent qu'à peine 1 % des marchés publics dans le monde. Or, dans certains pays, ces marchés représentent jusqu'à 40 % du PIB. En Gambie, un des piliers de la loi sur les marchés publics 2022 repose sur l'approvisionnement électronique. À cet égard, l'ITC fournit des campagnes de sensibilisation et des formations pour renforcer les capacités des femmes afin qu'elles puissent accroître leur présence en ligne et leurs compétences numériques.
Du côté de la connectivité dans le commerce, des entrepreneurs gambiens ont bénéficié d'une formation sur le commerce électronique, ce qui leur a permis d'atteindre de nouveaux clients pendant les confinements liés à la pandémie de COVID-19. Ce projet répond à un besoin exprimé par les petites entreprises dans une enquête menée par l'ITC dans les pays les moins avancés : 40 % d'entre elles déclaraient que le manque de compétences et de connaissances constituait un obstacle majeur les empêchant de commercer en ligne. Dans le secteur du tourisme, des informaticiens indépendants et des photographes sont venus épauler les hôteliers et les voyagistes : ils les ont aidés à développer des compétences numériques afin de commercialiser leur portefeuille de produits ou services, à produire du contenu, à gérer leur visibilité en ligne, à améliorer leur gestion des opérations clients, et à contrôler et évaluer la performance de leurs produits et services.
En matière de respect environnemental, et de l'esprit d'entreprise adéquat à cette fin, l'histoire de Guidom Sabally montre comment une formation ciblée combinée à un effort personnel peut faire la différence pour toute une communauté. En tant qu'ouvrier non qualifié, M. Sabally peinait à trouver du travail. Grâce à une formation suivie dans le cadre d'un programme du Fonds d'équipement des Nations Unies, mené en collaboration avec l'ITC, il a décroché un poste d'ingénieur. Son travail consistait à superviser la construction de ponceaux, sortes de routes surélevées qui permettent aux gens de traverser des zones inondées pendant la saison des pluies, une conséquence du changement climatique.
Ce ne sont là que quelques exemples de la manière dont les partenariats entre les pays les moins avancés et les organisations internationales peuvent faire toute la différence dans la vie des gens.
Produire des résultats, tous ensemble
Pour obtenir des résultats avec et pour les pays les moins avancés, pour tenir les promesses que nous leur avons faites, nous devons, en tant que communauté mondiale, travailler ensemble. Cela nécessitera des partenariats solides entre les chefs de gouvernement, les institutions, les entreprises et les organisations internationales.
Les pays les moins avancés souffrent depuis longtemps. Notre force n'est qu'à la mesure de celle des plus vulnérables. Avec le commerce pris comme outil de mise en œuvre du Programme d'action de Doha, les pays les moins avancés peuvent retrouver la voie de la réalisation des objectifs de développement durable. En engageant les dirigeants des pays les moins avancés sur un pied d'égalité – et en gardant nos objectifs communs en point de mire – nous pouvons construire un avenir plus fort, plus résilient et plus inclusif.