Recueillir des données sur les obstacles au commerce
Malgré la baisse mondiale des taux tarifaires à des niveaux historiquement bas, la libéralisation du commerce est loin d'être achevée. Des facteurs tels que les réglementations techniques, les normes de produits et les procédures douanières freinent les échanges illimités de biens entre pays. Ces mesures non tarifaires (MNT) sont moins visibles et plus complexes que les mesures de protection tarifaires et particulièrement contraignantes pour les entreprises des pays en développement n'ayant pas la capacité de se conformer aux règles et réglementations. Le secteur privé et les décideurs politiques craignent que les MNT entravent le commerce et que l'accès préférentiel aux marchés internationaux dont bénéficient certains pays en développement ne vole en éclats sans produire les résultats escomptés.
Pour étudier l'impact des MNT, les études actuelles utilisent des données au niveau des pays sans s'appesantir sur les expériences quotidiennes des exportateurs. La recherche récente a clairement démontré la forte hétérogénéité des entreprises. Tout porte à croire que seules les entreprises les plus productives d'un secteur donné sont en mesure de desservir les marchés difficiles à conquérir qui sont éloignés géographiquement et souffrent d'une situation économique difficile ou d'une piètre qualité des institutions. Ceci vaut également pour la façon dont les entreprises appréhendent les MNT. Le caractère contraignant ou non d'une mesure tel que perçu par un chef d'entreprise dépend en grande partie de la situation propre à chaque entreprise. Autrement dit, même si les pays recourent aux MNT, la perception du caractère contraignant des MNT est fonction des caractéristiques spécifiques aux entreprises.
Depuis 2010, l'ITC mène des enquêtes sur les MNT auprès des entreprises des pays en développement pour connaître les obstacles auxquels elles font face ainsi que les raisons leur permettant d'invoquer le caractère contraignant. Les données obtenues sont uniques en ce sens qu'elles fournissent des informations transnationales et transsectorielles cohérentes sur les entreprises des pays en développement. Elles identifient aussi, au niveau des produits, les mesures perçues comme des obstacles au commerce sur les marchés étrangers.
Les types d'entreprises affectées par les MNT
Les entretiens téléphoniques menés dans le cadre des enquêtes de l'ITC ont permis de cerner certaines caractéristiques des entreprises susceptibles d'être utilisées pour étudier les différentes possibilités qu'une entreprise soit confrontée à une MNT contraignante. Par exemple, on a demandé aux entreprises de préciser le nombre d'employés, leur situation en matière d'exportation, leur lieu d'implantation et leur activité principale, à savoir 'production' ou 'autre' (négoce et transport essentiellement). Les 12 pays concernés n'étant pas toujours en mesure de répondre, l'ITC s'est focalisé sur l'Égypte, Madagascar et Maurice et a identifié dans ces pays l'organisme de gestion des procédures d'exportation et d'importation.
En se basant sur les informations des exportateurs qui ont leurs propres procédures d'exportation, le pourcentage d'entreprises confrontées au moins à une MNT pour exporter peut être détaillé en fonction de la taille, de la situation en matière d'exportation, du lieu d'implantation et de l'activité des entreprises. Curieusement, le graphique lié à la taille des entreprises donne une courbe en U; ce sont les entreprises les plus petites (moins de 11 employés) et les plus grandes (plus de 250 employés) qui concentrent le plus de MNT contraignantes.
De même, concernant la situation en matière d'exportation, il n'y a pas de différence significative quant au pourcentage d'entreprises faisant face à au moins une MNT, laissant supposer que les exportateurs et les entreprises d'import-export sont affectés de la même manière. Ces deux résultats peuvent être influencés par le fait que les grandes entreprises et les entreprises d'import-export offrent davantage de produits et desservent davantage de marchés. Donc, la probabilité qu'elles rencontrent au moins une MNT obstructive est élevée, même si elles ont une plus grande capacité que les petites entreprises à régler les procédures d'exportation.
Outre la taille de l'entreprise et la situation en matière d'exportation, le lieu d'implantation peut influencer l'impact des MNT sur les entreprises. Les organismes gouvernementaux et publics étant souvent établis dans la capitale, y établir un siège peut faciliter l'accès à l'information. Pourtant le graphique sur les MNT en rapport avec le lieu d'implantation révèle que le nombre d'exportateurs affectés est légèrement supérieur pour les entreprises établies dans la région de la capitale par rapport à celles situées ailleurs dans le pays. Enfin, l'activité des entreprises fait apparaître des différences. D'une part, les entreprises commerciales peuvent être plus spécialisées et mieux familiarisées avec les procédures d'exportation que les entreprises productives. D'autre part, les producteurs connaissent parfaitement leurs produits et les processus de production, ce qui peut faciliter le respect des normes internationales. De plus, les questions douanières affectent de nombreux commerçants et transporteurs. Dans ce contexte, les producteurs interrogés peuvent percevoir les MNT comme étant moins contraignantes. Le graphique couvrant l'activité des entreprises suggère que le pourcentage de producteurs affectés par des MNT contraignantes est très inférieur à celui d'autres types d'entreprises, incluant les commerçants.
Les résultats de l'étude sur la taille et la situation en matière d'exportation pourraient donc influencer la capacité de l'entreprise à surmonter les problèmes liés à l'existence d'au moins une MNT lorsque la dimension produit et marché n'est pas prise en compte. Au vu du ratio entre le nombre de MNT et le nombre de produits-marchés pour ce qui a trait aux caractéristiques de l'entreprise, les micro-entreprises et les exportateurs purs sont plus affectés par les MNT avec des ratios moyens de 0,74 et 0,68 respectivement. Par contre, le ratio pour les grandes entreprises et les sociétés d'import-export sont respectivement de 0,55 et 0,60.
Les types de MNT contraignantes varient en fonction de la taille de l'entreprise. Les exigences techniques, qui représentent un coût fixe d'entrée sur les marchés, constituent souvent un obstacle pour les micro-entreprises, leur faible volume d'exportation entraînant des coûts unitaires élevés pour se plier aux exigences. À leur tour, les impositions, taxes et autres mesures paratarifaires, qui sont des coûts variables augmentant en fonction du niveau des exportations, représentent pour les grandes entreprises une part importante des MNT obstructives. Bien que toutes les entreprises n'aient pas fourni ces informations, celles-ci appuient l'idée selon laquelle la façon dont les entreprises sont affectées par les MNT varie en fonction de leurs caractéristiques.
Implications politiques
L'élimination des MNT a gagné en importance sur l'agenda du commerce international. Au vu du niveau global relativement faible de la protection tarifaire, on craint que les MNT ne représentent un obstacle majeur au commerce et n'influencent les conditions d'accès aux marchés.
Ces résultats à l'échelle des entreprises ont des implications politiques majeures qui complètent les observations sur les MNT au niveau national ou sectoriel. Il est clair que toute tentative pour atténuer l'impact des MNT ne peut se faire uniquement au niveau global. L'approche sectorielle ou nationale peut être un bon point de départ mais elle ne convient pas à toutes les entreprises. Les résultats de l'ITC soulignent plutôt la nécessité d'élaborer des politiques qui réduisent l'impact des obstacles au commerce sur les différents types d'entreprises.