
Petit mais puissant : « Petit Kwilu », le nouveau café de spécialité de la République démocratique du Congo
Vous connaissez peut-être déjà les délicieux cafés Arabica du Kivu, cette région de la République démocratique du Congo. Pourtant, la région produit aussi des cafés Robusta, moins connus, qui sont des options de qualité inférieure et moins populaires – du moins jusqu'à présent. Le « Petit Kwilu », un café Robusta très particulier, défie les stéréotypes et redéfinit le potentiel du pays à la fois sur le marché d'exportation et le marché local.
Un projet ambitieux est porté par la Congolaise de Commerce et d'Investissement (COCOI), une entreprise familiale profondément enracinée dans l'industrie alimentaire du pays, qui s'est engagée à améliorer la qualité et la réputation du café congolais.Willy Kanyinda, Responsable des ventes et du développement commercial chez COCOI, nous raconte l'histoire de ce petit mais puissant grain de café.

L'histoire commence il y a plusieurs décennies, dans une biscuiterie nichée en plein cœur de la République démocratique du Congo (RDC). Avec les années, la petite entreprise locale, COCOI, se développe en un réseau de restaurants, et connaît même un succès inattendu dans l'industrie du tabac. La soif d'aventure de cette famille d'entrepreneurs ne s'arrête pas là : en cherchant plus récemment à diversifier ses activités, COCOI a vu une opportunité dans un secteur improbable – celui du café.
« Nous ne voulions pas mettre tous nos œufs dans le même panier », explique Willy Kanyinda. « Le tournant s'est produit lorsque l'Office national du café (ONAPAC) a invité les entreprises à investir dans la revitalisation du secteur caféier du pays. COCOI a répondu à l'appel en investissant dans une usine de traitement du café dans l'espoir de redonner vie au riche patrimoine caféier de la RDC ».
La première incursion de COCOI dans l'industrie du café dans l'est du pays s'est avérée difficile. L'exportation à partir de la RDC est prohibitive : il faut compter environ 6 000 dollars par conteneur de 20 pieds, contre seulement 400 dollars lorsque le même conteneur passe en contrebande par le Rwanda. En raison de ces coûts, les opérations initiales au Kivu se sont révélées non viables.
Loin de se décourager, l'entreprise s'est tournée vers les régions occidentales de la RDC, renouant par la même occasion avec la glorieuse histoire du café dans ce pays. Grâce à la collaboration de l'ONAPAC, COCOI est passée de l'Arabica au Robusta, en exploitant la variété « Petit Kwilu ».
Le Petit Kwilu est originaire de la région du Mayombe, dans le district du Bas-Fleuve de la province du Kongo Central, connue pour sa riche biodiversité et son profond patrimoine agricole. Malgré sa grande qualité et sa résistance à la sécheresse, cette variété exceptionnelle de Robusta est restée longtemps dans l'ombre, inconnue au-delà des frontières congolaises.
Avec l'intérêt croissant pour les cafés de spécialité, le Petit Kwilu a commencé à attirer les amateurs de café du monde entier pour ses qualités particulières.
Profitant de cet engouement, COCOI a restauré une usine de traitement à Bukavu et relancé une usine de torréfaction à Kinshasa, mais s'est vite heurtée à un problème de taille : il n'y avait pas assez de café à torréfier. L'ONAPAC leur propose alors de s'étendre au Kongo Central, où l'organisation s'efforce d'augmenter le rendement du café à l'hectare, ce que l'entreprise accepte. La stratégie de COCOI est simple mais efficace : ajouter de la valeur.
Contrairement aux acheteurs traditionnels qui offrent des taux de préfinancement plutôt bas aux agriculteurs, COCOI paie des prix plus élevés pour encourager la qualité. Alors que le gouvernement a fixé le prix des cerises de café à 400 francs congolais par kilo, COCOI les achète d'abord à 500 francs, puis à 700 francs. Cette mesure a considérablement augmenté les revenus des agriculteurs et les a incités à se concentrer sur la production d'un café de meilleure qualité.
Vidéo
L'engagement de COCOI en faveur d'un café de qualité supérieure a été renforcé par des partenariats avec l'ONAPAC et le Centre du commerce international (ITC). Lorsque l'entreprise s'est aventurée au Kongo Central pour développer la variété Petit Kwilu, ces partenaires lui ont apporté un appui essentiel.
« Au départ, notre café n'était pas exportable », explique Willy. « Mais grâce aux programmes de formation de l'ITC et au soutien de l'ONAPAC, COCOI a appris les meilleures pratiques en matière de récolte, de traitement post-récolte et de séchage. »
« Notre première année fut une année d'apprentissage », se souvient-il. « La persévérance a payé. Le succès du café de l'année dernière et sa reconnaissance internationale ont encouragé COCOI à poursuivre ses efforts pour affiner ses méthodes. La société est actuellement en pourparlers avec les principaux négociants en matières premières, ETG et Touton, pour une commande de 160 tonnes de café Petit Kwilu. »
COCOI a déjà exporté 30 tonnes de café dans le cadre d'un lot expérimental et vendu localement 10 tonnes de la même qualité supérieure. Il s'agit du premier conteneur exporté depuis la région en plus de vingt ans.
« Nous essayons d'encourager l'appréciation locale du café de haute qualité », explique Willy. « Bien que la RDC soit un pays producteur de café, la population n'apprécie pas pleinement son propre café. Les produits importés dominent souvent le marché local en raison de leur prix plus bas. COCOI s'efforce de changer cette situation par le biais de campagnes de sensibilisation et d'initiatives d'approvisionnement local. »
Pour soutenir cette croissance, COCOI a investi 250 000 dollars dans l'amélioration de la logistique. « De nombreux villages en RDC sont inaccessibles, ce qui fait du transport un défi majeur. Pour traiter efficacement de plus grandes quantités, COCOI a mis en place trois points de collecte et de traitement, plutôt que de s'appuyer sur un seul centre. »
Auparavant, 40 % du budget était consacré à la logistique ; aujourd'hui, avec des investissements dans des unités de séchage et des agents de terrain formés grâce à l'appui de l'ITC, COCOI peut s'assurer que le café est traité rapidement et de manière efficiente.

COCOI ne se contente pas de transformer le secteur du café : ses efforts ont un impact profond sur les communautés agricoles. Grâce au projet de l'ITC, COCOI a identifié 60 villages comptant 650 ménages d'agriculteurs et leur a distribué 2,7 millions de plants de café. Son succès étant devenu évident, 20 autres villages ont rejoint le projet, portant le réseau à plus de 80 villages et 800 producteurs.
Il faut encore mentionner que le projet intègre la dimension de genre : plus d'une centaine de femmes sont directement impliquées en tant que productrices, et cinq femmes agronomes ont été formées pour soutenir les agriculteurs. « Dans la culture du café, les femmes jouent un rôle plus important que les hommes », note Regine Tika, Coordinatrice du programme de l'ITC. « Elles sont profondément impliquées dans toutes les étapes du processus. »
En 2024, COCOI a établi des liens avec 3 800 agriculteurs et travaille actuellement avec les producteurs à la densification de 650 hectares d'exploitations de café, afin d'atteindre 1 800 hectares. Cette saison marque la première récolte du café planté il y a trois ans.
Concernant ses projets futurs, COCOI mentionne des objectifs ambitieux : elle vise à exporter 2 000 tonnes de café vert au cours des cinq prochaines années. Son partenariat avec Touton, une multinationale connue pour ses normes rigoureuses, joue un rôle déterminant dans cette croissance.
Le Petit Kwilu est plus qu'un simple café, c'est un symbole de résistance et de qualité. Nommé en raison de ses petits grains, le Petit Kwilu est un Robusta qui gagne en reconnaissance internationale. Les experts français qui ont procédé à des dégustations à l'aveugle l'ont constamment identifié comme un café particulier et exceptionnel.
Alors que l'intérêt se tourne vers le Robusta en raison de l'augmentation des prix de l'Arabica, Petit Kwilu est bien placé pour tirer parti de cette tendance. COCOI explore également les chaînes de valeur locales, en s'approvisionnant en matériaux d'emballage en Ouganda et dans les pays voisins, afin de promouvoir une meilleure intégration régionale.
« Nous voyons des possibilités de créer des emballages dans le pays, et de construire ainsi des chaînes de valeur locales », explique Willy. « Avec l'émergence de nombreux petits entrepreneurs, l'établissement d'une société d'emballage en RDC serait une opportunité fantastique. Nous croyons au potentiel du café congolais et sommes déterminés à le voir prospérer tant au niveau local qu'international. »
Petit Kwilu est une lueur d'espoir pour le secteur du café en RDC. Il prouve qu'avec les bons investissements, les bons partenariats et un engagement de qualité, le café Robusta peut briller sur la scène mondiale.
COCOI a établi un partenariat avec le Centre du commerce international (ITC) dans le cadre du programme ACP Business-Friendly, financé par l'Union européenne, pour développer la variété Petit Kwilu et sa commercialisation en collaboration avec l'ONAPAC. Les activités du programme en RDC visent l'amélioration des techniques de culture, la formation des agriculteurs et la mise en place de chaînes d'approvisionnement durables. Ces efforts ont non seulement permis d'améliorer la qualité du café, mais aussi d'autonomiser les communautés locales en créant de nouvelles opportunités économiques.