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Entretiens

L'investissement dans les chaînes de valeur à l'exportation doit être une priorité

8 avril 2025
Entretien avec Adrian R Njau, Directeur exécutif, Conseil commercial de l'Afrique de l'Est

Le Forum du commerce s'est entretenu avec Adrian R Njau du East Africa Business Council (EABC, Conseil commercial de l'Afrique de l'Est) sur la nécessité d'intégrer les chaînes de valeur dans la région, les barrières commerciales qui freinent les exportations et les solutions pour les surmonter.

 

Comme l'explique le Directeur exécutif, l'investissement dans la création de valeur ajoutée et l'utilisation d'outils d'information sur les marchés commerciaux sont essentiels pour passer de la dépendance à l'égard des produits de base à l'indépendance économique.

Le développement des chaînes de valeur à l'exportation est une priorité pour la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE). Pourquoi ?

Le développement des chaînes de valeur à l'exportation recèle un énorme potentiel pour stimuler le commerce régional, diversifier nos économies, favoriser la croissance de l'industrie manufacturière et de l'agro-industrie, renforcer la résilience économique et promouvoir la création de valeur ajoutée et d'emplois.

Il permettra d'améliorer la qualité et la compétitivité des exportations de la CAE sur les marchés régionaux et mondiaux. Plus important encore, des chaînes de valeur plus solides permettront aux exportateurs de répondre aux normes exigées par les importateurs et, en fin de compte, aux Africains de l'Est de bénéficier d'accords commerciaux préférentiels, tels que l'accord de partenariat économique avec l'Union européenne, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ou loi américaine sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique (AGOA).

Un homme en costume s'exprime depuis un podium.
Adrian R Njau, Directeur exécutif du Conseil des affaires de l'Afrique de l'Est

Selon le Rapport sur le développement économique en Afrique 2024, l'Afrique demeure très vulnérable aux chocs extérieurs en raison de sa dépendance à l'égard des exportations de matières premières, plus de 60 % des recettes d'exportation de l'Afrique provenant du pétrole, du gaz et des minerais. La CAE cherche à s'affranchir de cette dépendance en promouvant les exportations à valeur ajoutée dans les secteurs prioritaires tels que l'agriculture, l'industrie manufacturière et les services.

En outre, le document Perspectives économiques en Afrique 2024 indique que le PIB de l'Afrique devrait augmenter de près de 4 % en 2024, l'Afrique de l'Est arrivant en tête avec plus de 5 % de croissance, principalement en raison des efforts de commerce et d'industrialisation dans la région.

Cette croissance est l'occasion d'améliorer les réseaux de production régionaux, de réduire les barrières non tarifaires et d'améliorer la connectivité des infrastructures.

Les secteurs d'investissement prioritaires de la CAE (agriculture, industrie manufacturière, énergie et infrastructures) soulignent la nécessité de développer les chaînes de valeur. Par exemple, notre région dispose de millions d'hectares de terres arables et de riches gisements de minéraux, y compris de pétrole et de gaz, ce qui constitue un potentiel considérable pour l'agriculture commerciale, l'agro-transformation et la création de valeur ajoutée.

Enfin, en 2022, les chefs d'État de la CAE se sont fixé pour objectif de faire passer les échanges intra-CEA de 15 % à 40 % d'ici 2030.

 

Une jeune femme et un jeune homme, assis devant un ordinateur portable, sont pleinement concentrés sur un document imprimé.
L'EABC organise avec l'ITC des formations intensives pour former les jeunes au commerce dans le cadre de la ZLECAf.

Quels sont les trois défis communs à travers la CAE qui entravent la croissance des chaînes de valeur à l'exportation de la région ?

Les trois plus grands défis sont les suivants : 1) les barrières commerciales et le manque d'harmonisation des réglementations ; 2) la faible capacité de l'industrie et la valeur ajoutée limitée ; et 3) l'accès limité au financement du commerce et aux informations sur le marché. Permettez-moi de développer ces trois idées.

Les barrières non tarifaires, telles que les normes non harmonisées, l'exigence excessive de documentation, les retards douaniers et les exigences en matière de licences, continuent d'entraver le commerce intra-CEA et les exportations en dehors de la région. Selon la plateforme Trade Mark Africa, ces barrières ont un impact disproportionné sur les secteurs et les entreprises et sont aggravées par des politiques et des réglementations non harmonisées dans les pays de la CAE.

Les solutions pour lever ces obstacles comprennent la mise en œuvre par tous les pays du programme Territoire douanier unique, ainsi que l'harmonisation des politiques et procédures commerciales, y compris la numérisation des procédures commerciales.

En outre, la plupart des exportations de la CAE concernent des produits agricoles et des minéraux avec peu ou pas de valeur ajoutée. Les industries manufacturières sont limitées par des coûts de production élevés en raison du coût élevé de l'électricité, de la faiblesse des infrastructures et de technologies obsolètes.

Pour relever ces défis, le Plan directeur de l'infrastructure régionale de la CAE identifie 112 projets prioritaires axés sur les routes, les chemins de fer, les ports et l'énergie, qui nécessitent un investissement de 78 milliards de dollars d'ici à 2030. Les partenariats public-privé et la collaboration régionale sont essentiels pour combler ce fossé.

Enfin, les petites et moyennes entreprises dirigées par des jeunes et les femmes entrepreneures peinent à accéder à des financements abordables et à des données de marché en temps réel. Le coût élevé du crédit se traduit par des difficultés pour les entreprises d'investir dans des exportations à valeur ajoutée, tandis que la plupart des petites entreprises ne sont pas conscientes des opportunités offertes par les marchés internationaux.

Les solutions possibles passent par l'élargissement des produits financiers, le renforcement des plateformes telles que le Portail régional d'informations commerciales de la CAE, l'amélioration de l'information commerciale et de la promotion du commerce et l'investissement dans les systèmes commerciaux numériques.

En relevant tous ces défis, nous pourrons libérer le potentiel des chaînes de valeur à l'exportation, accroître la compétitivité et stimuler la croissance économique dans la CAE.

Une jeune femme dans une salle de conférence présente fièrement le trophée du produit de l'année qu'elle vient de remporter.
Pour l'EABC, le facteur de qualité est primordial dans le commerce. Le Conseil organise les Prix EAC de la qualité (EAC Quality Awards) pour récompenser les entreprises et les produits d'exportation les plus remarquables.

Quel rôle le secteur privé peut-il jouer dans le renforcement des chaînes de valeur régionales ?

Le rôle du secteur privé est crucial dans la promotion des chaînes de valeur régionales. Par exemple, les entreprises peuvent investir dans l'agro-transformation, la fabrication et les services pour ajouter de la valeur aux matières premières, rendant ainsi les exportations plus compétitives. L'agro-industrie représente à elle seule 40 % de la valeur ajoutée manufacturière au sein de la CAE.

Ensuite, par le biais de plateformes telles que le EABC-EAC Technical Working Group (Groupe de travail technique), le secteur privé peut plaider en faveur de réformes politiques visant à garantir un environnement propice aux commerce.

Les dialogues et les forums organisés par l'EABC, tels que le Business and Investment Summit (Sommet du commerce et de l'investissement), sont indispensables pour libérer le potentiel de la région dans les domaines du commerce et de l'investissement.

Enfin, grâce aux plateformes numériques et aux outils d'information et d'intégration des marchés, les entreprises peuvent renforcer les chaînes de valeur en s'approvisionnant auprès d'entreprises dirigées par des jeunes et des femmes, ce qui favorise une croissance économique inclusive.

L'EABC collabore avec l'ITC pour appuyer les petites entreprises de la région. Quels sont les résultats à ce jour ?

En effet, nous avons un partenariat avec l'ITC dans le cadre du Programme d'amélioration de l'accès au marché (MARKUP) de l'Union européenne et de la Communauté de l'Afrique de l'Est (UE-CEA), à présent dans sa phase II. Cette collaboration vise à améliorer l'accès au marché et la compétitivité des exportations pour plus de 400 entrepreneurs dans des chaînes de valeur régionales sélectionnées telles que l'avocat, le cacao, le café, les huiles essentielles, les haricots verts, la gomme arabique, l'horticulture, le cuir, l'emballage, les épices et le thé. Dans le cadre de ce partenariat, nous déployons les activités suivantes :

  • Mener des campagnes de sensibilisation à l'utilisation des portails d'information commerciale nationaux et régionaux ;
  • Promouvoir l'utilisation des plateformes de qualité de la CAE et soutenir les Prix de la qualité ;
  • Faciliter le mécanisme d'examen de la chaîne de valeur régionale ;
  • Mettre en œuvre des programmes de renforcement des capacités tels que l'initiative SheTrades de l'ITC, qui se concentre l'intégration de la dimension de genre dans les domaines des marchés publics, de l'investissement et de la prestation de services ; et
  • Organiser des formations intensives pour former les jeunes au commerce dans le cadre de la ZLECAf.

Grâce à MARKUP II, l'EABC donne aux entreprises de la région CAE les moyens d'agir. À ce jour, plus de 150 parties prenantes ont acquis les compétences nécessaires pour naviguer sur les marchés internationaux à l'aide des outils de l'ITC, tels que la plateforme EAC Quality for Trade (Qualité pour le commerce), et peuvent à présent accéder à de nouvelles opportunités par le biais de portails d'information commerciale tels que le Portail régional d'informations commerciales de la CAE.

En se faisant le champion des pratiques commerciales sensibles au genre, l'EABC ouvre la voie à un environnement commercial plus inclusif et plus prospère, stimulant ainsi une croissance durable dans toute la région.