L'intégration financière peut contribuer à l'intégration régionale en Afrique
Le commerce intra-africain, en particulier avec le Nigéria et l'Afrique du Sud, se développe à pas de géant. Il a augmenté de plus de cinq fois de 1995 à 2002, passant de $E.-U. 27,9 milliards à $E.-U. 148,9 milliards. Cependant, étant donné que le commerce intra-africain reste le plus faible du monde – 12% comparé aux 25% dans les pays de la région de l'ANASE et 17% dans le Mercosur – il y a de la marge pour plus de croissance.
Afin de renforcer l'intégration régionale, un plus grand effort sera nécessaire pour supprimer les tarifs et les obstacles non tarifaires et mettre en oeuvre une feuille de route pour les zones de libre-échange et les unions douanières. Néanmoins, les tarifs et les obstacles non tarifaires ne sont pas les seules barrières à l'intégration régionale en Afrique. Il serait tout aussi important de renforcer l'intégration financière.
Le commerce, la finance et la plomberieLes paiements et les règlements – la 'plomberie' des systèmes financiers – sont essentiels pour l'intégration financière. Des systèmes de paiement et de règlements fonctionnels et rentables aident à soutenir le commerce intrarégional et à financer les échanges ainsi que les envois de fonds. Des solutions internes sont nécessaires pour réduire les frais de transaction associés à la compensation sur le marché des changes, aux paiements, aux risques de change et aux envois de fonds.
Les frais de transaction augmentent lorsque le commerce et les investissements sont compensés et réglés en devises étrangères de pays non africains. Par exemple, la Société de télécommunications financières interbancaires mondiales (SWIFT) indique que la moitié des paiements liés à l'importation/ exportation intra-africaines implique une banque située en dehors de l'Afrique (figure 1). En particulier, les banques de compensation de dollars américains gagnent de l'importance à l'heure où le commerce et les investissements dans le continent, qui représentent 23% du commerce total, selon les données de la SWIFT, et avec d'autres marchés émergents est en augmentation.
L'identification 'connaître son client (KYC)' et la réglementation sur le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme engendrent l’étalement des frais. L'intégration financière peut aider à réduire ces frais. Les chiffres de la SWIFT montrent que le commerce intra-régional est plus important entre les pays membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine que dans d'autres communautés économiques régionales, ce qui reflète l'utilisation d'une devise et d'infrastructures financières régionales communes.
Risque de changeIl faut également réduire les coûts liés au commerce dans plus de 30 devises régionales. La haute volatilité des marchés et les mesures administratives prises par les banques centrales avec parfois des faibles réserves de change restent un sujet d'inquiétude.
De plus, le nombre de pays qui adoptent des régimes de change plus flexibles a augmenté, ce qui augmente la volatilité des marchés, puisque les taux de change sont de plus en plus utilisés pour absorber les chocs externes. Plusieurs pays ont recours à des mesures administratives dans les marchés de change et rationnent les devises étrangères lorsque les réserves internationales sont faibles. Des instruments visant à limiter les risques de change tels que les contrats de swap pourraient aider à renforcer les investissements transfrontaliers.
Faute de participation du secteur privé, on pourrait envisager des solutions multilatérales. La section de financement de la Banque mondiale, la Société financière internationale (SFI), émet des obligations dans les devises locales, mais change typiquement ses positions à nouveau en dollars américains. Les efforts de la SFI pour relancer les marchés locaux de swaps sont louables, mais ce sont les banques et les entreprises nationales qui devraient jouer un rôle plus important. Il est donc important d'identifier et de gérer les actuels obstacles au développement des marchés, à commencer par la réglementation bancaire et du marché de change.
Envois de fonds intra -régionauxLes envois de fonds peuvent être une source importante de devises étrangères pour certains pays. Ils ont dépassé 10% du PIB au Togo, au Cap-Vert, au Sénégal, au Nigéria et au Lesotho.*
Cependant, les frais de transfert en Afrique sont parmi les plus élevés du monde. Par exemple, il faut payer entre $E.-U. 19,50 et $E.-U. 21 pour envoyer $E.-U. 200 de l'Afrique du Sud au Malawi, Angola, Mozambique, Botswana ou Zambie. Les données de la Banque mondiale suggèrent que ces frais sont 10 fois plus élevés que les transferts les moins chers (depuis Singapour, les Émirats arabes unis ou l'Arabie saoudite).
Les paiements par téléphonie mobile pourraient contribuer à réduire les frais de transaction. En effet, des opérateurs tels qu'Orange et Tigo offrent des solutions transfrontalières innovantes. Orange Money est présent dans 11 pays de l'Afrique subsaharienne et les paiements de portable à portable en francs CFA sont possibles entre les pays de l'Afrique de l'Ouest, y compris la Côte d'Ivoire, le Mali et le Sénégal. De même, en Afrique de l'Est, Tigo offre le transfert d'argent mobile transfrontalier avec une conversion automatique de devises entre la Tanzanie et le Rwanda.
Le développement rapide de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne – 16,5 millions d'usagers en 2000 pour 650 millions en 2011 – suggère le potentiel d'évolution des paiements mobiles. Les efforts pour augmenter l'utilisation d'internet, associés à des coûts moins élevés des smartphones, pourraient conduire à une réduction des frais de paiements mobiles et à d'autres solutions innovantes. En effet, les entreprises visent de plus en plus les marchés émergents, et envisagent de produire des smartphones qui pourraient être vendus pour moins de $E.-U. 25. Un tel développement pourrait également augmenter l'inclusion financière.
Il sera important, cependant, de trouver le bon équilibre entre les objectifs en termes de réglementation et le rythme de l'innovation. L'initiative africaine pour les politiques en matière de services financiers par téléphonie mobile, qui implique certaines banques centrales africaines, fournit un forum où les régulateurs peuvent discuter de ces questions et adapter la réglementation en conséquence.
Les investisseurs institutionnels africains pourraient avoir un rôle important à jouer dans l'intégration des marchés des titres à travers des investissements transfrontaliers. Le problème est que les secteurs des pensions et des assurances des pays africains se trouvent à différents niveaux de développement. La répartition des actifs par plusieurs fonds de pension est limitée à l'immobilier et au marché intérieur de titres de l'État, souvent à cause de la réglementation et de la pénurie d'actifs de placement.
La récente décision d'investir dans la région prise par la Public Investment Corporation, fonds de pension sud-africain qui pèse $E.-U. 150 milliards, est un bon début. Les exigences de cotation pour les fonds et certificats de dépôt négociés dans les bourses africaines sont également prometteuses.
On devrait aussi envisager des solutions telles que les contrats de swap ou un centre de compensation multidevises. Dans l'intervalle, l'innovation avance à grands pas et les paiements mobiles peuvent désormais être effectués entre certains pays africains dans différentes devises. Les régulateurs devront suivre ce rythme sans réduire inutilement leurs avantages.
* Rapport Perspectives économiques en Afrique (2013).