Avis d'experts

L'impératif numérique dans l'autonomisation des entrepreneures

6 septembre 2024
Par Doreen Bogdan-Martin, Secrétaire générale, Union internationale des télécommunications (UIT)

Les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) représentent 90 % des entreprises dans le monde et les femmes comptent pour environ la moitié de la population mondiale. Pourtant, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, seuls 17 % des femmes sont des entrepreneures.

Ces disparités s'étendent jusqu'aux postes de direction dans les entreprises STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), où seul un rôle sur huit est occupé par une femme. Les femmes représentent également 54 % des personnes exclues de l'économie mondiale et rencontrent plus de difficultés à accéder aux marchés financiers que leurs homologues masculins. Globalement, les femmes sont moins connectées à Internet que les hommes, et dans les pays les moins avancés (PMA) seules trois femmes sur dix sont en ligne.

Une série d'obstacles, allant du coût prohibitif des données et des équipements aux compétences insuffisantes en passant par les préoccupations relatives à la sécurité en ligne, les stéréotypes profondément ancrés et le manque de modèles visibles dans les STIM, contribue à la fracture numérique entre les hommes et les femmes.

Je pense toutefois que c'est précisément en créant une main-d'œuvre inclusive et numériquement qualifiée, une MPME à la fois, et en renforçant ces efforts par un environnement politique propice, que ces obstacles pourront être surmontés.

Participantes à la Journée des jeunes filles dans le secteur des TIC 2019, avec la Secrétaire générale de l'UIT, Doreen Bogdan-Martin, organisée par l'UIT au siège de l'Union africaine à Addis-Abeba, Éthiopie.
© ITU/M. Jacobson - Gonzalez

Autonomisation des entrepreneures

J'ai vu cette approche fonctionner de première main dans le cadre d'un projet intitulé « Enhancing the digital ecosystem and digital skills for the economic empowerment of women in LDCs » (Améliorer l'écosystème numérique et les compétences numériques pour l'autonomisation économique des femmes dans les PMA).

Mis en œuvre par l'UIT en coopération avec le Cadre intégré renforcé (CIR) et le partenariat mondial EQUALS, le projet a rassemblé des acteurs des secteurs du textile, de l'habillement et de l'agriculture pour s'attaquer aux problèmes systémiques qui empêchent les femmes d'utiliser le numérique au profit de leurs moyens de subsistance et de leur communauté.

Les résultats sont éloquents.

En Éthiopie, l'accent a été mis sur l'appui aux entrepreneures lors de leur pivotement vers le numérique – à l'instar de Rebekah Daniel, avec qui j'ai eu le plaisir de m'entretenir il y a quelques années.

Rebekah m'avait alors expliqué comment la formation l'avait aidée à mieux comprendre la manière de commercialiser sa marque de sacs à main en ligne, à se conformer aux normes d'exportation et aux normes industrielles dans le domaine de la mode, et finalement à développer son activité à l'international.

Le projet est également arrivé au Burundi au bon moment pour Laetitia Akimana, une cultivatrice de thé et de café basée à Muramvya.

Elle nous a expliqué comment la formation aux compétences numériques « a augmenté la productivité et la compétitivité par rapport à la situation de départ ».

Les technologies numériques et les compétences nécessaires pour les utiliser peuvent changer la donne, non seulement pour les entrepreneures comme Rebekah et Laetitia, mais aussi pour leur famille, leur communauté et les économies nationales.

ReadyPay, application mobile pour l'énergie solaire en Ouganda
© ITU/Trans.Lieu

Une course contre la montre

L'année prochaine marque le 30e anniversaire de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, ainsi que l'entrée dans les cinq dernières années du Programme de développement durable à l'horizon 2030.

Nous sommes engagés dans une course contre la montre pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD). Le dernier rapport d'avancement des Nations Unies relève que seuls 17 % des objectifs sont en passe d'être atteints d'ici 2030.

C'est pourquoi j'ai été tellement enthousiaste de voir le Centre du commerce international (ITC) et l'association GSMA, coprésidents du groupe de travail dédié à la connectivité des MPME (Making Connectivity Work for MSME) dans le cadre de la Commission Broadband des Nations Unies, s'associer pour appuyer les petites entreprises des pays en développement par l'amélioration de leurs compétences numériques, le renforcement de l'esprit d'entreprise et l'appui aux politiques.

Leur nouveau partenariat vise à débloquer les opportunités commerciales numériques dans les communautés mal desservies, en mettant l'accent sur les femmes, les jeunes et les réfugiés.

De gauche à droite : Mats Granryd, Directeur général de GSMA, Doreen Bogdan-Martin, Secrétaire générale de l'UIT, et Pamela Coke-Hamilton, Directrice exécutive de l'ITC, à Londres en juillet 2024, lors de la signature du nouveau partenariat.
© GSMA

Capitaliser sur le Pacte numérique mondial

À quelques semaines du Sommet de l'avenir, l'appui politique nécessaire au niveau international est renforcé par le Pacte numérique mondial, dont la finalisation est dans sa phase finale.

Lors de la 68e session de la Commission de la condition de la femme, le secrétaire général des Nations Unies a souligné l'inclusion dans le Pacte de mesures visant à combler le fossé numérique entre les genres et à mettre la technologie au service des ODD.

Précédemment, je me suis jointe aux appels en faveur d'une approche transformatrice du Pacte en matière de genre – avec l'intégration au cœur du Pacte des dimensions de l'inclusion et surtout de l'égalité des genres.

Au moment de la rédaction de cet article, l'objectif 2 du Pacte vise ainsi à élargir « l'inclusion dans l'économie numérique et les avantages qui en découlent pour tous », notamment en encourageant l'entrepreneuriat chez les femmes, les jeunes et d'autres types d'entrepreneurs sous-représentés, dans le but d'augmenter le nombre de start-up numériques et de MPME dans les pays en développement.

L'ITC et l'UIT sont entièrement alignés sur ce point et sur les objectifs connexes du Pacte numérique mondial, et sont prêts à travailler de concert pour le mettre en œuvre.

Il n'y a tout simplement pas de temps à perdre pour que davantage de femmes se connectent de manière significative et s'engagent dans l'entrepreneuriat numérique.

N'oublions pas que cet impératif numérique est à notre portée – et qu'il a le potentiel de faire des 17 ODD une réalité dans la vie des femmes partout dans le monde.

Un panel lors de la Journée des jeunes filles dans le secteur des TIC 2024 à Manille.
© ITU/D. Navarro