Récits

Les coopératives agricoles aident à la réconciliation des communautés en République centrafricaine

26 février 2025
ITC Actualités

Lorsque la guerre civile a éclaté en 2013 en République centrafricaine, les communautés musulmanes et chrétiennes se sont déchirées. Aujourd'hui, dans la ville de Sibut, une coopérative agricole met en avant les objectifs communs des communautés, et ce faisant, œuvre à restaurer la confiance entre elles.

Lorsqu'une alliance de rebelles majoritairement musulmans renverse le gouvernement national en 2014, des milices chrétiennes se dressent immédiatement en opposition. Les violences qui s'en sont suivies ont semé une profonde méfiance. À Sibut, la population Peul était considérée comme proche des rebelles ; elle a dû fuir pour échapper aux représailles. Lorsque les Peuls sont finalement revenus en 2020, force était de constater que les autres communautés s'étaient appropriées leurs terres et leur bétail.

« Pendant la crise, nous avons perdu nos bœufs et, à notre retour, c'était difficile d'être accepté par les autres malgré le soutien des autorités locales », explique Abiba, une leader parmi les femmes peules qui dirige la section Meya de la coopérative Nouvel élan de Kpabé.

Même avant la guerre, la République centrafricaine figurait déjà parmi les pays les moins développés du monde. Il n'est donc pas surprenant, comme le souligne Abiba, que l'agriculture soit le seul moyen de subsistance pour un grand nombre de ménages.

« Les autorités ont insisté pour nous attribuer des parcelles de terre. Mais nos champs étaient vandalisés et nos produits étaient régulièrement volés », poursuit Abiba. « Mais depuis que nous sommes devenus membres de la coopérative, les choses ont commencé à changer. Nous avons obtenu des parcelles qui ne sont plus vandalisées et nos produits sont mieux protégés. »

Par ses activités, la coopérative facilite le travail de réconciliation, de sorte que les Peuls autrefois déplacés ont pu réintégrer la vie de la communauté. Traditionnellement, les Peuls sont plutôt des éleveurs. Pour se lancer dans l'agriculture, ils avaient donc besoin de conseils pour comprendre les méthodes de semi et de récolte.

Le Centre du commerce international (ITC) a appuyé ce travail par le biais du Programme d'appui à la promotion de l’entrepreneuriat en milieu urbain et rural, connu sous le nom de PAPEUR Rural.

Abiba témoigne encore : « Grâce à notre présence dans la coopérative, nous sommes de plus en plus acceptés par les autres habitants de Sibut. Nous avons maintenant un quartier appelé Siriri (qui veut dire paix), que nous partageons avec des personnes d'autres communautés. Je pense que le soutien de nos frères et sœurs de la coopérative a été crucial pour notre acceptation. Cette année, PAPEUR Rural nous a envoyé un tracteur pour labourer nos six hectares. Nous avons aussi reçu une formation et des semences ». Et de conclure fièrement : « Aujourd'hui, nous sommes des agriculteurs à part entière ».

L'année dernière, le programme PAPEUR Rural a permis de défricher huit hectares, puis de labourer et de herser six hectares appartenant à la communauté Peul. Celle-ci a pu récolter 4,5 tonnes de maïs destiné à la vente.

La section Méya, qui ne comprenait à l'origine que des femmes peules, est désormais ouverte aux hommes et à d'autres habitants de Sibut, ce qui témoigne d'un regain de réconciliation.

Igor Ngaisse, Président de la coopérative de Sibut, se souvient : « En 2020, lorsque les Peuls sont revenus, les tensions étaient vives. Plusieurs initiatives ont échoué et, malgré leur volonté de s'engager dans l'agriculture, ils étaient contraints de dépendre de l'assistance des ONG. »

Il ajoute que leur intégration au sein de la coopérative a aidé la communauté à comprendre la situation critique dans laquelle se trouvaient ces personnes forcées de fuir, mais qui avaient choisi de revenir. C'est un changement profond dans un pays comme la République centrafricaine.

« Je reconnais que cela a été difficile, mais leur adhésion a aidé la communauté locale à comprendre leur situation, ce qui a facilité le processus de réintégration », conclut-il.