Le rôle de l'APC et de l'assistance technique au commerce dans l'intégration économique régionale
Les récents développements en matière de réglementation mondiale du commerce font état d’un accent mis sur les méga-accords de commerce régionaux et autres processus d'intégration économique inter et intra-régionale. Cette tendance touche tous pays confondus: les pays avancés, émergents et moins développés. Même lorsque ces accords sont négociés uniquement entre régions développées, comme la proposition du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI) entre l'UE et les EUA, ils auront inévitablement des retombées sur les PED.
Alors que l'ouverture aux échanges génère la croissance, elle n'est pas en soi la panacée aux innombrables défis du développement. Dans le double contexte de l'établissement des ODD de l'après 2015 et de la transition entre ce que j'appelle le 'vieux' et le 'nouveau' monde du commerce, il est important d'analyser les risques potentiels et les avantages que les méga-ALE et les efforts d'intégration régionale pourraient représenter pour les pays émergents. Il est encore plus important d'examiner et de réaffirmer le rôle que l'ITC a joué et continue de jouer dans l'avancement du programme de l'Aide pour le commerce (APC).
Dans Le Consensus de Genève, un ouvrage que j'ai publié après mon départ de l'OMC, j'ai souligné le besoin de trouver un équilibre entre les avantages de la création de gains économiques à travers le commerce et l'impact potentiel que l'ouverture aux échanges peut avoir sur le tissu social. L'ouverture du commerce crée en effet un potentiel d'efficacité et donc de gains économiques; cependant, les décideurs politiques doivent s'assurer que ces gains économiques se traduisent en gains sociaux à tous les niveaux de la société, en particulier dans les PED, où les inégalités sont en augmentation.
Même si la réduction des obstacles au commerce peut assurer et assure des conditions équitables dans le commerce mondial, ces obstacles se transforment à mesure que nous passons du vieux au nouveau monde du commerce. Dans le vieux monde, les obstacles au commerce suivaient la logique des systèmes nationaux de production et existaient pour protéger les producteurs nationaux de la concurrence. Dans ce monde-là, l'ouverture du commerce signifiait réduire ces obstacles, principalement les tarifs, les quotas et les subventions. La suppression de ces obstacles, bien que difficile, était assez simple pour les négociateurs commerciaux.
Les obstacles du nouveau mondeDans le nouveau monde, la production est devenue transnationale tout au long des chaines de valeur mondiales pour les biens et les services. Alors que certains obstacles du vieux monde subsistent, les obstacles du nouveau monde au commerce sont de plus en plus axés sur les mesures de précaution en matière de sécurité et sur les préférences des consommateurs d'un pays ou d'une région, non pas sur la protection de ses industries. La route vers la réduction des obstacles au commerce axés sur la précaution est difficile, car elle requiert l'harmonisation de normes basées sur la juste valeur et des normes en matière de qualité et de sécurité qui reflètent également les préférences communes de la population.
En même temps, l'approche de l'ouverture progressive au commerce basée sur différents niveaux du développement qui régnait dans le vieux monde du commerce n'est plus applicable au nouveau monde. Des régimes tarifaires variables basés sur le niveau de développement étaient possibles dans le vieux monde mais pas dans le nouveau. Prenons par exemple le normes sur le niveau maximum de résidus de pesticides pour les fleurs. Avoir une norme graduelle pour les pays à faible, moyen et haut revenus ne fait aucun sens. Dans cet exemple, nous pouvons imaginer les avantages tangibles d'une convergence réglementaire effectuée à travers un méga-accord commercial régional tel que le Partenariat transpacifique ou le PTCI sur un producteur de fleurs dans un pays africain comme le Rwanda.
Entretemps, les régions en développement dépendent encore de l'évolution d'organes réglementaires externes même si certains mouvements d’intégration économique intra-régionale commencent à porter leurs fruits, comme en Afrique de l'Est, en Amérique centrale et au sein de l'ANASE. Cependant, beaucoup reste à faire à l'échelle mondiale. En dépit d'un certain progrès à Bali en 2014, le Cycle de Doha reste inachevé. Plusieurs tarifs restent encore élevés dans les PED, en particulier dans les marchés émergents. Des subventions agricoles excessives peuvent nuire considérablement à la capacité de ces pays de s'intégrer pleinement aux pays développés.
Mais il y a une bonne nouvelle. Ces obstacles, ainsi que d'autres obstacles persistants qui empêchent la pleine intégration des PED dans le commerce mondial peuvent être surmontés. À travers l'assistance matérielle et technique au commerce – en particulier à l'adaptation aux normes sanitaires et phytosanitaires et à l'établissement de normes de référence – l'ITC et ses organisations et pays partenaires travaillent afin de s'assurer que les économies en développement et émergentes s'inscrivent dans l'architecture évolutive du nouveau monde du commerce.
STIMULER LE COMMERCE POUR LE BIEN DE TOUSEn ce qui concerne la réussite globale de l'APC, je suis encouragé par ce que je perçois comme étant deux de ses principaux accomplissements. Premièrement, ce programme a aidé à mobiliser des ressources pour des projets qui stimulent le commerce à travers l'amélioration des infrastructures et la réduction des charges administratives. Deuxièmement, en intégrant l'importance du rôle positif du commerce dans le développement, l'APC a maintenu l'intérêt pour le développement et le commerce malgré un contexte géopolitique difficile et la crise économique mondiale. La poursuite de la rationalisation du processus d'allocation des ressources de l'APC et une plus grande transparence et responsabilité assureront la réussite de cette initiative à l'avenir.
En tant qu'acteur principal de l'APC, l'ITC peut et doit demeurer en tête de peloton dans ce nouveau monde du commerce. Son expertise reconnue en matière de normes publiques et privées est devenue un facteur clé de la capacité commerciale des PED et des PME.