L'e-mentorat, un outil pour rendre plus efficace l'aide pour le commerce
Les pays en développement qui instaurent un environnement institutionnel propice à la mutation économique et technologique bénéficient davantage des effets de la libéralisation du commerce mondial.1 À l’inverse, les pays qui privilégient la protection des secteurs économiques vulnérables via des subventions publiques tendent à évincer l’investissement privé.2
Les citoyens des pays riches voient en l’évolution technologique et économique une menace plutôt qu’une opportunité, notamment dans les dossiers sociaux et environnementaux. Les décideurs de ces pays s’emploient donc à protéger les pauvres de la mutation économique et technologique tout en s’abstenant de la promouvoir via l’entrepreneuriat orienté vers la croissance.3 D’où un manque de compétences de la part des grandes agences donatrices concernant la meilleure façon de faciliter un transfert de technologie inclusive et d’aider l’entrepreneuriat local à promouvoir, dans le monde en développement, la croissance durable générée en interne.
La Déclaration ministérielle de Doha fait de l’assistance technique et du renforcement des capacités une composante clé du développement du commerce et a défini un programme de travail de l’OMC sur l’Aide pour le commerce lors de la sixième Conférence ministérielle de Hong Kong en décembre 2005. L’Aide pour le commerce a le potentiel d’améliorer l’infrastructure d’entreprise dans les pays pauvres. Mais l’équipe en charge de rendre l’Aide pour le commerce opérationnelle n’a pas réussi à définir une vision claire. Elle s’est bornée à faire un suivi des activités d’assistance au développement en cours, s’appuyant ainsi largement sur l’auto-évaluation des agences donatrices.4
Le problème principal-agent de l’assistance au développement reflète le fait que les agences donatrices des pays riches (l’agent) cherchent surtout à contenter les donateurs et les contribuables de leur pays d’origine (le principal) plutôt que les bénéficiaires des pays en développement.5 La préférence influencée par les contribuables de protéger les vulnérables a conduit à l’élaboration de projets de développement censés protéger les structures économiques en place plutôt que de faciliter la mutation économique. Ceci a freiné l’entrepreneuriat axé sur la croissance – notamment dans les PMA qui en ont désespérément besoin et qui dépendent fortement de l’aide étrangère.6 Les négociateurs commerciaux doivent donc tendre vers l’élargissement de la définition de l’Aide pour le commerce afin de s’attaquer au problème principal-agent et de se centrer davantage sur les besoins réels des bénéficiaires pauvres plutôt que sur les préférences de la population des pays riches.
L’Aide pour le commerce doit mieux se connecter aux organisations du privé, en utilisant les applications Internet pour aider les entrepreneurs locaux. C’est pourquoi le e-mentorat est devenu un outil prometteur qui met la connaissance et l’investissement tacites à la portée des entrepreneurs axés sur la croissance, en impliquant davantage le privé. Les e-conseillers du monde entier peuvent aider une génération grandissante d’entrepreneurs jeunes et bien éduqués du monde en développement en leur apportant l’expertise et l’e-infrastructure de soutien.7
Le Forum africain de développement technologique (ATDF en anglais) a mis sur pied un programme novateur. Il a conçu une plateforme de rapprochement (http://match.atdforum.org) pour relier les entrepreneurs locaux aux mentors susceptibles d’être des résolveurs de problèmes, des investisseurs et des partenaires commerciaux potentiels ou de se prévaloir de ces qualités ou les deux. L’e-expertise et le soutien compensent le manque d’expérience (connaissance tacite), créent un réseau commercial d’entraide et améliorent l’accès au financement. Les mentors sont soutenus par les institutions de médiation sur le terrain.8
Les organismes de mentorat ont exprimé leur intérêt envers l’initiative d’e-mentorat d’ATDF. La plateforme permet aux mentors enregistrés de contacter directement les entrepreneurs potentiels et vice versa. Une fois confirmé l’intérêt des deux parties à collaborer, les organismes de tutorat entrepreneurial des pays en développement et les institutions de mentorat des pays développés deviennent des méditants actifs sur le terrain, garants de la qualité et de la réussite de ces projets conjoints lancés par les acteurs privés via une e-plateforme.
De nombreux entrepreneurs et mentors sont déjà enregistrés mais les opérations ne démarreront qu’en mai 2011 après la réunion de la CNUCED, de l’Institut du commerce mondial, de l’ITC et du Secrétariat d’État à l’économie de la Suisse consacrée au financement pour les trois prochaines années.
1 Juma, C. (2011). The New Harvest: Agricultural Innovation in Africa. New York: Oxford University Press.
2Aerni, P. (2009). ‘What is Sustainable Agriculture? Empirical Evidence of Diverging Views in Switzerland and New Zealand’. Ecological Economics 68(6): 1872-1882.
3Aerni, P. & T. Bernauer, (2006). ‘Stakeholder attitudes towards GMOs in the Philippines, Mexico and South Africa: The issue of public trust’. World Development 34(3): 557-575.
4OCDE/OMC (2009). Aid for Trade at a Glance 2009: Maintaining Momentum. Paris/Genève.
5Aerni, P. (2006). ‘The Principal-Agent Problem in International Development Assistance and its Impact on Local Entrepreneurship in Africa: Time for New Approaches’. ATDF Journal 3(2): 27-33.
6Ibid.
7Hamilton, B.A. et T.A. Scandura (2003). ‘E-Mentoring: implications for organizational learning and development in a wired world’. Organizational Dynamics 31: 388-402.
8Aerni, P. et D. Rüegger (à paraître). ‘Making Use of E-mentoring to support Innovative Entrepreneurs in Africa’. dans Thomas Cottier et Mira Burri: Trade in the Digital Age. New York: Université de Cambridge.