La Fédération de Russie prête à accéder à l’OMC
Lorsque j’ai déclaré ouverte la 31ème et dernière séance formelle du Groupe de travail de l’accession de la Fédération de Russie à l’OMC, la jubilation et l’enthousiasme étaient palpables. L’événement était particulièrement attendu à l’OMC, point d’orgue de 18 années de négociations entre la Fédération de Russie et les Membres de l’Organisation. Nos travaux ont ouvert la voie à l’acceptation de l’accession de la Russie par les Membres de l’OMC à la Conférence ministérielle qui s’est tenue mi-décembre 2011.
L’entrée de la Russie au sein de la famille de l’OMC marque un tournant dans l’histoire de l’Organisation et dans l’évolution du système commercial multilatéral basé sur des règles. L’événement affectera en profondeur tant l’OMC que la Russie. Le processus d’accession de la Russie aura été le plus long de l’histoire de l’OMC, plus long que celui de la Chine qui avait duré 14 ans. Dans les deux cas, l’âpreté des négociations a été le reflet du poids politique et économique de ces pays, de même que du souhait des Membres de l’OMC de consolider leurs relations commerciales avec eux.
Chaque accession reste toutefois unique et progresse à son propre rythme en fonction de ses caractéristiques propres. L’objectif de chaque négociation est de trouver un juste équilibre entre l’intégrité du système de l’OMC et les besoins particuliers du pays en accession.
La Russie n’a pas fait exception à la règle. Ses conditions d’entrée reflètent ce juste équilibre et tiennent compte des particularités de son régime économique et commercial. Le résultat historique obtenu est le fruit du travail acharné de toute une équipe. Tout compte fait, plus que la longueur du voyage c’est arriver à bon port qui importe.
L’accession à l’OMC va créer de nouveaux débouchés commerciaux pour les entreprises russes. Être Membre de l’OMC signifie la disparition des obstacles discriminatoires auxquels sont confrontés les exportateurs russes sur leurs principaux marchés étrangers. Elle offre aussi un mécanisme de règlement des différends de confiance pour préserver ses droits et ses intérêts. Les prix plus bas et le plus grand choix de biens et de services bénéficieront grandement aux 150 millions de consommateurs russes. Ses principales exportations étant le pétrole et le gaz naturel, il est urgent pour le pays de diversifier sa production, d’attirer de nouveaux investissements et technologies et de développer les biens et services destinés à l’exportation. La Russie doit aussi poursuivre et approfondir ses réformes nationales et ses efforts de modernisation, de même que se doter d’institutions modernes reposant sur des lois et des mécanismes d’application satisfaisants. L’OMC sera un point d’ancrage très efficace pour ces réformes, ainsi qu’un moyen de maintenir l’élan imprimé à la libéralisation.
Pour les Membres de l’OMC, l’accession de la 11ème économie mondiale est la décision la plus importante jamais prise pour que l’organisation soit réellement mondiale. L’accession de la Russie était un objectif majeur depuis la Conférence ministérielle de Singapour, un objectif vital pour la crédibilité et l’efficacité de l’OMC en tant qu’organisation mondiale chargée du commerce.
Au plan purement commercial, les textes relatifs à l’accession de la Russie représentent de nouveaux débouchés. La Russie a contracté des engagements significatifs en matière d’ouverture de ses marchés pour les biens, les produits agricoles et les services, qui devraient accroître l’intérêt du pays pour les entreprises étrangères. Le plafond des taux consolidés a été abaissé de 10% à 7,8%, le coton et les produits des technologies de l’information bénéficiant d’un taux 0%. Les engagements en matière de services couvrent 11 secteurs et 116 sous-secteurs. Le soutien interne à l’agriculture sera réduit de moitié d’ici 2018 et les subventions à l’exportation de produits agricoles seront consolidées à 0%. L’ensemble des contingents, interdictions, prescriptions en matière de licence et autres restrictions non justifiées au titre des règles de l’OMC devront être éliminés.
La Russie a aussi contracté un certain nombre d’engagements systémiques importants. Elle s’est notamment engagée à faire en sorte que les dispositions des Accords de l’OMC soient appliquées uniformément dans toute la Russie, y compris dans les régions de trafic transfrontières et dans les zones économiques spéciales. Autre engagement important: elle s’est engagée à publier rapidement toute la législation affectant le commerce des marchandises, des services et les droits de propriété intellectuelle, conformément aux prescriptions découlant de l’OMC.
Au cours de ces 18 années de négociations, la Russie a réussi à planter le décor de la libéralisation et de l’ouverture, et à s’assurer un soutien institutionnel pour garantir le respect des dispositions de l’OMC, ce qui fait qu’elle dispose de tous les atouts pour devenir un acteur de poids du système de l’OMC. La venue de la Russie au sein de la famille de l’OMC va renforcer le système commercial multilatéral et la coopération économique mondiale.
La gestion de la phase post-accession de la Russie sera de la plus haute importance, en particulier pour le renforcement et la modernisation du secteur privé et la sensibilisation aux avantages découlant de l’OMC. Accéder à une organisation telle que l’OMC n’est pas une fin en soi mais le début d’un voyage à la fois palpitant et difficile. Les avantages offerts par l‘OMC ne sont ni automatiques ni immédiats. Tout dépendra de la capacité du secteur privé à soutenir la concurrence sur les marchés étrangers et à faire face aux exigences liées à la concurrence accrue sur le marché intérieur.
Il est à présent impératif de consolider le secteur privé, de renforcer les capacités, et de sensibiliser aux avantages découlant de l’OMC. Je souhaite à la Russie les pleins succès dans cette entreprise.
