
Investissement dans le développement: la voie à suivre
Angelina Jolie et Brad Pitt sont acteurs, mais aussi humanistes et philanthropes engagés. Ils mettent leur célébrité au profit de la promotion des bonnes causes. Ils s’assurent également qu'ils ne servent pas de distraction lors de leurs visites humanitaires.
Je l’ai vu de mes propres yeux. En effet,
lorsque j’étais chef des opérations du Centre
de coordination d’urgence de l’ONU pour le
tremblement de terre au Pakistan en 2005,
les deux stars se sont assurées que leur visite
serait utile et n'encombrerait pas les travailleurs
humanitaires.
On appelle souvent à doubler l’aide internationale.
Je n’ai aucun doute sur le fait que
ces appels sont de bonne foi, mais sont-ils justifiés?
Le fait de doubler l’aide internationale
suffira-t-il pour aider les plus nécessiteux? La
manière dont le monde voit l’aide et la philanthropie
est-elle correcte?
Réfléchissez à ceci: lorsqu’on suit les flux
de capitaux des membres de l’OCDE vers
les économies non-membres de l’organisation,
on remarque qu’environ 53% des flux
de capitaux sont destinés au secteur privé,
30% à des fonds et 17% à l’aide internationale
et à la philanthropie.
Alors pourquoi lorsqu’on parle d’éradiquer
la pauvreté, on considère l’aide
humanitaire et la philanthropie comme les
principaux acteurs alors qu’elles représentent
le plus petit pourcentage? Pourquoi doublerait-
on l’aide, la plus petite source de fonds,
au lieu d’utiliser l’argent consacré à l’aide et
à la philanthropie pour créer un environnement
plus favorable à l’investissement?
Réfléchissez également à ceci: le développement
devrait avoir pour but ultime
d’assurer des emplois durables pour les
populations auprès d’entreprises – petites et
grandes – qui paient des impôts à un gouvernement
responsable lequel, à son tour,
utilise ces impôts pour payer des hôpitaux et
des écoles.
Si on considère l’emploi en tant que 'finalité',
ou but ultime du développement, les
interventions en matière de développement
ne devraient-elles pas chercher à faire en
sorte que les économies en développement et
leurs populations y parviennent?
Quelle organisation serait la plus susceptible
de mener à des emplois durables à
long terme: une entreprise du secteur privé
qui investit dans l’économie, ou une organisation
d’aide humanitaire qui distribue des
ressources à cette économie?
Seuls les emplois peuvent sortir les gens
de la pauvreté de manière durable. L’aide
et la philanthropie ne le peuvent pas. Elles
peuvent aider si elles sont axées sur l’amélioration
du climat d’investissement.
J’ai collaboré avec l’industrie de l’aide
et du développement pendant près de vingt
ans, en tant que détaché de la Croix Rouge
internationale en Bosnie et au Rwanda, et
avec l’ONU au Pakistan, aux Philippines
et dans d’autres lieux. Plus récemment, j’ai
observé la manière dont des entreprises multinationales
peuvent avoir un impact sur les
économies les moins développées, notamment
lorsque j’ai travaillé comme consultant
pour le groupe minier anglo-australien Rio
Tinto Group.
J’ai vu de mes propres yeux les graves
échecs de l’aide humanitaire, et j’ai constaté
comment des entreprises bien ciblées
peuvent avoir un impact majeur – non pas
parce qu’elles ont avalé une 'pilule de gentillesse',
mais parce qu’elles voient comme une
vraie valeur le fait de faire 'ce qu'il faut' à
long terme.
Dans le cadre de mon activité, je suis
principalement appelé à donner des conseils
à des entreprises qui produisent des matières
premières, en particulier à leur expliquer la
notion de taux d'escompte lié au risque 'de
communauté' dans le calcul de la valeur
actuelle nette (VAN). Ces calculs sont faits
de la manière suivante.
Les entreprises attribuent une valeur actuelle à leurs actifs en estimant les futurs revenus que ces actifs devraient leur rapporter. Ces revenus prévisionnels sont ensuite ramenés à une valeur d'aujourd'hui (actualisée) en utilisant un taux d'escompte qui tient compte du coût de détention de l'argent, du risque pays et des facteurs de risque liés à la communauté. Ensuite, elles déduisent des revenus prévisionnels actualisés les coûts anticipés pour générer ces revenus.
La VAN correspond ainsi à la différence
entre les futurs revenus et les futures
charges, tous deux actualisés.
Les facteurs de risque liés à la communauté
peuvent anéantir 100% de la VAN
des actifs. Une réduction véritable du taux
d'escompte lié au risque 'de communauté',
permettrait d'augmenter la VAN, c'est-àdire
la valeur des actifs déclarée à la bourse
aujourd'hui et qui a un impact sur la rémunération
des administrateurs.
Il faut donc un véritable programme
d'impact sur la communauté qui peut
donner des résultats tangibles, pas un programme
de blanchiment vert, un discours
marketing; un véritable programme qui
réduit réellement les risques, protégeant
ainsi la valeur des actifs. Peu sont les financiers
qui saisissent le pouvoir de ce modèle
s'agissant du bien de la communauté à long
terme, ainsi que du risque massif de réduction
pour les entreprises. C'est exactement
ce qu'il nous faut.
Je ne dis pas qu'il faut supprimer l'aide
et la philanthropie et tout remettre au secteur
privé. Je plaide en faveur d'un véritable
partenariat entre l'aide, la philanthropie et le
secteur privé.
Pour qu'elles aient un impact significatif
à long terme, l'aide et la philanthropie
devraient être axées non pas sur combien
d'argent est dépensé, mais sur comment il
est dépensé. Le secteur de l'aide et de la philanthropie
a-t-il vraiment aidé à améliorer les
perspectives d'emploi à long terme?
Il serait préférable d'améliorer l'enseignement
spécifique plutôt que de financer
l'enseignement général. Un programme de
ce type pourrait viser des industries et des
types de travail spécifiques; les entreprises
contribueraient financièrement, mais aussi
en promettant des emplois aux diplômés.
Au Mozambique, BHP Billiton, la plus
importante société minière du monde, a
mené une campagne contre la malaria qui
a permis de réduire le taux d'infection chez
les adultes de 92% à 5,6%. Pendant ce processus,
la santé améliorée de la communauté
a permis de réduire l'absentéisme au travail
et d'améliorer la productivité. En d'autres
termes, le programme anti-malaria a été
rentable.
Alors, l'argent consacré à l'aide et à la
philanthropie ne serait-il pas mieux dépensé
dans un programme de partenariat plutôt
que dans un programme isolé? Ne serait-ce
pas mieux si cela était fait avec des indicateurs
réels et mesurables liés aux bénéfices?
Ne serait-on pas mieux avec l'investissement
dans le développement, plutôt qu'avec l'aide
au développement?