Étape suivante : Cap sur la croissance
Au cours de la décennie écoulée, et plus encore ces dernières années, le nombre de politiques et de programmes en faveur des entreprises appartenant à des femmes a explosé. L’intensification de l’investissement dans l’autonomisation économique des femmes a été motivée par deux raisons.
Premièrement, un corpus de recherche plus important montre que les femmes ont bien moins de chances de créer leur propre entreprise que les hommes. À titre d’exemple, les études annuelles du Global Entrepreneurship Monitor menées depuis 1999 ont constamment révélé un taux d’entrepreneuriat très différent chez les hommes et les femmes dans toutes les régions et contextes de développement. Ce type d’informations factuelles a mené à une recrudescence des projets axés sur l’autonomisation économique des femmes.
Deuxièmement, et plus important, l’entrepreneuriat des femmes est perçu de manière radicalement différente – on passe de l’autonomisation économique des femmes motivée par la justice sociale et l’inclusion, à la mise en valeur d’une ressource sous-utilisée qui pourrait générer davantage de croissance économique et de prospérité. Dans le secteur public, l’autonomisation économique des femmes est une des préoccupations premières des organisations internationales de développement et des agences économiques nationales. Au sein des entreprises, l’autonomisation économique des femmes est au cœur de l’activité des départements chargés de la diversification des fournisseurs et de la commercialisation par opposition à la responsabilité sociale de l’entreprise ou à ses initiatives caritatives.
Selon le Rapport sur le développement dans le monde, Égalité des genres et développement 2012 de la Banque mondiale, un cercle vertueux de transformation est actuellement à l’œuvre, produisant des progrès impressionnants pour les femmes en termes de droits, d’éducation, de santé et de participation à la vie active. Les boucles de rétroaction positive entre les progrès réalisés dans ces différents domaines expliquent l’extrême rapidité de ces changements dans les PED. Les améliorations dans un domaine peuvent être à l’origine de changements dans d'autres.
Si dans bien des cas il est encore trop tôt pour évaluer les retombées des programmes de développement axés sur les femmes en particulier, des évaluations plus poussées ont montré que la vie des femmes, de leurs familles et de leurs communautés a été favorablement influencée. À titre d’exemple, des recherches ont révélé que dans plusieurs pays une amélioration du revenu des femmes a conduit à une baisse significative de la violence domestique. Il existe aussi un lien positif entre leur niveau d'autonomisation, leur pouvoir décisionnaire et le revenu de leur ménage.
Nombre de ces politiques et projets présentent toutefois deux inconvénients majeurs. Premièrement, nombreux sont les programmes et mesures axés sur l’autonomisation économique des femmes qui ne tiennent pas compte du contexte social des femmes qui lancent et s’efforcent de développer leur entreprise. Nombreux sont encore les obstacles juridiques à leur autonomisation économique (propriété, héritage, travail); et même lorsque les problèmes sont traités au plan juridique, l’acceptation et les progrès culturels sont eux beaucoup plus lents. Les femmes éprouvent ainsi souvent davantage de difficultés à développer leurs entreprises que les hommes.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles les femmes chefs d’entreprises affirment être confrontées pour développer leur activité? Les recherches menées par le Center for Women’s Business Research aux États-Unis, par Womenable et d’autres au fil des ans montrent systématiquement que pour les femmes les cinq difficultés ci-dessous sont plus problématiques que pour leurs homologues masculins – surtout dans les PED:
1. Accès au capital: les femmes propriétaires d’entreprises n’ont souvent qu’un accès limité au capital faute de garanties ou d’un historique de crédit.
2. Accès à l’information et à l’assistance technique: si femmes et hommes sont presque à parité dans le domaine de l’éducation, selon le rapport Global Gender Gap 2011 du Forum économique mondial, elles ne possèdent toujours pas l’expérience de la gestion et les connaissances les plus utiles à la réussite commerciale. Qui plus est, les femmes font souvent montre d’un plus grand intérêt que les hommes pour les formations à l’entrepreneuriat.
3. Accès aux réseaux (formels et informels): de nombreuses chambres de commerce ou groupements professionnels n’ont pas la masse critique de femmes membres, et rares sont ceux qui comptent dans leurs rangs des femmes à des postes de pouvoir. (Les recherches montrent que ce n’est que lorsqu’au moins 20% des membres d’un groupe sont des femmes ou d’origines ethniques diverses que les décisions et les actions du groupe deviennent plus inclusives). En outre, les femmes sont souvent exclues des débats informels entre les entrepreneurs locaux susceptibles de créer de nouveaux débouchés commerciaux. Encourager et autonomiser les associations de femmes d’affaires serait un excellent moyen de consolider les réseaux de femmes propriétaires d’entreprises.
4. Accès aux marchés: le meilleur moyen de développer une entreprise est de trouver de nouveaux marchés ou clients. Les femmes exportent moins, sont moins présentes dans les marchés publics ou dans l’approvisionnement des entreprises – trois clés de l’amélioration de l’accès aux marchés.
5. Être pris au sérieux en tant que propriétaire d’entreprise: cette difficulté est plus difficile à mesurer et renvoie aux obstacles culturels auxquels sont confrontées de nombreuses femmes entrepreneurs lorsqu’elles doivent prouver leur viabilité. Par exemple, dans une étude de 2007 de la SFI auprès de femmes propriétaires d’entreprises dans cinq pays du Moyen-Orient/Afrique du nord (Bahreïn, Jordanie, Liban, Tunisie et Émirats arabes unis), entre 11% (Tunisie) et 44% (Liban) ont affirmé avoir plus de mal que les hommes à être prises au sérieux.
Ces cinq difficultés clés sont-elles traitées de manière cohérente et systématique? Non.
Une lacune plus importante encore a été constatée dans les mesures prises pour favoriser le développement des entreprises de femmes dans ces cinq domaines. Ces programmes ne sont pas suffisamment ambitieux. La plupart des programmes et projets consacrés au développement des entreprises de femmes restent axés sur les micro-entreprises, la microfinance et l’allégement de la pauvreté. Si ces efforts sont louables et importants, ils disparaissent au moment même où les femmes placent la barre plus haut. Ainsi, nombre de ces mesures contribuent en fait à la croissance plus faible de nombreuses entreprises appartenant à des femmes en leur mettant le pied à l’étrier sans leur donner les moyens de prospérer.
Comment les parties prenantes à la politique économique et les partisans de l’autonomisation des femmes peuvent-ils améliorer le développement de ces entreprises? Réponse: en soutenant également leur croissance. C’est précisément ce que font diverses organisations:
• Westpac Bank’s Ruby Connection (www.rubyconnection.com.au), une communauté de femmes entrepreneurs de la région de l’Australasie. Les femmes ne demandent qu’à être en contact et à partager les unes avec les autres, ce qui favorise ces liens. Elle est très présente en Australie et en Nouvelle-Zélande mais aussi en Océanie et se concentre sur l’accès aux marchés ainsi que sur le capital. Westpac est un des membres fondateurs de la Global Banking Alliance for Women (www.gbaforwomen.org).
• WEConnect International (www.weconnectinternational.org), qui œuvre pour le renforcement de la capacité des entreprises des femmes de fournir biens et services à des multinationales. Elle est active en Europe, en Amérique du Sud et en Asie – et bientôt en Inde et en Chine.
• Et bien entendu, nous avons le programme Les femmes et le commerce de l’ITC (www.intracen.org/womenandtrade) qui conseille les gouvernements et les organisations à vocation commerciale sur les avantages de l’inclusion des considérations de genre dans le développement du commerce.
Les acteurs économiques (décideurs politiques, organisations d’appui économique, etc.) devraient continuer de mettre l’accent sur la création d’entreprises de femmes tout en leur donnant la possibilité de se développer. Ils devraient mettre en avant les réussites exemplaires pour inspirer les femmes. Enfin, à l’instar de Womenable, ils devraient effectuer des recherches pour informer les décideurs politiques, éclairer les autres parties prenantes et donner aux femmes les moyens de nourrir de plus grandes ambitions professionnelles.
Le soutien accordé aux entreprises des femmes doit être accru afin de favoriser la croissance, l’extensibilité ainsi que la création de ces entreprises. L’économie mondiale a besoin de l’énergie créative des femmes et des hommes, et elle en a besoin maintenant. Le jeu en vaut la chandelle.