Durabilité : la nouvelle normalité

Les moyens de subsistance d'une multitude de personnes dépendent de l'industrie du café – de même que la demande sans cesse croissante pour ce breuvage qui est l'un des plus populaires au monde. Pourtant, un ensemble de facteurs environnementaux, sociaux et économiques met en péril le secteur du café et les moyens de subsistance des très nombreuses personnes qui y travaillent.

Le chapitre 2 du Guide du Café (4e édition) détaille les problèmes qui menacent la chaîne d'approvisionnement du café, le cadre de durabilité en place aujourd'hui et les voies durables pour demain.

Questions/réponses avec une experte

Une courte séance avec Blanca Castro, Directrice exécutive de l'organisation à but non lucratif International Women's Coffee Alliance (IWCA, Alliance internationale des femmes dans le secteur du café).

Le changement climatique gagne du terrain, et les modèles commerciaux traditionnels ne sont plus viables

Face à l'accélération du changement climatique, le maintien voire l'augmentation de la production pour répondre à la demande croissante devient de plus en plus compliqué. La faiblesse des revenus, la volatilité des prix et l'absence d'un cadre opérationnel propice continuent de plomber les moyens de subsistance des agriculteurs. S'il veut envisager le long terme, le secteur doit réexaminer ses modèles commerciaux habituels.

Le changement climatique n'est qu'un des nombreux facteurs qui affectent la production mondiale de café, mais il est probablement l'un des plus influent. Les petits exploitants, dont dépend la majeure partie de la production de café dans le monde, sont à la fois les plus vulnérables et les moins résilients à ses effets. Les productrices seront particulièrement touchées, car elles sont généralement limitées dans leur accès aux ressources telles que la terre, le crédit et l'information. Sachant qu'environ 125 millions de personnes dépendent du café pour leur subsistance, le problème risque d'être sévère.

ITC

La production mondiale de café a plus que doublé depuis 1960, l'augmentation la plus forte datant de ces 20 dernières années. Pour maintenir la productivité de manière durable, il est crucial d'adopter des mesures d'adaptation au changement climatique au niveau des exploitations et des mesures d'atténuation de la graine à la tasse.

Les moyens de subsistance des producteurs de café

La volatilité des prix mondiaux du café, les effets du changement climatique et l'inflation mondiale ont accentué la pression sur les producteurs de café et jeté un grand nombre d'entre eux en dessous du seuil d'extrême pauvreté de 1,90 dollar par jour. La pandémie de COVID-19 a ajouté une nouvelle couche de complexité et de défis, car la dynamique de l'offre et de la demande a été ébranlée dans le monde entier et dans tous les secteurs.

Un niveau de vie décent pour les petits producteurs de café constitue le fondement de chaînes d'approvisionnement mondiales durables, de communautés rurales prospères et de la conservation de l'environnement naturel. La durabilité économique exige au minimum que la production de café soit économiquement viable à long terme. À ce titre, il est impératif de se doter d'une stratégie qui tienne compte des aspects sociaux et environnementaux de la production.

La durabilité du secteur du café, pour sa part, repose sur plusieurs éléments intriqués à la façon d'un puzzle : la possibilité de dégager un revenu décent pour les producteurs de café du monde entier qui doivent pouvoir mener une activité prospère ; la diversification et la multiplication des opportunités de croissance grâce à la création de valeur ajoutée à l'origine et à l'autonomisation des femmes et des jeunes ; et la création d'incitations pour les générations actuelles et futures de producteurs de café et le partage plus équitable de la valeur tout au long de la chaîne d'approvisionnement du café. 

Les systèmes de production et de consommation durables préservent l'environnement, intègrent des pratiques durables dans l'ensemble du secteur et impliquent tous les acteurs. Pour y parvenir, les mesures suivantes s'imposent :

• Une approche à l'échelle de la filière : 
  • Agir au niveau de la production pour améliorer durablement les performances des exploitations ;
  • Agir au niveau du marché pour couvrir les coûts de la production durable, et en particulier agir sur la gestion des prix et des primes, sur les pratiques commerciales durables et sur les stratégies d'investissement mises en œuvre par les acteurs de la chaîne de valeur ; et
  • Agir au niveau de la gouvernance du secteur, des gouvernements et des organes directeurs aux niveaux national, régional et international.

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  © Groupe de travail de l'ITC sur l'économie circulaire, adapté de la Fondation Ellen MacArthur
  Une économie circulaire : La circularité repense le lien entre les personnes et la planète, les ressources et les produits, ainsi que la valeur et le capital. Dans le secteur du café, un système d'économie circulaire vise à conserver et à régénérer les ressources naturelles et les écosystèmes, à promouvoir le bien-être des communautés productrices de café et à offrir des opportunités économiques à toutes les parties prenantes afin d'accroître leur compétitivité. L'économie circulaire peut nous aider à réaliser les ambitions mondiales de réduction de la pollution, des émissions de CO2 et des déchets, ainsi qu'à accroître l'emploi et la prospérité, en particulier pour les petites et moyennes entreprises à l'origine. À cette fin, le commerce et la production dans des chaînes de valeur internationales inclusives et durables jouent un rôle central. Nous vous invitons à rejoindre l'ITC au sein du Centre pour l'économie circulaire dans le café (C4CEC), une plateforme mondiale précompétitive dont l'objectif est d'améliorer et de développer les principes de l'économie circulaire dans les pratiques du secteur du café.
• Des alliances pour une croissance durable qui tirent parti des partenariats public-privé et de la collaboration du grain à la tasse pour un secteur du café plus vert.

Les initiatives en matière de durabilité au-delà de la certification

Au-delà de la certification, de nouvelles initiatives en matière de durabilité ont également vu le jour. Les acteurs de la chaîne d'approvisionnement se sont mobilisés pour trouver leurs propres solutions par le biais de programmes de durabilité autopromus et mis en œuvre par eux-mêmes, ainsi que d'initiatives multipartites. Les producteurs et les acheteurs trouvent également d'autres moyens d'avoir un impact concret. Le fait d'avoir davantage de contrôle sur les variables fait partie de l'attrait de ce modèle commercial. Ces variables vont de la qualité du café aux questions sociales et environnementales à l'origine.

Coffee Sustainability Initiatives Map

ITC Standards Map

Ethiopian Coffee Map

Outils et ressources utiles pour naviguer dans le paysage de la durabilité dans le secteur du café

Le paysage de la durabilité dans le secteur du café, et le cadre de la durabilité des entreprises en général, est en constante évolution : de nouvelles normes, initiatives, plateformes et outils apparaissent chaque jour. Pour vous aider à naviguer dans ce paysage, nous avons sélectionné une liste indicative de ressources, d'outils et d'initiatives pertinentes.

Avec ses partenaires, l'ITC aide le secteur du café à se préparer aux nouvelles règles de l'UE en matière de durabilité

© ITC

La Commission européenne a adopté une proposition de directive sur le devoir de durabilité des entreprises qui les oblige à faire preuve de vigilance en matière de durabilité dans leurs chaînes d'approvisionnement. Les entreprises sont ainsi tenues de mettre en place des systèmes qui permettent l'identification, la prévention et l'atténuation des risques environnementaux et sociaux. Ce devoir de vigilance porte sur les activités de l'entreprise elle-même, ainsi que sur son modèle d'approvisionnement.

Les initiatives volontaires en matière de durabilité peuvent contribuer à répondre aux préoccupations socio-environnementales. Toutefois, en 2022, seuls 16 % des entreprises dans le monde avaient déclaré envisager prendre des mesures pour répondre aux préoccupations en matière de droits humains et d'environnement dans leur chaîne d'approvisionnement. Depuis la publication en février 2022 de la proposition relative au devoir de vigilance en matière de durabilité, l'attention s'est portée sur la manière dont les acteurs de la chaîne de valeur et les parties prenantes mettront en œuvre ses exigences.

S'appuyant sur l'idée qu'un « mélange intelligent » de mesures de mise en œuvre obligatoires et volontaires est nécessaire, la proposition de directive prévoit l'élaboration de « mesures d'accompagnement » afin que les entreprises et leurs partenaires de la chaîne de valeur puissent s'acquitter de leurs nouvelles obligations.

L'ITC insiste sur l'importance des mesures d'accompagnement

La proposition de directive sur le devoir de vigilance de l'UE prévoit l'élaboration de « mesures d'accompagnement » afin que les entreprises et leurs partenaires de la chaîne de valeur puissent s'acquitter de leurs nouvelles obligations. L'initiative de l'ITC Alliances pour l'action en faveur de l'agro-industrie durable contribue à l'élaboration de mécanismes de mise en œuvre destinés à accompagner les fournisseurs et les producteurs des pays en développement dans le cadre de ce changement.

L'initiative collabore étroitement avec la Direction générale des partenariats internationaux de la Commission européenne et d'autres partenaires de premier plan sur des mesures réalisables pour tous de mettre en œuvre le devoir de vigilance en matière de droits humains et d'environnement. Elle s'appuie sur un plan de mesures d'accompagnement ciblant les petites entreprises des pays producteurs et sur des projets pilotes de mise en œuvre.

Les partenariats sont la clé de la mise en œuvre

L'ITC appuie des projets pilotes de mise en œuvre du devoir de vigilance au sein de la chaîne de valeur du cacao au Ghana, celle du café en Éthiopie et en Ouganda, et celle des textiles en Eswatini. Ces projets fonctionnent grâce à des efforts de collaboration avec les organismes suivants :

• La Commission européenne, et sa Direction générale des partenariats internationaux ;
• L'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) ;
• L'Organisation internationale du café (OIC) ;
• Le Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas ;
• Le réseau CLAC-Fairtrade, qui dirige et finance des projets pilotes supplémentaires pour le café au Honduras et au Brésil, et pour le cacao en République dominicaine et au Pérou ; et
• Les décideurs politiques et les opérateurs des chaînes de valeur.

L'initiative Alliances pour l'action complète les projets existants et fonctionne sous la bannière de l'ITC et de son partenariat avec le réseau des organisations Fairtrade, notamment Fairtrade International, Fairtrade Max Havelaar Switzerland, Fairtrade Advocay, et Fairtrade Africa.

Source : ITC, Alliances pour l'action (2023)

Entreprendre dans le secteur du café dans le Pacifique Sud

© Société de développement du café de Tanna

Lorsque les pays du Pacifique Sud, et en particulier la petite nation insulaire de Vanuatu, ont accédé à l'indépendance, le changement ne s'est pas fait sans répercussions. Très peu de coopératives agricoles ont survécu. Depuis, l'accent a été mis sur le développement des petites exploitations agricoles et sur l'engagement direct du secteur privé. 

La Tanna Coffee Development Company est un exemple positif de ce style de collaboration. Au cours des deux dernières décennies, elle a aidé 1 000 petits exploitants à devenir des entrepreneurs indépendants. Dans le cadre de son programme de développement du secteur du café, la société fournit aux producteurs de café des formations pour renforcer leurs compétences, du matériel et des équipements afin qu'ils puissent optimiser la valeur de leur production et de leur transformation.

La diversité au cœur de l'action

Ces dernières années, l'accent a aussi été mis sur la diversification des cultures afin de renforcer la sécurité alimentaire et d'améliorer la biodiversité et la résilience climatique des exploitations. Les plants de caféier sont cultivés en association avec des arbres fruitiers, des légumes, du kava (utilisé pour fabriquer une boisson traditionnelle du Pacifique) et du bois de santal. 

L'ensemble de la filière café du Vanuatu, de l'arbre à la tasse, fonctionne de manière éthique, durable et synergique. Cette approche va, selon la société Tanna, « au-delà du commerce équitable », et offre de meilleurs moyens de subsistance, un niveau de vie plus élevé, tout en garantissant l'égalité des genres et l'accès à l'éducation des agriculteurs, de leur famille et de leur communauté.

Au-delà de la production de café de qualité et de l'autonomisation des petits exploitants, la société Tanna cherche à créer des modes de vie naturellement diversifiés, biologiques et autosuffisants qui génèrent une croissance positive et inclusive, ainsi que les avantages socioéconomiques essentiels du développement qui l'accompagnent, explique Terry Adlington, fondateur de l'entreprise.

Source : Karen Mapusua, Directrice,  Division des ressources foncières, Communauté du Pacifique

Aider les femmes de l'industrie jamaïcaine du café à élever leur niveau 

© Jamaican Women in Coffee

L'organisation Jamaican Women in Coffee (JAWiC) cherche à renforcer les capacités des productrices de café dans ce pays des Caraïbes, en dépit des défis amenés par la pandémie de COVID-19 et des inégalités auxquelles sont confrontés les Noirs et les femmes.

Appuyée par l'Alliance internationale des femmes dans le café et l'Institut de la qualité du café, JAWiC adopte une vision élargie de la durabilité. Ce partenariat s'est articulé autour de l'idée de permettre un leadership communautaire autonome et une infrastructure de connaissances grâce à un cadre d'évaluation et de mise en œuvre adaptable.

Higher Ground (Niveau élevé) est un projet pluriannuel qui utilise le cadre de conception de l'Institut de la qualité du café pour renforcer les capacités des productrices de café en Jamaïque par l'éducation et le développement du leadership, dans le but de créer une communauté du café autonome et prospère. Bien que le projet cible spécifiquement les femmes, le concept de ce cadre peut être transféré et appliqué à n'importe quelle communauté de producteurs de café – il suffit de l'ancrer dans une collaboration entre les entités locales et les partenaires financiers privés et publics.

État des lieux

La première étape a consisté à évaluer les besoins de la communauté et les défis auxquels elle était confrontée, ainsi que ses objectifs. Des entretiens de référence sur le terrain et des données d'enquête ont permis d'identifier les obstacles et de définir le cadre d'un changement durable et équitable.

Les données tirées de l'enquête ont montré que les femmes manquaient de soutien en matière d'éducation et de formation, de développement de l'esprit d'initiative, d'infrastructures, de finances et de relations avec le marché. Bien que le café soit la principale source de devises du pays, représentant 83 % des exportations agricoles traditionnelles, seuls 27 % des exploitants enregistrés sont des femmes et, parmi elles, seuls 57 % sont propriétaires de leurs terres.

En outre, les productrices de café constituent un groupe vieillissant (l'âge moyen étant de 52 ans). La moitié des personnes interrogées a indiqué ne pas souhaiter voir les enfants travailler dans le secteur du café en raison de la baisse des revenus. Bien que 82 % des personnes interrogées aient indiqué que le café constituait leur principale source de revenus, 94 % déclaraient par ailleurs que ces revenus étaient insuffisants pour répondre aux besoins de leur famille. Il est intéressant de noter que 69 % des répondants ont déclaré n'avoir reçu aucune formation en matière d'agriculture, 48 % affirmant avoir appris sur le tas.

Ces données sont alarmantes au moment où la productivité et les prix chutent, tandis que d'autres problèmes, tels que le changement climatique et les maladies, continuent de peser sur cette industrie et de compliquer la vie de ces femmes.

Apprendre les ficelles du métier

Grâce à ces informations, le projet a identifié les lacunes en matière d'éducation et d'accès au marché comme des obstacles significatifs au progrès. Le projet Higher Ground a donc élaboré une approche à plusieurs niveaux qui utilise les bonnes pratiques de l'Institut de la qualité du café, l'apprentissage et l'autonomisation des dirigeants, ainsi que la certification traditionnelle des Q Graders, des professionnels qualifiés dans l'évaluation sensorielle du café, et la formation Q Processing Professional sur les méthodes de transformation.

En fin de compte, le projet vise à renforcer le langage commun des productrices de café jamaïcaines. Cela les aide à améliorer la qualité de leur café, tout en développant des capacités de leadership et d'expertise internes afin d'élever leur produit à un niveau qui puisse séduire le marché international du café. Parallèlement à l'éducation et au développement du leadership, les femmes ciblées reçoivent une formation axée sur le marché, et l'infrastructure est en cours de développement.

La formation s'est d'abord déroulée en ligne en raison de la pandémie de COVID-19. Les formations en présentiel ont repris lorsque les conditions sont revenues à la normale.

Une des bénéficiaires de la formation a déclaré que celle-ci avait été largement profitable parce qu'elle avait appris de nouvelles techniques telles que la fermentation et le procédé miel. Après avoir appris que les différentes méthodes de traitement affectaient le goût du café de diverses manières, une autre bénéficiaire a suggéré que les petits agriculteurs aient accès à davantage d'informations sur ce sujet d'importance.

En partageant les bonnes pratiques et en formant les formateurs, JAWiC contribue à jeter des bases solides pour une industrie du café saine, prospère et durable. Lorsque les femmes réussissent dans les affaires, c'est toute la communauté qui en profite.

Source : Tina Yerkes, directrice générale du Coffee Quality Institute

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