Malgré le nombre d'associations représentant le secteur des
services dans les pays en développement et les économies en
transition, les négociateurs commerciaux du gouvernement ont
rarement l'occasion d'entendre le point de vue de ce secteur sur la
libéralisation du commerce. C'est pourquoi les négociateurs
représentant les intérêts nationaux n'ont pas la tâche facile au
moment de formuler des recommandations qui reflètent véritablement
les intérêts de leur secteur national des services.
Absence des entreprises
Le fait que la voix des entreprises de services ne se fasse pas
plus entendre dans le cadre de l'OMC est surprenant si l'on
considère la force économique relative et absolue du commerce des
services. L'importance économique mondiale des services est
indéniable, tout comme la valeur ajoutée par les entreprises de la
branche - de la comptabilité et la publicité aux services de
construction et d'ingénierie -, puisque un pourcentage de la
production nationale totale croît de manière soutenue dans de
nombreux pays. Dans un nombre croissant de pays en développement,
la part la plus importante de la production économique revient au
secteur des services, avant l'agriculture ou l'industrie.
Les échéances de Doha
Depuis la Conférence de Doha, le temps court pour le secteur des
services. Les sociétés de services, qui couvrent 12 domaines clés
et fournissent plus de 150 types de services essentiels à la bonne
marche de l'économie d'un pays, ont été le point de mire des
négociations de l'OMC sur l'Accord général sur le commerce des
services (AGCS) depuis plus de trois ans. La Déclaration de Doha a
avalisé les travaux entrepris dans le cadre de l'AGCS depuis 2000
et établi la date limite du 1er janvier 2005 pour conclure les
négociations sur les services. Au cours de la 5e Conférence
ministérielle, au Mexique, les gouvernements feront le point sur
les avancées relatives à la libéralisation du commerce des
services.
L'absence de l'opinion du secteur des services du processus de
négociation de l'OMC sur l'AGCS s'explique en partie par le fait
que, durant des décennies, les compagnies du monde entier ont
exporté leurs services malgré les obstacles non tarifaires au
commerce. Estimant que, tant qu'il n'y a pas de problèmes, il n'est
pas nécessaire de se préoccuper, le secteur des services n'a pas de
motifs impérieux pour s'investir dans un processus complexe et
exigeant du temps, et qui n'est pas directement lié à des bénéfices
nets immédiats. C'est pourtant une erreur. En se montrant
proactifs, les représentants de cette branche participant au
processus de libéralisation commerciale vont alors réaliser des
opérations commerciales plus profitables. Un contexte offrant des
mesures favorables et non protectionnistes est plus propice aux
exportateurs de services. S'assurer que le cadre politique est
équilibré et positif pour les affaires exige que le secteur des
services s'engage activement et contribue aux négociations de
l'AGCS.
Manque de dialogue franc
Jusqu'à présent, on constate que, dans les pays en développement,
un franc échange de vues entre les secteurs public et privé
concernant les services n'a pas eu lieu. Il existe plusieurs
raisons à cela.
- Au niveau national, les associations représentant le secteur
des services ne se préoccupent généralement pas de la
libéralisation du commerce international et, par conséquent, les
recommandations sur les mesures commerciales qui refléteraient
réellement les intérêts de la branche ne sont pas formulées aux
négociateurs gouvernementaux.
- Les entreprises de services préfèrent adhérer à des organes
sectoriels plutôt qu'à des institutions d'appui au commerce (IAC)
où les questions relatives à l'OMC sont prioritaires.
- Avec des associations professionnelles qui n'accordent que peu
d'importance aux questions liées au commerce international et
l'adhésion généralement faible des entreprises de services aux IAC,
il existe peu de mécanismes nationaux pour donner à entendre le
point de vue du secteur des services aux négociateurs commerciaux
du gouvernement.
- Partout dans le monde, les associations du secteur des services
ont porté leur attention sur des problèmes nationaux, et les
questions plus vastes liées à l'OMC, lorsqu'elles sont abordées, se
trouvent reléguées à la fin de l'ordre du jour.
Voici les réponses de Doreen Conrad, Chef du Groupe du commerce
des
services du CCI, à quelques questions récurrentes sur le rôle
du
secteur des services lors des négociations de l'OMC sur
l'AGCS.
Étant donné l'engagement limité du secteur des
services dans les négociations sur le commerce des services, quels
types de mécanismes ou d'organisations pourraient-ils jouer un rôle
de catalyseur pour changer cette situation?
Le CCI soutient la formule qui veut qu'on mette sur pied des
organisations «parapluies» dans les pays en développement, à la
manière de l'Association des exportateurs de services en Ouganda.
Elles assistent aux grandes réunions de l'OMC au nom de toutes les
branches des services.
Comment les secteurs public et privé du monde en
développement peuvent-ils agir pour assurer une meilleure
représentation du secteur des services?
Il existe une conscience de plus en plus aiguë concernant l'AGCS
et son importance au sein des gouvernements des pays en
développement, mais ils ont besoin d'aide pour comprendre comment
solliciter l'apport des entreprises, en particulier d'associations
qui ne sont pas au courant de l'importance du processus de l'AGCS.
Le Dossier de consultation sur l'AGCS du CCI est un excellent moyen
par lequel commencer pour quelqu'un qui cherche des façons de
promouvoir une interaction plus efficace entre les organisations
représentant les entreprises de services et les
gouvernements.
Quel rôle les IAC jouent-elles pour représenter les
entreprises de services, en particulier les PME des économies en
développement et en transition?
Les PME appartiennent généralement à des associations
professionnelles, par exemple dans le domaine de l'architecture ou
de la comptabilité, et n'ont souvent pas le temps ni les ressources
pour adhérer à une autre organisation commerciale généraliste comme
une chambre de commerce. Souvent, les chambres n'ont pas une forte
représentation des services dans les pays en développement.
Certaines chambres, dont l'adhésion est obligatoire pour toute
entreprise, comme c'est le cas en Croatie, désignent une équipe
chargée des questions relatives à l'OMC.
Quels secteurs ont-ils le plus fort potentiel
d'exportation?
Selon le CCI, les domaines d'activité qui ont le plus grand
potentiel pour augmenter leurs exportations sont notamment les
services professionnels et aux entreprises; le CCI traite
d'ailleurs de ces domaines. Le tourisme est une autre activité
offrant des débouchés.
Calendrier de l'AGCS: il est encore temps
Les négociations de Doha ont confirmé le calendrier de
l'AGCS. En voici les dates et échéances clés:- Mars 2001: approbation des lignes
directrices et procédures de négociation de l'AGCS.
- 30 juin 2002: date limite pour que
les gouvernements soumettent leurs demandes relatives à l'accès aux
marchés.
- 31 mars 2003: présentation par les
gouvernements de leurs offres initiales concernant l'accès aux
marchés.
- Septembre 2003: point sur l'AGCS par
les gouvernements lors de la 5e Conférence ministérielle à Cancún,
Mexique.
- 1er janvier 2005: échéance pour
conclure les négociations de l'AGCS sous la forme d'un engagement
unique.
Pour que la défense des intérêts des entreprises
fonctionne
Au cours des négociations du Cycle d'Uruguay en vue d'un accord sur
le commerce des services, on peut repérer plusieurs exemples de
réussites concernant la défense des intérêts d'entreprises de
services, fondées sur une approche ciblée menée par des groupes de
pression dotés de fortes ressources.
Ce sont principalement deux grands groupes qui ont influencé la
formulation finale de l'AGCS pour qu'il réponde à leurs besoins.
D'une part, les sociétés multinationales de services ont réussi à
adoucir les règles concernant l'établissement de bureaux à
l'étranger et le transfert associé de personnel vers les marchés.
D'autre part, on note l'influence notoire du lobby représentant les
particuliers qui travaillent temporairement à l'étranger, durant
une année ou deux, tels que les enseignants et les
infirmiers.
Simultanément, les besoins d'un grand nombre de petites
entreprises de services ne constituant pas un lobby bien organisé
ont été négligés. Ce groupe, qui est représentatif du secteur des
services de la plupart des pays en développement, ne désire pas
établir de bureaux à l'étranger, mais doit se déplacer
temporairement sur les marchés étrangers pour raisons d'affaires,
en général pour des séjours de moins de dix jours. Il y a ici des
enseignements à tirer pour les organisations représentant le
secteur des services des pays en développement qui préparent les
négociations de l'AGCS en cours.
Des objectifs clairs, un message fort et des ressources sont les
ingrédients essentiels pour réussir dans la défense des intérêts
des entreprises, tout en sachant qu'une action entreprise tôt et
fondée sur une planification solide constitue la base de ces
efforts. Il existe plusieurs approches que les IAC des pays en
développement ou un regroupement d'exportateurs de services
pourraient adopter en vue d'influencer les négociations de
l'AGCS.
S'inspirer des réussites
Si un groupe de pression d'un pays en développement désire
aborder la question des visas d'entrée pour ses exportateurs de
services, comment devrait-il procéder dans le cadre de
l'AGCS?
Ce problème est abondamment documenté. Trop souvent, les
procédures pour obtenir un visa sont longues et coûteuses et elles
empêchent les exportateurs de services de saisir des occasions
inopinées. Un groupe d'IAC de pays en développement ou d'autres
associations sectorielles peuvent vouloir aborder cette question
avec leurs autorités avant une réunion concernant l'AGCS où ce
sujet sera traité.
Les groupes de pression, qui, idéalement, fonctionnent
collectivement dans un ensemble de pays d'une même région,
devraient mettre en avant les implications au niveau des coûts, les
incidences négatives sur les affaires en général et l'inefficacité
de la bureaucratie. Les représentants des milieux économiques
devraient s'efforcer d'identifier le point où la question du visa
est en conflit avec les objectifs qui sous-tendent le processus de
l'AGCS.
De bons arguments, un message clair et un mécanisme de diffusion
efficace pour assurer que les responsables commerciaux
gouvernementaux sont au courant des préoccupations de leur
communauté des affaires peut se révéler très efficace. Ce qui se
passe en réalité, c'est que les exportateurs de services des pays
en développement abordent la défense de leurs intérêts trop tard et
de manière désordonnée. Il faut que cela change si le secteur des
services tient à défendre concrètement ses intérêts dans le cadre
des négociations de l'AGCS.
Le Dossier de consultation sur l'AGCS du CCI
Le Dossier de consultation sur l'AGCS du CCI aide les
institutions d'appui au commerce à défendre les intérêts des
entreprises de services. Cet outil leur permet d'émettre des avis
fondés à l'attention des responsables commerciaux gouvernementaux
et de les aider à identifier les concessions désirées par les
exportateurs de services. Il permet aussi de montrer les incidences
de l'AGCS au niveau national à partir de 1995 et donne le
calendrier national détaillé de la libéralisation des
services.
Pour consulter le Dossier de consultation sur l'AGCS du CCI,
veuillez taper
http://www.intracen.org/worldtradenet/docs/
information/referencemat/gats_consultation_kit.htm
Alison Clements-Hunt a élaboré cet article sur la base
d'entretiens avec des responsables du CCI, d'information disponible
sur les sites de l'OMC et d'autres institutions liées au commerce
international. Pour plus d'information sur la préparation aux
négociations de l'AGCS, veuillez contacter Doreen Conrad, Chef du
Groupe chargé du commerce des services du CCI