La manière dont vous ouvrez des négociations commerciales
influence tout le processus, de l'offre initiale à l'accord final.
Et lors de toute première approche, surtout dans un contexte où les
cultures diffèrent, ces moments sont d'autant plus décisifs.
Les cadres commerciaux devraient se poser trois questions quand
ils préparent leur offre d'ouverture:
• Qui devrait faire la première offre?
• Doit-elle être élevée (si vous
exportez) ou basse (si vous importez)?
• Que faire si votre offre est rejetée?
Certains négociateurs recommandent de laisser l'autre partie
ouvrir la discussion, tandis que d'autres suggèrent que faire la
première offre donne un avantage tactique. Ces recommandations sont
toutes deux simplistes et s'appliquent en général à des opérations
commerciales ponctuelles. Conclure des affaires sur la scène
mondiale est une perspective de longue haleine au sein de laquelle
les rapports personnels sont essentiels. Les négociateurs
expérimentés créent une bonne atmosphère qui entraîne des effets
positifs sur le ton, le style et le cours des négociations, tout
comme sur l'accord final.
La première impression ne change pas facilement, surtout si elle
est négative. Nous avons tendance à réagir plus vite, plus fort et
plus durablement lorsque notre impression est mauvaise que si elle
est positive. Ainsi, prenez un soin tout particulier à la
formulation de votre offre d'ouverture.
En vue de négociations positives, votre offre d'ouverture
devrait:
• mettre l'accent sur les bénéfices mutuels;
• être claire et positive;
• permettre la flexibilité;
• susciter l'intérêt;
• inspirer la confiance, et
• créer un climat de bonne volonté.
Comprendre les nécessités de l'autre partie
La phase d'ouverture est le moment où vous découvrez ce que
l'autre partie recherche véritablement. Il faut identifier ses
besoins sous-jacents et vos intérêts communs, et mettre l'accent
sur les bénéfices mutuels qui découlent de l'accord futur. Lors du
stade initial des discussions, soyez prêts à mettre de côté les
différences d'intérêts et les obstacles potentiels qui pourraient
faire échouer les pourparlers.
Votre première offre devrait paraître équitable et raisonnable.
L'autre partie peut avoir besoin d'arguments qui étayent votre
proposition et vous devriez pouvoir les lui fournir. Avant tout,
l'offre initiale devrait se situer à un niveau élevé, de telle
sorte que vous puissiez manœuvrer et protéger vos marges. Des
études ont montré que les négociateurs qui démarrent avec des
aspirations élevées aboutissent souvent à de meilleurs résultats
que ceux dont les objectifs étaient plus modestes. En règle
générale, les acheteurs obtiennent plus en commençant avec des
offres basses, tandis que les vendeurs améliorent leurs résultats
avec une ouverture élevée.
À la lumière de cette analyse, les exportateurs peuvent être
tentés de faire des offres élevées et les importateurs des
ouvertures basses, cela pour augmenter leurs chances de succès.
Cependant, comme chaque opération est différente, les deux parties
en présence devraient traiter toute nouvelle négociation comme un
cas unique qui requiert un soin particulier dans la planification
de la stratégie d'ouverture. Dans les milieux d'affaires
internationaux, les négociateurs expérimentés gardent plusieurs
facteurs à l'esprit dans la préparation de leur position de départ:
les usages culturels sur le marché cible, la concurrence dans la
ligne de leurs produits, et s'ils cherchent ou non à répéter
l'opération à long terme. Il faut également peser si les acteurs
ont vraiment besoin de décrocher ce contrat ou s'ils ont d'autres
cartes en main.
Dois-je faire le premier pas?
Oui, si vous voulez prendre l'initiative et donner le ton à la
discussion. Vous gagnez un avantage tactique en marquant votre
position en premier, car vous établissez un point de référence.
Cette position va probablement influencer les réactions de
l'autre partie. Elle connaît vos conditions et va soit les rejeter,
soit demander une contre-proposition. Elle peut aussi revoir ses
limites d'acceptation au regard de votre offre initiale.
À ce moment-là, ne faites pas de concessions inutiles,
recherchez plutôt des précisions. Cette approche présuppose que
votre offre de départ se fonde sur une information récente du
marché, qu'elle est crédible et présentée avec conviction.
Dans la majorité des contrats d'affaires, on s'attend à ce que
les vendeurs fassent la première offre, alors que les acheteurs
considèrent qu'ils sont dans une position de force. Dans certains
marchés, les acheteurs mènent les pourparlers et contrôlent les
négociations de bout en bout, jusqu'à la conclusion de
l'accord.
Non, si vous ne connaissez pas le marché où vous vous lancez.
Entamer des négociations sans être bien informé et comprendre
clairement ce que l'autre partie veut vous fait prendre des
risques.
Une autre raison de ne pas faire le premier pas, même si vous
connaissez le prix du marché, est qu'il faut éprouver le sérieux de
votre interlocuteur, surtout lors d'un premier contrat.
Renseignez-vous sur les normes de qualités appliquées, sur les
délais de livraison, le volume de la commande, les conditions de
paiement et d'autre données pertinentes. C'est ainsi que vous
pourrez présenter une offre ou une contre-proposition valable.
Une offre élevée...
Oui, si vous pouvez justifier le niveau de vos conditions. À ce
premier stade des pourparlers, toute objection relative au niveau
de votre offre devrait passer par des questions et non par des
concessions. La meilleure façon d'aborder ces objections pour vous
est de déterminer dans quelle mesure votre proposition est
acceptable et quels en sont les éléments contestables. C'est grâce
à cette information que vous pourrez soit justifier votre offre
initiale ou, si nécessaire, faire une contre-proposition. Les
propositions et contre-propositions devraient s'échelonner une à
une, par l'intermédiaire de questions réitérées (voir encadré p.
15). Cela vous permet de collecter et d'échanger des renseignements
sans faire de concessions. Autre intérêt: avec cette technique, les
pourparlers continuent malgré le rejet d'une offre initiale
élevée.
Démarrer avec une offre élevée est courant sur les marchés où
les cadres commerciaux mesurent leur capacité à négocier au nombre
de concessions obtenues. Ainsi, on s'attend à une offre de départ
élevée dans de nombreux pays d'Amérique latine et du Moyen-Orient.
Sur les marchés fortement concurrentiels comme souvent dans le
Sud-Est asiatique, en Amérique du Nord ainsi qu'en Europe
Occidentale, les offres initiales se situent légèrement au-dessus
du résultat financier net espéré. Dans la plupart des pays d'Asie
et d'Afrique et des économies en transition d'Europe, une offre
moyenne est considérée comme normale. Une offre initiale modérée
constitue une stratégie convenable pour entamer les pourparlers sur
les marchés étrangers.
L'erreur majeure à éviter est de présenter une offre si élevée
par rapport à son interlocuteur qu'elle aboutit à une impasse. Un
piège courant consiste souvent à faire une offre élevée sans être
préparé à la justifier; pour contourner cette lacune, les
négociateurs accordent tout de suite des concessions, sans exiger
de réciprocité.
... ou basse
Oui, dans certaines conditions. Les experts peuvent commencer
par une offre basse, proche du résultat financier, sinon pour
obtenir l'affaire, du moins pour être invités à négocier. Dans
certaines activités et sur quelques marchés, les produits sont
vendus au prix courant et à des conditions préétablies, ce qui
laisse peu de choix dans la décision de l'offre. Ainsi, dans une
situation fortement concurrentielle, votre offre devrait se situer
plus ou moins au même niveau que celui des autres.
Avec un prix d'ouverture proche de celui de la concurrence,
l'avantage est qu'il vous permet de demeurer dans la course. Si
vous voulez augmenter vos chances et que votre offre soit retenue,
vos propositions doivent répondre à des besoins spécifiques de
l'autre partie et faire la preuve que vous pourrez satisfaire ses
exigences. Ce faisant, il est important de ne pas critiquer vos
concurrents ouvertement.
Dans l'espoir de conquérir un nouveau marché, ou de se faire
remarquer par un nouveau client, les négociateurs démarrent souvent
avec une proposition voisine ou parfois inférieure au résultat
financier, auquel cas il est primordial de spécifier que cette
offre n'est valable que pour une période déterminée; par exemple,
un exportateur peut se retrouver avec une capacité productive
excédentaire lors du dernier trimestre de l'année, raison pour
laquelle il peut conclure un contrat limité à un prix préférentiel
exceptionnel de manière à couvrir ses coûts fixes et une partie des
coûts variables.
Parfois, on peut être tenté de faire une offre basse pour
s'assurer un contrat avec certaines firmes internationales connues.
C'est une stratégie fréquente parmi les petites et moyennes
entreprises, car elles recherchent des négoces au niveau
international. L'avantage d'être partenaire de grandes firmes
internationales l'emporte sur la nécessité d'un gain immédiat. Une
telle stratégie commerciale place cependant le négociateur dans une
position de faiblesse dès le départ et a souvent pour résultat des
accords peu rentables. Afin d'éviter d'être pris dans ce type de
situation, mieux vaut éloigner le débat de la proposition initiale
et le centrer sur les besoins de l'autre partie.
À ce niveau, votre préoccupation principale doit être de mener
la discussion par le biais de questions, de manière à vous assurer
de comprendre exactement quels sont les besoins de l'autre partie
et pouvoir ainsi proposer de nouveaux éléments tels qu'une
meilleure qualité, une livraison rapide, un emballage individuel
plutôt qu'un conditionnement en vrac, des délais de production
courts et flexibles ainsi que d'autres avantages immatériels, dans
le dessein d'améliorer vos marges. En gérant habilement une telle
stratégie d'offre basse, vous pouvez obtenir des contrats rentables
malgré un départ proche du résultat financier. Il est connu que les
acheteurs professionnels recherchent les produits de meilleure
qualité, en provenance des firmes les plus réputées et au prix le
plus avantageux. Ainsi, ces acheteurs préfèrent souvent payer un
prix fort pour éviter le risque d'une qualité médiocre ou d'une
livraison tardive.
Il arrive que des petites ou moyennes entreprises fassent des
offres très basses dans l'espoir de recevoir de grosses commandes à
des prix plus élevés à l'avenir. Pourtant, trop souvent ces
promesses de débouchés futurs ne se concrétisent jamais. Ainsi,
négocier des contrats à bas prix dans le dessein de récupérer des
gains lors de commandes futures représentent une stratégie risquée.
Les négociateurs avisés l'évitent précisément à cause du risque
qu'elle implique. N'oubliez pas que la raison pour laquelle vous
avez obtenu le contrat était votre offre basse; au moment où vous
augmenterez votre prix (que cela soit justifié ou non), l'acheteur
se tournera probablement vers la concurrence.
Pourquoi une offre initiale est-elle
refusée?
Réagissez de façon positive. Un refus devrait être considéré
comme le début des négociations, et pas le moment de faire des
concessions ou d'adopter une attitude défensive.
Les négociateurs expérimentés s'attendent à des objections, et
ils les retournent à leur faveur sans faire de concessions. Ils
jugent toute réaction comme l'occasion d'échanger des
renseignements au travers de questions.
Avant même de justifier votre proposition initiale, demandez à
l'autre partie de vous indiquer quels points de votre offre elle
est disposée à accepter. Cette information vous permet de commencer
à discuter de façon positive et de présenter à nouveau votre
proposition en mettant l'accent sur les aspects favorables aux yeux
de l'autre partie. En ne cédant pas à une pression, vous vous
assurer un avantage psychologique certain dès le début des
pourparlers. Cet échange d'information entre les deux parties est
utile pour déterminer quels sont les fondements communs et pour
chercher de nouveaux intérêts, et parvenir ainsi à un meilleur
accord.
Un résumé des objections les plus courantes lors de la phase
d'ouverture des pourparlers proprement dits et des réponses
pertinentes vous est donné dans l'encadré de la page 16. Ces
objections sont souvent émises afin de vous mettre sur la
défensive. En menant les discussions en posant plusieurs fois les
questions jusqu'à ce que vous parveniez à une compréhension limpide
de ce que l'autre partie veut vraiment, vous pouvez surmonter les
objections initiales et vous retrouver dans une position favorable
pour diriger les négociations vers vos objectifs.
Préparer votre première offre
Chaque fois que vous envisagez une négociation, votre offre
initiale devrait être valable dans le contexte des discussions.
Entrer en matière avec de fausses prétentions ou sur des principes
sans fondement pourrait se révéler coûteux ou aboutir à une
impasse. Faites donc une offre compétitive aux yeux de l'autre
partie et soyez prêts à la défendre avec des arguments solides.
Le pire des scénarios consiste à faire des concessions aussitôt
des objections faites à votre première offre. Les négociateurs
inexpérimentés ou mal préparés se trouvent souvent confrontés à ce
problème lors de leurs transactions commerciales. Les questions,
l'écoute active et la patience font beaucoup pour inverser cette
tendance. Anticipez les objections courantes auxquelles vous devrez
probablement faire face, préparez des réponses adéquates et
élaborez des questions d'éclaircissement avant même de rencontrer
l'autre partie.
Votre connaissance du marché, une évaluation claire de vos
concurrents et une bonne compréhension des nécessités de l'autre
partie devraient vous aider à surmonter la phase initiale
critique.
Comme l'offre d'ouverture va déterminer l'issue des
négociations, votre capacité à donner une bonne impression dès le
départ est cruciale. N'oubliez pas que vous n'aurez probablement
pas d'autre occasion de faire vos preuves.
Bien qu'il vaille mieux donner une offre de départ légèrement
élevée pour atteindre un meilleur résultat, vous pouvez être amené
à la baisser sur un marché fortement concurrentiel. Sur des marchés
plus traditionnels et moins compétitifs, vos offres devraient être
parmi les plus élevées mais comprendre des concessions. Sur ces
marchés, les négociateurs jugent leurs résultats au nombre de
concessions obtenues grâce à leurs talents pour faire baisser les
prix plutôt que sur la valeur totale de ces concessions.
Quel que soit le marché où vous projetez de négocier, vous devez
présenter votre offre initiale avec assurance et conviction, tout
en restant flexible. Il ne s'agit pas que votre offre soit acceptée
ou refusée ou que vous soyez le premier à la faire, mais plutôt de
vous mettre en position de force et de garder le contrôle des
discussions. En effet, ce n'est que par l'intermédiaire de
questions pertinentes que vous arriverez à savoir quelle est la
demande réelle de l'autre partie, ce qui vous permettra de
reformuler votre offre afin de satisfaire ses besoins
spécifiques.
Il faut considérer cette phase des négociations comme l'occasion
d'établir un climat de confiance, qui générera alors un échange
d'information stratégique. Ce n'est pas le moment de faire des
concessions. Les cadres issus de certaines entreprises ou milieux
estiment que la phase initiale n'est qu'une perte de temps et
entament tout de suite les pourparlers relatifs aux concessions.
Les négociateurs avisés consacrent de préférence leur temps à
s'enquérir des besoins réels de l'autre partie et à déterminer
comment y répondre au mieux dans le cadre d'un contrat
satisfaisant. En conclusion, votre offre initiale devrait être le
reflet de votre meilleur scénario, fondé sur des arguments de
premier ordre.
Claude Cellich est Vice-Président de l'International
University, à Genève; il a occupé le poste de Chef du développement
des ressources humaines du CCI. On peut le joindre à l'adresse: info@iun.ch