Les milieux économiques des pays en développement défendent
énergiquement un retour à la table de négociations. Les séminaires
du CCI Business for Development aident les cadres d'affaires à se
faire entendre des négociateurs gouvernementaux et contribuent à
l'établissement de positions nationales de négociation plus
ciblées. Cette série de rencontres a pris un bon départ à Nairobi
(30-31 mars), où les participants de l'Afrique australe et de l'Est
ont débattu de leurs attentes liées aux pourparlers commerciaux
dans le cadre du Cycle de Doha, qui devrait s'achever en janvier
2005.
Défendre les intérêts de l'Afrique
À Nairobi, les représentants gouvernementaux et économiques de 12
pays ont échangé leurs points de vue.
«Si elle veut que ses intérêts soient traités à l'OMC, l'Afrique
n'a pas d'autre choix que de rester présente lors des négociations,
a déclaré M. Mukhisa Kituyi, Ministre du commerce et de l'industrie
du Kenya. Cependant, nous devons posséder l'information nécessaire
pour être efficaces. Les gouvernements négocient au nom des milieux
économiques; et ils ne savent pas tout. C'est pourquoi il faut
qu'ils forment des partenariats solides avec le secteur des
affaires… La communauté des affaires doit avoir sa voix au chapitre
lors des négociations.»
Lors de la séance d'ouverture, le Directeur exécutif du CCI, M. J.
Denis Bélisle, a annoncé que l'objectif de la réunion était d'aider
les milieux d'affaires et les gouvernements à se rassembler au sein
d'une équipe public-privé forte, en vue de défendre les intérêts de
l'Afrique lorsque les négociations commerciales reprendraient à
Genève.
Étaient également présents à cette réunion le Ministre kényen de la
planification et du développement national, M. Peter Anyang'
Nyong'o, et la Chargée d'affaires auprès de l'ambassade des
États-Unis, Mme Leslie Rowe. Les représentants du secteur privé de
la région comprenaient des directeurs de chambres de commerce, des
exportateurs en vue, des producteurs de produits de base et des
défenseurs des consommateurs. Les participants ont écouté des
présentations faites par des experts africains et du CCI sur l'état
actuel des négociations à Genève sur l'agriculture et l'accès aux
marchés pour les produits industriels, et sur l'avenir du commerce
des textiles.
Mme Rowe a réaffirmé l'engagement des États-Unis concernant le
système commercial multilatéral et leur volonté de diminuer, voire
d'éliminer le soutien à l'agriculture. Et d'ajouter: «La tâche de
chaque État membre [de l'OMC] est de prendre des décisions
difficiles sur les concessions qu'il veut et peut faire de manière
à obtenir des avantages sur d'autres fronts. La contribution de la
communauté des affaires à l'établissement du calendrier national
des négociations est vitale pour le succès des discussions
commerciales multilatérales.»
Les milieux d'affaires doivent s'exprimer
«Le succès des négociations du Programme de Doha pour le
développement dépend pour une bonne part de la qualité de la
collaboration entre les négociateurs commerciaux nationaux et les
cadres d'affaires», a soutenu M. Bélisle. Le problème, c'est que
trop souvent ces parties ne se parlent pas.
Il a également commenté que les milieux économiques des pays en
développement, en particulier ceux qui commencent seulement à avoir
confiance dans leurs capacités, doivent faire entendre leur voix
dans les cercles gouvernementaux avant que les pourparlers
n'aboutissent. «Il ne faut pas attendre que les négociateurs
rentrent chez eux pour se plaindre qu'ils n'ont pas obtenu les
accords dont le secteur privé avait besoin.»
M. Ramamurti Badrinath, Directeur de la Division des services
d'appui au commerce du CCI, en vue de promouvoir le concept de
«défense des intérêts des entreprises», a énoncé que, dans la
plupart des pays en développement, le secteur privé, après s'être
tenu éloigné des pourparlers commerciaux pendant des années, car il
était persuadé que les négociateurs gouvernementaux s'en occupaient
mieux, demande à présent à être consulté, comme cela se fait au
Nord.
M. Peter Naray, Conseiller principal du CCI sur le système
commercial multilatéral, a mentionné que ses collègues et lui
avaient remarqué que les milieux économiques africains étaient
consternés par le vide lors des pourparlers de Cancún et qu'ils
désirent un retour à la table de négociations aussitôt que
possible.
Une conséquence importante de Cancún est la prolifération d'accords
bilatéraux et régionaux, qui ajoutent à la complexité des échanges
internationaux et ne favorisent pas les pays qui ont peu de pouvoir
de négociation. «L'incertitude est le pire ennemi des entreprises,
a affirmé M. Bélisle. Les chefs d'entreprise doivent pouvoir
prévoir l'avenir pour prendre des décisions, notamment celles
concernant les investissements.»
Avec ce séminaire, le CCI visait à permettre au secteur privé et
aux gouvernements de la région de se comprendre et, ainsi, de
préparer un programme cohérent pour reprendre les négociations du
Cycle de Doha.
Affronter les difficultés à venir
Les orateurs concordaient pour dire que tout retard dans la reprise
des négociations signifierait rater des possibilités pour les
entreprises et perdre des chances de développement pour les
économies africaines.
- Textiles. Les problèmes qu'affrontent
les plus petits producteurs, notamment avec l'arrivée de la
concurrence chinoise alors que le secteur devra s'adapter aux
règles de l'OMC dès l'année prochaine, ont représenté le thème
majeur traité lors de cette rencontre. M. Martin Viljoen, Directeur
exécutif du Conseil sud-africain de l'exportation de l'industrie
textile, a suggéré que les pays subsahariens se réunissent sous
l'appellation Brand Africa pour commercialiser leurs produits. M.
Jeremy Misgrave, Chef de la direction de National Blankets Textile,
au Zimbabwe, a exprimé que les producteurs africains pouvaient
assurer une part du marché mondial des textiles et vêtements
réduite mais durable en s'unissant.
- Agriculture. «Tandis que
l'agriculture est peut-être la question la plus importante pour
l'Afrique, les cultivateurs de ce continent sont les moins informés
et les moins engagés dans les négociations et autres mesures de
développement commercial, a soutenu Mme Angela A. Wauye, Économiste
au Ministère kényen de l'agriculture et du développement rural. Ils
doivent former des associations et des consortiums en vue de
bénéficier d'effets de synergie, d'économies d'échelle et
d'efficacité technique.»
- Accords commerciaux régionaux. «Les
pays africains seraient mieux servis par le système commercial
multilatéral que par des accords bilatéraux ou de tout autre type»,
a suggéré M. Kipkorir Aly Azad Rana, Directeur général adjoint de
l'OMC. Certains participants ont soutenu que la création de
groupements régionaux, tant en Afrique qu'avec d'autres pays en
développement, pourrait aider le continent à défendre ses intérêts
mieux que dans le cadre du Cycle de Doha. Mme Rosalind H. Thomas,
du Centre de développement des ressources financières de la
Communauté pour le développement de l'Afrique australe (SADC), a
rétorqué que cette stratégie était insuffisante, car les intérêts
des parties prenantes de pactes si larges «sont souvent
fondamentalement divergents».
Un participant kényen, M. Job K. Kihumba, Directeur exécutif de
l'Association of Professional Societies in East Africia, a noté
que, grâce au CCI, les représentants du gouvernement et des chefs
de file des milieux d'affaires comprenaient ce qui se passe dans la
région et pouvaient voir les possibilités offertes par le système
commercial multilatéral. «En fin de compte, ce sont les entreprises
qui savent où le bât blesse.»
Les participants ont aussi exprimé que le CCI devrait continuer à
fournir des analyses et mises à jour destinées aux entreprises sur
les pourparlers commerciaux, y compris un meilleur accès à ses
outils et services à ce sujet, notamment Market Access Map.
En 2004, la série de réunions Business for Development se fonde sur
les résultats des sept rencontres Business for Cancún tenues
pendant le premier semestre 2003. Ces réunions régionales ont
abouti à ce que 49 entrepreneurs se joignent aux délégations
nationales lors des pourparlers. Les deux séries sont financées
notamment par l'Allemagne, les États-Unis, les Pays-Bas, la Suède
et la Suisse.
Le CCI à la CNUCED XI
- Business for Development - 8-9 juin.
Cet atelier, que le CCI organise durant la Semaine du commerce à
Rio de Janeiro, est destiné prioritairement aux pays d'Amérique
latine et des Caraïbes.
Défense des intérêts des entreprises
Les sept ateliers régionaux Business for Cancún mis sur pied en
2003 ont compté avec la participation de plus de 300 cadres
d'affaires et négociateurs gouvernementaux de 87 pays. Ils visaient
à promouvoir des partenariats plus étroits et à intensifier le
dialogue. La réunion Business for Development de Nairobi a
rassemblé 60 participants issus des secteurs public et privé de 12
nations de l'Afrique australe et de l'Est. Ces initiatives aident à
clarifier les positions de négociation et à stimuler la défense des
intérêts du commerce.
D'autres ateliers sont prévus pour 2004:
- Économies en
transition: Sofia, Bulgarie, 18-21
mai
- Pays d'Amérique latine et des
Caraïbes: Rio de Janeiro, Brésil,
10-11 juin (lié au programme de la CNUCED XI à São Paulo)
- Pays asiatiques:
septembre ou octobre (à confirmer)
- Afrique centrale et de l'Ouest:
novembre ou décembre (à confirmer)
Les présentations et conclusions de la réunion de Nairobi se
trouvent à l'adresse http://stage.intracen.org/worldtradenet
Pour plus d'information, veuillez contacter Peter Naray (naray@intracen.org),
Conseiller principal du CCI sur le système commercial
multilatéral.
Dianna Rienstra et Prema de Sousa ont préparé cet article à partir
des rapports et communiqués de presse rédigés par Robert Evans et
Natalie Domeisen.