Il y a dix ans, le paysage commercial mondial et de l'assistance
liée au commerce a fondamentalement changé. La création de
l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'apparition de
l'internet et la concurrence mondiale se sont associées de telle
sorte que les exportateurs des pays en développement et en
transition se sont retrouvés face à des débouchés et des défis
énormes. Pour pouvoir s'en sortir, ils se sont adressés avec
empressement au CCI, leur partenaire de longue date. Et leurs
besoins étaient grands. Pour y répondre, ce dernier nécessitait le
soutien de donateurs, qui n'était pas forcément disponible, car il
avait chuté. Les donateurs et les organisations parentes exigeaient
des changements drastiques dans les opérations du CCI.
Le CCI se trouvait à la croisée des chemins. Il devait examiner de
près les nouveaux besoins de ses clients et la manière dont il
gérait ses propres affaires. Il avait besoin d'une dynamique qui
permette à l'organisation de comprendre les réalités commerciales
sur les marchés mondiaux et d'apprécier les contraintes de l'offre
de ses clients. Il avait besoin d'un programme pour redéfinir ses
activités fondamentales sur la base stricte de ses avantages
comparatifs, réinventer son approche du renforcement des capacités
commerciales et augmenter la transparence et l'efficacité de sa
gestion.
Durant ces dix dernières années, le CCI a réussi à mettre en place
les engagements de 1994. Il reste encore beaucoup à faire, mais de
nombreux jalons sont en place.
Une niche redéfinie
Le premier pas fut un plan pour réorienter l'institution. Il
mettait l'accent sur une orientation stratégique dirigée vers les
clients, l'assurance qualité et la transparence. Entre 1995 et
1997, nous avons établi un nouveau «cadre de gestion». Nous avons
restructuré le Bureau du Directeur exécutif pour qu'il assume les
responsabilités de la stratégie de l'institution et l'assurance
qualité dans la conception et la fourniture des programmes. Nous
avons créé le Groupe de recherche et d'analyse (précurseur de
l'actuelle Section d'analyse des marchés) pour suivre les tendances
du marché et les flux d'exportation. Enfin, au sein de
l'organisation, nous avons concentré les connaissances des produits
par secteurs (principalement liés à l'agriculture) qui possèdent le
plus fort potentiel d'exportation dans les économies en transition
et en développement. Petit à petit, nous nous sommes concentrés sur
les segments avec la plus forte valeur ajoutée.
Parallèlement, nous nous sommes familiarisés avec un domaine
important doté d'un potentiel inexploité: le secteur des services.
À la fin des années 1990, nous possédions un programme actif pour
promouvoir de l'exportation des services. L'approche, bien que
spécifique au marché des services, suit l'orientation de l'approche
du CCI concernant l'offre. Lentement mais visiblement, le CCI est
passé de la promotion des exportations au développement des
exportations. Nous avons ajusté l'esprit de l'organisation en
passant de l'aspect de la commercialisation à une attention plus
large sur les questions de compétitivité internationale.
Orientation clients accrue
Nous avons créé un groupe spécial dédié aux besoins en capacité
commerciale des PMA. Lors de la
Table ronde du secteur
des affaires, à l'occasion de la 3e Conférence des
Nations Unies sur les pays les moins avancés, tenue à Bruxelles en
2001, a été lancée cette nouvelle initiative pour aider le
démarrage des exportations des PMA. Nous y avons invité 20
exportateurs des PMA ayant réussi, pour qu'ils puissent expliquer
comment ils avaient su profiter des possibilités d'exportation pour
leurs affaires malgré les contraintes auxquelles ils étaient
soumis, et nous avons recueilli et diffusé les conclusions de ces
entretiens.
De plus, pour assurer de meilleurs liens avec les clients, nous
avons mis sur pied des «bureaux nationaux» pour le développement de
programmes dans la Communauté des États indépendants et d'autres
économies en transition.
Une gestion plus stricte
Nous avons gagné du terrain en ce qui concerne les réformes
organisationnelle et opérationnelle entraînées par le plan initial.
Le Plan annuel d'opération, introduit fin 1990, a été renforcé par
les outils du Projet de cycle de gestion, par un nouveau Système
d'évaluation et de notation des fonctionnaires ainsi que, en 2002,
par un Plan stratégique de trois ans. En 2003, nous avons mis en
œuvre le système automatisé Portail de gestion des projets afin
d'assurer l'application ponctuelle des projets sur le terrain et le
Système intégré de gestion en vue de rationaliser l'administration
et les procédures internes. Pendant dix ans, l'instauration d'une
culture d'équipe fondée sur les résultats a été la priorité du
CCI.
Nouveaux produits et méthodes de prestation
En 1998, le CCI a laissé de côté le renforcement de son
organisation pour se consacrer à rééquiper ses programmes et à
réorganiser son approche des prestations sur le terrain. L'adoption
de l'approche de produit-réseau représente une étape décisive dans
le développement technique du CCI.
Le principe à l'origine de cette approche pose que le CCI devrait
assumer une plus grande responsabilité dans le développement de ses
propres «produits» d'assistance technique (par exemple les guides
des «meilleures pratiques», les systèmes de formation et de conseil
commercial, et les outils d'appui à la compétitivité et
d'évaluation comparative) et compter sur les «réseaux»
institutionnels pour les adapter aux exigences nationales et les
proposer aux clients sur place. La continuité des relations sur le
terrain a été mise en avant dans les efforts de renforcement des
capacités du CCI. C'est ainsi que le CCI s'est institué comme
agence technique et s'est repositionné non seulement en tant que
fournisseur d'assistance technique mais aussi comme partenaire du
développement commercial national.
Dès la mise en place de l'approche de produit-réseau, le CCI a
développé plusieurs outils et réseaux de collaboration allant
de
Juris international, base de données
trilingue sur le droit commercial international pour les pays en
développement, le
Système de formation à la passation
de marchés publics, le
Système de gestion
des entreprises pour les administrateurs
d'entreprises, la série de guides pratiques commerciaux
Les Clefs de… sur la gestion de la
qualité, le commerce électronique, le commerce des services, la
finance, etc. La plupart de ces outils sont conçus pour être
adaptés en fonction du pays des partenaires, manière efficace et
bon marché de contribuer au renforcement des capacités nationales.
Le
Compendium des outils, services et programmes du
CCI et les
Salons des outils de la
compétitivité se fondent sur les outils cités plus
haut.
Le plus réussi de ces nouveaux produits est la série des
Trade Maps (
Trade Map, Market Access
Map, Product Map, Country Map), un ensemble informatisé de
statistiques destiné à aider les stratèges commerciaux, les
institutions de développement commercial et les exportateurs à
prendre les meilleures décisions sur la base d'une analyse
stratégique de marché et de simulations. La série Trade Maps a
aussi inauguré le fait que le CCI a commencé à vendre, et non à
proposer gratuitement, certains de ses produits spécialisés.
Renforcer les partenariats
Les partenariats sont au centre des activités d'appui du CCI sur le
terrain. Dès 1997, le CCI a formé le premier partenariat global
d'assistance technique conjointement avec la CNUCED et l'OMC, le
Programme intégré conjoint d'assistance
technique (JITAP). En Afrique, ce programme vise à
renforcer les capacités au sein du secteur public en vue des
négociations de l'OMC et de la conformité, ainsi que l'appui au
secteur privé pour qu'il sache profiter des débouchés commerciaux
créés par le changement au sein du système commercial
multilatéral.
Le partenariat du JITAP, actuellement dans sa deuxième phase, a été
suivi de plusieurs alliances avec des agences techniques ou
financières, parmi lesquelles le Secrétariat du Commonwealth,
l'Agence intergouvernementale de la francophonie, l'Organisation
internationale de normalisation, le Conseil international des bois
tropicaux, la Banque mondiale, le Centre de promotion des
importations des Pays-Bas, le Secrétariat d'État à l'économie
(
seco) de la Suisse et, dernièrement, le Bureau de
promotion commerciale du Canada.
L'accent porté sur les partenariats comprend l'appui visant à
renforcer ceux-ci entre les secteurs public et privé par la
pratique: 1999 fut marqué par la première édition du
Forum exécutif du CCI, une rencontre de
trois jours dûment préparée pour débattre des stratégies nationales
d'exportation, réunissant les hommes d'affaires en vue et les
responsables gouvernementaux.
La formule, visant à sensibiliser, à identifier les meilleures
méthodes de développement des stratégies et à promouvoir le
dialogue entre les secteurs public et privé, est devenue une
manifestation annuelle, qui se tient à Montreux, en Suisse, grâce
au soutien du
seco.
Flexibilité et synergie
Depuis le milieu des années 1990, nous avons systématiquement
favorisé l'approche du partenariat comme moyen de maximiser les
synergies entre les fournisseurs d'assistance techniques et de
flexibiliser les opérations du CCI sur le terrain. Cela a été
couronné de succès.
Premièrement, en 1998, plusieurs donateurs se sont mis d'accord
pour contribuer à un Fonds global d'affectation spéciale (FGAS), à
utiliser de manière flexible, pour répondre aux demandes
spécifiques d'appui, pour mettre sur pied des interventions plus
ambitieuses et pour financer des programmes à long terme avec la
participation de plusieurs donateurs.
Grâce au FGAS, la capacité du CCI à réagir rapidement et à assurer
un engagement solide face aux besoins grandissants des économies en
développement et en transition a été nettement accrue. Le nombre
des participants au FGAS a augmenté depuis sa création.
Les programmes à long terme financés par le FGAS incluent notamment
le
Programme de réduction de la pauvreté par les
exportations qui met les exportateurs de communautés
pauvres en contact direct avec les marchés d'exportation. Nous
avons dirigé une approche novatrice dans huit pays, dans des
secteurs tels que les épices biologiques, le café gourmet, la soie,
le miel et le tourisme communautaire. Certaines des applications
les plus récentes du Programme de promotion du commerce Sud-Sud,
porte-drapeau du CCI, ont également bénéficié du FGAS, avec
notamment la réussite du projet
Acheter en Afrique pour
l'Afrique, dans le domaine de l'approvisionnement de
l'aide humanitaire, et
Latin Pharma, en
ce qui concerne le secteur pharmaceutique de l'Amérique
latine.
Deuxièmement, la priorité portée sur la création de partenariats
comprend la participation du CCI à des «consortiums» d'assistance
technique élargis, le plus notoire étant le
Cadre
intégré (CI), une alliance de six agences
multilatérales (Banque mondiale, CCI, CNUCED, FMI, OMC et PNUD) qui
œuvre au soutien de l'intégration du commerce aux plans de
développement national généraux des PMA. Notre engagement dans le
CI a généré une série de projets conçus pour renforcer les
capacités nationales en vue de l'appui à la compétitivité du
secteur des affaires.
Troisièmement, des manifestations spécifiques telles que la
rencontre biennale
Meet in Africa, qui
est devenue le principal forum pour l'industrie du cuir en Afrique,
attirant des centaines d'exposants et des milliers de
professionnels de la branche, illustrent tout à fait la synergie
entre les acteurs économiques et le CCI.
La défense des intérêts des entreprises
Notre association toujours plus étroite avec la CNUCED et l'OMC
pour nos activités d'assistance technique nous a rapprochés dans le
domaine de la politique. En 1995, le CCI a publié, en coopération
avec le Secrétariat du Commonwealth, Le
Cycle
d'Uruguay: Guide à l'intention des entreprises, qui
explique au profane les accords et leurs incidences pour les
milieux économiques.
Cette publication nous a incités à nous engager davantage dans
l'information destinée au secteur des affaires sur les effets
secondaires des négociations de l'OMC, cela grâce au programme
World Tr@de Net, financé par le FGAS. La
Déclaration de Doha de 2001, suivie par la 4e Conférence
ministérielle de l'OMC, a réaffirmé son soutien quant au «travail
précieux du Centre du commerce international, qui devrait se
renforcer». En conséquence de Doha, les demandes d'assistance
adressées au CCI ont énormément augmenté, tout comme le soutien des
donateurs, aboutissant à une augmentation de 70%, en dollars, de
l'assistance technique apportée par le CCI durant la période de
2001 à 2003.
En 2002, le CCI ne s'est plus contenté de dispenser de
l'information et a pris la défense des intérêts des entreprises,
établissant des positions nationales pour négocier dans le contexte
de l'OMC. Pour ce faire, nous avons procédé principalement à une
série de consultations régionales appelées
Business for
Cancún (Le monde des affaires et Cancún), ce qui a
abouti, lors de la 5e Conférence ministérielle de Cancún en
septembre 2003, à la participation de 49 équipes nationales de
négociation comprenant des représentants des milieux économiques:
une première, au dire de nombre d'entre eux.
Priorité à la collaboration en ligne
Si nous n'avons pas immédiatement adopté l'internet comme
instrument pour fournir notre assistance technique, c'est chose
faite à présent, et nos clients s'y sont mis aussi.
En 2001, nous avons mené à bien notre
Stratégie de
développement du commerce par les moyens
électroniques. Cela exigeait le recours accru à une
collaboration en ligne comme moyen rapide et bon marché de fournir
l'appui sur le terrain. Dès lors, le CCI a reformulé son site
internet et s'en sert abondamment pour soutenir ses
produits-réseaux et pour faciliter l'application de ses outils de
compétitivité. Grâce à l'internet, nous avons étendu notre
information publique et la portée de nos activités, proposant par
exemple notre revue trimestrielle
Forum du
commerce en ligne, qui, partant de l'information
commerciale générale, a commencé à divulguer un appui ciblé et
efficace pour le renforcement des capacités.
Notre stratégie électronique a aussi entraîné le lancement du
programme
E-Trade Bridge, conçu pour
promouvoir le développement des capacités liées à l'électronique au
sein de la communauté des affaires. Le Groupe du développement du
commerce électronique a été instauré en 2002 afin de concrétiser
l'accès à l'internet pour nos clients.
Voir loin
La libéralisation croissante du commerce génère à la fois
difficultés et possibilités pour les clients du CCI, qui se
concrétiseront dans les années à venir, ce qui va entraîner une
demande accrue des services du CCI. Heureusement, cette demande
viendra en son temps et, contrairement à il y a dix ans, le CCI
bénéficie à présent du soutien solide de ses donateurs et est
préparé à fournir des programmes de qualité, des outils et des
services.
Notre tâche consistera à optimiser l'usage des ressources. Un défi
passionnant et, j'en suis sûr, savoir y répondre représentera un
pas décisif pour le développement de notre organisation. À mon
avis, la réussite dépendra de la capacité du CCI à interpréter les
nécessités de ses clients, à demeurer un acteur de niche, à
maintenir son dynamisme, son pouvoir de créativité et son approche
commerciale, et à trouver les réponses adéquates sous deux aspects:
d'abord améliorer constamment de l'expertise technique du Centre et
son usage systématique, ensuite progresser dans l'information et la
mesure des implications de ses activités. Le CCI, comme de
nombreuses autres organisations de développement, a des difficultés
à faire une évaluation réaliste de son travail. Il faut faire
mieux.
Quarante années de dur labeur dans le développement du commerce et
un engagement continu en vue de contribuer au développement durable
par le commerce, voilà ce que nous célébrons à l'occasion du 40e
anniversaire du CCI.
J. Denis Bélisle a été nommé Directeur exécutif du CCI en
1994.