À mi-parcours dans le Programme de Doha pour le développement,
la récente Conférence ministérielle de l'OMC, tenue à Cancún en
septembre 2003, a révélé toute l'étendue des divergences qu'il faut
harmoniser pour que s'impose le multilatéralisme, la seule voie
pour le commerce.
Les pourparlers commerciaux ont aussi mis en évidence l'importance,
pour les économies en développement et en transition, de surmonter
les contraintes liées à l'approvisionnement pour qu'elles
continuent à s'intéresser à l'OMC. Lors des négociations
commerciales, il faut s'efforcer de parvenir à un échange plus
large et plus juste. Mais cela ne va pas générer spontanément des
exportations pour le monde en développement. Pour bénéficier du
système commercial multilatéral, les pays en développement doivent
posséder des biens et services à exporter, ainsi que les capacités
pour ce faire.
Les pays en développement sont la majorité dans le monde; or, ils
ne détiennent que 34,5% du commerce mondial. Pire, les 49 pays les
plus pauvres n'ont que 0,6% du commerce mondial total. Ces pays
vont-ils continuer à investir leur énergie et leurs ressources
limitées pour des négociations commerciales s'ils ne peuvent
entrevoir le moment où ils auront des biens et services à proposer?
Les négociations commerciales, c'est donnant, donnant. Les pays en
développement et en transition plus avancés comprennent ce langage
et jouent le jeu toujours plus fermement. Comme ils possèdent des
biens et services d'exportation compétitifs, ils se rendent compte
de ce qu'ils ont à perdre et à gagner lors de pourparlers
commerciaux. Cela est-il vrai pour tous les autres pays en
développement et en transition et, sinon, que faut-il faire pour
conserver leur intérêt dans les négociations commerciales? Du point
de vue du CCI, deux types de mesures doivent être mises en œuvre
plus énergiquement: l'assistance technique liée au commerce et les
échanges Sud-Sud.
L'assistance technique liée au commerce
Les PME sont la colonne vertébrale de nombreuses économies. Malgré
la mondialisation des marchés, les PME méconnaissent encore souvent
le commerce extérieur. Elles doivent acquérir la capacité de
répondre aux normes internationales, d'effectuer des recherches de
marché, d'emballer de manière conforme leurs produits, de recourir
aux TIC comme appui à la commercialisation, de s'informer sur les
règles et les lois régissant le commerce, de gérer la documentation
d'exportation, d'accéder au financement et à maints autres services
d'appui commercial qui sont à la portée de tous dans l'hémisphère
Nord, contrairement au Sud. Pour aider ces pays à développer la
base d'exportation compétitive dont ils ont besoin, il faut
impérativement étendre l'assistance technique liée au commerce
destinée aux OPC du Sud.
Les pays en développement et en transition possèdent généralement
un secteur privé faible et réticent à collaborer avec le secteur
public. Ces deux secteurs travaillent souvent parallèlement, au
lieu de s'unir pour former des équipes nationales fortes et
cohérentes. Seuls les pays les plus éclairés agissent ainsi.
Bien que ce ne soit pas facile, tous les pays doivent allier la
vision du secteur public au dynamisme, à l'imagination et à la
créativité du secteur privé. Plus d'économies en développement et
en transition doivent s'atteler conjointement à la mise en œuvre de
stratégies sectorielles d'exportation, ainsi qu'à des stratégies
nationales plus ambitieuses.
Si le secteur privé doit s'adresser au secteur public pour
participer à la stratégie d'exportation, il doit également se
rendre compte de l'importance de faire équipe avec les délégués aux
négociations commerciales pour influencer les positions nationales
lors de pourparlers commerciaux. Avant les négociations, la défense
des intérêts des entreprises est incontournable pour s'assurer que
les gouvernements ne vont pas adhérer à des règles de commerce qui
entraveront ensuite les opérations commerciales des entreprises
privées.
Cela est vrai pour le Nord comme pour le Sud mais, au Sud, les
milieux économiques et le gouvernement travaillent rarement
ensemble à formuler les positions en vue de négociations
commerciales. À cet égard, le CCI s'est réjoui de voir que, lors du
dernier Forum exécutif, tenu à Cancún avant la Conférence
ministérielle de l'OMC, 49 des participants issus du secteur privé
furent invités à se joindre aux négociateurs de leur pays. Selon
plusieurs d'entre eux, c'était une première.
L'assistance technique liée au commerce peut contribuer grandement
à aider les pays à développer les compétences à l'exportation des
PME, à élaborer des stratégies d'exportation sectorielles et
nationales compétitives, et à renforcer la contribution du secteur
privé aux négociations. Le CCI propose de nombreux programmes
propres au développement des capacités nationales.
Les échanges Sud-Sud
Pour les pays en développement et en transition, les échanges
Sud-Sud présentent une possibilité unique de s'intégrer au système
commercial multilatéral. Les marchés du Sud peuvent être moins
difficiles à conquérir que ceux du Nord, déjà arrivés à maturité.
Ils offrent plus de débouchés que l'on pense. Rien que pour les
marchandises, les échanges Sud-Sud ont passé de 6,5% en 1990 à
10,6% en 2002. Le CCI est persuadé que seule une petite partie du
potentiel de ces marchés a été exploitée jusqu'à présent. Nous
facilitons des rencontres qui ont amené des millions de dollars de
contrats dans les secteurs pharmaceutiques, de l'édition, des
composants automobiles, des fournitures humanitaires, et il reste
beaucoup à faire.
En résumé, nous croyons fermement que les négociations commerciales
doivent être accompagnées d'efforts plus soutenus quant à
l'approvisionnement afin que le système commercial multilatéral
demeure intéressant pour les économies en développement et en
transition. Une véritable assistance technique liée au commerce et
le commerce Sud-Sud peuvent contribuer pour une grande part à cette
tâche. Le CCI a travaillé dans ce domaine pendant presque 40 ans et
continue d'œuvrer pour améliorer le développement des
exportations.
J. Denis Bélisle est Directeur exécutif du CCI. Pour plus
d'information sur les programmes relatifs aux sujets évoqués, voir
«Le CCI et le Programme de Doha pour le développement» sur le site
internet du CCI (http://www.intracen.org).