La première enchère mondiale de café par internet, qui eut lieu
en décembre 1999, fut couronnée de succès. Les milieux concernés en
parlent encore. Les acteurs de cette scène parlent encore des cafés
brésiliens mis en vente simultanément sur quatre continents. Ce fut
une réussite au moins sur deux points:
- La technologie a bien fonctionné.
- Les produits furent vendus à des prix bien supérieurs à ce
qu'on attendait.
Pourquoi vendre du café par internet?
L'idée de vendre du café lors d'une enchère par internet s'est
développée suivant deux raisonnements distincts:
- Le désir d'introduire l'esprit de concurrence qui existe chez
les cultivateurs de café tout au long de la chaîne qui va de la
terre à la tasse. Bien entendu dans l'espoir de vendre à des prix
plus élevés.
- Le désir de contourner les intermédiaires qui n'ajoutent pas de
valeur au cours de la distribution et de créer un lien plus étroit
entre les cultivateurs et les torréfacteurs qui pouvaient obtenir
ainsi d'excellents cafés, lesquels sont difficiles à dénicher
autrement.
Une affaire comme une autre
Tandis qu'il a été démontré que le premier raisonnement était
juste, le deuxième n'était que partiellement correct.
La distribution est essentielle
Des ventes aux enchères de ce type permettent aux torréfacteurs
de découvrir des cafés rares et de qualité directement chez les
cultivateurs (en mettant ces derniers en concurrence). Pourtant, en
réalité cette vente de café brésilien n'aurait pas pu avoir lieu si
le système de distribution actuel n'était pas solidement établi -
et laissé en place pour faciliter ainsi toute transaction. Les
cultivateurs et les torréfacteurs sont rarement équipés pour
s'occuper eux-mêmes des activités des intermédiaires exportateurs
comme le transport, les lettres de crédit, les paiements, les
documents, l'expédition et autres.
C'est la raison pour laquelle un exportateur de renom avait été
désigné dans le cadre du processus de la vente pour s'occuper de
dix sortes de cafés, en tenant compte des risques et des gains
potentiels des transactions. Ainsi, l'idée qu'un petit cultivateur
pourrait vendre directement sa production à un petit torréfacteur
n'a pas été prouvée. Sauter une partie du processus normal
d'import-export n'aurait pas été possible et, après l'enchère, le
café a suivi le cheminement ordinaire de toute vente: cultivateur
(petit) - exportateur (grand) - importateur (grand) - torréfacteur
(petit).
L'importance de la taille
Pour faire des gains avec le café, il ne faut pas négocier de
petites quantités; un certain volume est nécessaire. Cette
condition est rendue plus ardue si l'on cherche du café gourmet de
haute qualité.
Dans le cas de cette vente de café, la taille des lots de café a
posé des problèmes dès le départ. Le café se négocie généralement
par conteneurs (soit de 250 à 300 sacs). À cette occasion, les lots
représentaient en moyenne un peu moins de 100 sacs. Cela signifiait
que l'importateur allait devoir soit combiner son expédition avec
un autre café, soit payer le transport d'un conteneur partiellement
vide. Certains importateurs ont décidé de ne pas participer à
l'enchère précisément pour cette raison.
Actuellement, le café vendu par internet doit être très spécial
pour attirer l'attention et justifier une majoration du prix.
Ainsi, les ventes de café par internet sont réservées à des
produits de qualité exceptionnelle, offerts en petites
quantités.
Il est évident que les prochaines enchères devront prendre ce
problème en considération et trouver par exemple des formes
coopératives d'expédition, plus équitables pour les sociétés de
toute taille. Le meilleur café ne devrait pas être ignoré pour des
problèmes de logistique.
Les risques
Lors de la vente aux enchères de café, toutes les parties ont
pris des risques financiers, surtout les cultivateurs. Si l'on
n'avait pas mis la pression sur eux en les appelant tous les jours,
il n'y aurait jamais eu assez de café pour organiser une telle
vente. Le projet impliquait que les producteurs tentent leur chance
en retenant leur production dans l'espoir qu'elle obtienne un
meilleur prix. Peu avant la vente, les cultivateurs ont vendu leur
café à l'exportateur désigné, et une solution a été trouvée pour
partager les gains espérés. Les prix d'ouverture ont été fixés et
approuvés deux semaines avant l'enchère. La tâche ne fut pas aisée,
car les prix de référence sur le marché mondial étaient en train de
grimper à ce moment-là.
Derrière le rêve, une planification rigoureuse
Avant la vente aux enchères, une très longue liste fut dressée
pour répertorier tous les problèmes qui auraient pu surgir. En plus
des questions courantes comme les désaccords sur la qualité du
café, les conditions de livraison, etc., certains points devaient
être pris en compte. Les procédures d'offre étaient-elles assez
claires? Que fallait-il faire si un ordinateur tombait en panne ou
en cas d'interruption des connexions en ligne? Comment assurer la
confidentialité totale pour les soumissionnaires? La clôture des
soumissions devait-elle avoir lieu aux États-Unis, en Europe ou au
Japon? Et bien d'autres questions de cet ordre.
Cette vente aux enchères constitue-t-elle un modèle
viable?
La vente aux enchères de café par internet représente une
expérience. Elle a été possible uniquement grâce à d'importants
efforts et à la contribution spéciale de nombreuses parties, sous
la forme de prises de risques, d'heures de travail et de parrainage
pur et simple. Toutes ces contributions ont évidemment été faites
dans l'espoir que des ventes similaires pourraient à long terme
être profitables sans appui extérieur. Lors de cette vente, le
chiffre d'affaires a atteint US$ 200 000 pour 900 sacs - une goutte
d'eau dans un océan de café! Mais c'était une volonté que la vente
reste modeste: si les choses n'avaient pas marché, les coûts de
réparation et de compensation n'auraient pas été trop élevés.
La vente par internet a éveillé un vif intérêt dans les milieux
liés au café, et les parties brésiliennes sont en train de préparer
une autre enchère pour leurs différents cafés dans le courant de
cette année. Elle sera plus importante et les procédures de
soumission adaptées. Nous espérons que, si une troisième vente a
lieu en 2001, elle sera profitable pour toutes les parties
concernées.
Pour tous ceux qui souhaiteraient mettre sur pied une vente aux
enchères de café par internet, c'est faisable, mais il faut garder
à l'esprit que:
- cela implique beaucoup de travail préparatoire pour adapter
chaque événement;
- certaines parties vont prendre des risques supérieurs à ceux
qu'elles connaissent dans les affaires courantes, surtout lors de
la première vente;
- la première vente ne sera probablement pas un succès en soi et
peut nécessiter une aide financière extérieure;
- les cafés proposés doivent êtres uniques (par leur qualité,
leur spécialité ou leur production biologique) de façon à attirer
l'attention et à justifier leur prix élevé.
La vente par internet pour les autres produits de
base
Les ventes aux enchères par internet sont-elles possibles pour
d'autres produits de base? À première vue, la réponse est oui, pour
autant que chaque partie accepte que ce processus doit être adapté
à chaque fois, qu'une planification importante est nécessaire et
que les premières ventes peuvent signifier des «expériences
coûteuses». Le CCI est en contact avec les agents qui créent des
plates-formes de commerce électronique pour d'autres produits de
base tels que le thé, le cacao, les fleurs et les épices.
L'objectif de ces plates-formes est d'éliminer les étapes
intermédiaires qui n'ajoutent aucune valeur aux produits entre le
producteur et le consommateur. Nous osons espérer que les enchères
par internet telles que nous les avons abordées compteront parmi
les instruments des nouveaux systèmes commerciaux.
Vente aux enchères de café brésilien par
internet
En octobre 1999, 315 sortes de cafés en provenance de
différentes régions du Brésil participaient au concours de qualité
Best of Brazil. Lors d'une dégustation finale, un groupe d'éminents
spécialistes de la branche ont sélectionné les dix meilleures
spécialités parmi les 24 cafés restants, qui furent offertes aux
enchères. Un total de 900 sacs de 60 kg étaient disponibles à la
vente.
Un exportateur brésilien fut désigné pour représenter les dix
producteurs. La mise aux enchères fut annoncée sur un site web bien
connu du milieu, celui de la Specialty Coffee Association of
America (SCAA). Le personnel et l'administrateur du site de la
SCAA ont collaboré à la préparation du site web interactif qui
allait être utilisé pour l'enchère. Vingt-trois candidats furent
admis comme soumissionnaires. Ils reçurent des échantillons de
chaque café, des instructions détaillées sur cet événement et un
mot de passe en vue de leur participation en ligne. Les jours avant
l'enchère, les soumissionnaires, postés devant leur écran au
Brésil, aux États-Unis, en Europe ou encore au Japon, purent
participer à une soumission à l'essai pour se familiariser avec ce
système.
L'enchère proprement dite débuta le matin (aux États-Unis) du 15
décembre 1999 et dura 48 heures. Les dix variétés furent présentées
une à une toutes les cinq minutes, et la vente se termina aussi un
article après l'autre toutes les cinq minutes. Comme chacun s'y
attendait, le véritable «combat» fut livré, pour chaque spécialité,
durant la dernière heure de l'enchère.
Les cafés brésiliens sont souvent vendus au prix C de New York,
un prix de référence couramment appliqué dans le secteur du café.
Les cafés vendus lors de cette enchère ont atteint un prix moyen de
US$ 1,73 la livre alors qu'à ce moment-là le prix C de New York
était d'environ US$ 1,00 la livre. Deux spécialités ont dépassé US$
2,00 la livre.
Les organisateurs de la première enchère mondiale de
café par internet
- Projet sur le café gourmet du CCI, Organisation internationale
du café (OIC) et Fonds commun pour les produits de base (FCPB).
Financement et conseil. (Le CCI fut l'agent d'exécution, l'OIC,
l'organe de supervision et le FCPB, le bailleur principal du
projet.)
- Association brésilienne de cafés spéciaux. Liaison entre les
cultivateurs et l'exportateur; organisation du concours de
sélection des cafés.
- Cooperativa Regional de Cafeicultores em Guaxupé Ltda. -
Cooxupé. Exportateur des dix variétés de café.
- The Specialty Coffee Association of America. Promotion par
l'intermédiaire de son site web; organisation technique de
l'enchère; accords contractuels entre les parties.
Le projet sur le café gourmet
Le projet sur le café gourmet, d'une durée de trois ans, s'est
achevé mi-2000. Cinq pays producteurs de café très différents y ont
participé: le Brésil, le Burundi, l'Éthiopie, l'Ouganda et la
Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le projet étudiait un ensemble
d'activités allant des méthodes de production aux outils de
commercialisation. L'objectif consistait à essayer de nouvelles
méthodes pour ajouter de la valeur au café vert et permettre ainsi
aux producteurs d'obtenir des prix plus élevés. La vente aux
enchères par internet de cafés brésiliens fut une activité parmi
d'autres dans le cadre du projet. Les enseignements à en tirer ont
été mis à la disposition des pays membres de l'OIC et ont été
traités par plusieurs magazines spécialisés du secteur du café. Le
projet a également été présenté aux gouvernements du monde entier
lors de la réunion annuelle du Groupe consultatif commun du CCI et
a été couvert par la presse à cette occasion.
Morten Scholer est
Conseiller principal en développement des marchés.