On dit que les routes commerciales du XXIe siècle seront faites
de câbles en fibres optiques et de réseaux de télécommunication.
Pour les petites entreprises des pays en développement, l'emploi
des technologies de l'information et de la communication (TIC)
ouvre de nouveaux débouchés commerciaux, pour autant qu'elles
aillent au-delà de l'accès à l'internet et qu'elles développent
leurs capacités dans le commerce électronique et investissent dans
des alliances stratégiques.
Espoirs, excès et réalité
- Espoirs. À la fin des années 1990, le
grand espoir apporté par l'internet était qu'il allait stimuler
l'efficacité et l'innovation dans le commerce. Cela s'est
vérifié.
- Excès. Malheureusement, avec ce boom
des entreprises virtuelles, les promesses ont subi des distorsions.
On croyait que la géographie n'existait plus, que l'ancienneté ou
la taille des entreprises ne comptaient pas et que les cybermarchés
allaient évincer les marchés traditionnels. Les compagnies se sont
attachées à obtenir un nom de domaine attrayant et un site web
fantaisiste, oubliant que les fondements du commerce restaient les
mêmes.
- Réalité. Aujourd'hui, la réalité
montre que la technologie coûte cher. Travailler en ligne expose
les entreprises à de nouveaux risques, comme la fraude et les
virus. Dans de nombreux pays en développement, les mécanismes
juridiques du commerce électronique n'ont pas encore été mis en
place. Le commerce est un rapport de confiance, et la confiance
dépend des relations établies, qui demeurent importantes et n'ont
pas pu être remplacées par l'électronique.
Tout cela ne signifie aucunement qu'il n'existe plus de
possibilités de croissance pour les petites entreprises qui se
servent des nouvelles technologies. Alors que de nombreuses
activités peuvent être effectuées grâce à l'internet, la plupart
des petites et moyennes entreprises (PME) se limitent au courrier
électronique. Or, ces dernières peuvent profiter largement de
l'internet: recherche de marchés, enchères, marchés en ligne selon
les secteurs ou la situation géographique, services de niche
(exportations sur mesure), services d'information liés aux
technologies (transcription médicale) et cyberadministration.
D'autres technologies sans fil sont également possibles maintenant,
via les SMS (Short Message Service) et les services vocaux, pour la
gestion de la chaîne d'approvisionnement et la
commercialisation.
Ces possibilités reflètent les principales tendances actuelles:
mondialisation, régionalisation des accords commerciaux,
numérisation des activités économiques (recherche de marchés en
ligne et commerce par internet) et de la communication (du support
papier à l'électronique), et extraterritorialité (déplacement des
centres d'appels en Inde ou aux Philippines).
La préparation électronique en huit points
Les entreprises ne peuvent pas se servir des TIC pour leurs
opérations commerciales hors d'un contexte approprié. Pour évaluer
la préparation nationale à l'exportation grâce aux nouvelles
technologies, ou préparation électronique, les responsables
stratégiques devraient passer en revue huit points essentiels: la
connectivité, le contenu, la communauté, le commerce, la capacité,
la culture, la coopération et le capital. Cette liste de contrôle
examine deux manières de se servir des TIC: comme instruments,
facilitant par exemple les procédures de fabrication, et comme une
activité en soi, par exemple la production de matériel et de
logiciels informatiques.
Votre pays est-il prêt à démarrer
dans l'électronique?
|
Les huit points ci-dessous peuvent servir à
évaluer la capacité de votre pays à utiliser les TIC pour augmenter
l'efficacité de ses opérations de commerce et développer de
nouveaux secteurs d'exportation.
|
| Les TIC comme
instruments
| Les TIC comme
activités
|
Connectivité
| Dans quelle mesure les TIC sont-elles
abordables et répandues (ordinateurs personnels, internet,
logiciels) pour les particuliers et les PME?
| Le pays possède-t-il des activités liées
aux TIC pour les services, le matériel et les logiciels?
|
Contenu | Existe-t-il un contenu utile (étranger et
local) pour les activités courantes des particuliers et des
PME?
| Le contenu est-il généré dans les langues
locales? Est-il accessible/utilisé à l'étranger?
|
Communauté
| Existe-t-il des forums en ligne ou hors
ligne où les particuliers et les PME peuvent discuter des TIC ou
d'autres sujets qui les préoccupent?
| Le pays forme-t-il une plate-forme de
discussion mondiale pour l'industrie des TIC?
|
Commerce | Existe-t-il une infrastructure (technique,
légale) pour le commerce électronique? Quel est le volume du
commerce électronique?
| Le pays possède-t-il une technologie et
des services électroniques indigènes? Sont-ils exportés?
|
Capacité
| Les particuliers et les PME ont-ils la
possibilité (technique, gestion, politique, droit) d'exploiter
quotidiennement les TIC?
| Le pays possède-t-il les ressources
humaines (technique, gestion, politique, droit) pour créer et
exporter des TIC et émettre des normes?
|
Culture | Existe-t-il une culture, au niveau des
responsables politiques, des PME, des formateurs, des citoyens et
des médias, qui favorise l'ouverture aux TIC et leur utilisation?
Ou, au contraire, de la nervosité à propos des incidences
culturelles et politiques de celles-ci?
| Les spécialistes, entrepreneurs et cadres
sont-ils assez dynamiques et habiles pour créer des sociétés
locales et les développer au niveau international?
|
Coopération
| Existe-t-il une coopération adéquate entre
les particuliers, les PME, les universités, les ONG et les
responsables politiques pour créer un climat favorable aux
TIC?
| Existe-t-il un contexte légal favorable
pour la création, la concentration ou l'acquisition de sociétés
liées aux TIC? Existe-t-il des liens avec la diaspora?
|
Capital | Y a-t-il suffisamment de ressources
financières à investir dans les TIC? Quelle est la part des
investissements étrangers directs?
| Existe-t-il des sociétés de capital-risque
dans le pays? Investissent-elles aussi à l'étranger? Combien
d'acteurs internationaux sont-ils actifs sur le marché privé local.
Y a-t-il une cotation en Bourse? |
Facteurs humains et techniques
Cette liste de contrôle donne un aperçu de la réussite de pays
comme l'Inde et les Philippines, où les disparités socioéconomiques
coexistent avec des capacités avancées dans l'électronique qui ont
permis le développement de logiciels, de centres d'appels, et de
services de contenu et d'appui technologique. Les TIC forment des
secteurs d'activité propres, grâce à des lobbies industriels, à des
systèmes de formation pour le développement des ressources
humaines, à l'accès à l'internet à prix réduit et à des
encouragements fiscaux. Également, des activités comme
l'externalisation de processus commerciaux, la conception et la
fabrication de composants automobiles exploitent les TIC pour
améliorer la production et la livraison.
Les PME en ligne
Les TIC n'offrent pas de raccourcis vers la réussite pour les PME,
car les affaires restent un métier difficile. Elles apportent
néanmoins efficacité et innovation.
Les PME devraient commencer par ordonner leur propre «maison de
commerce numérique» avant de l'exposer au monde. Voici quatre
principes pour les aider à s'engager sur la voie de l'internet et
du monde sans fil.
- Utiliser les technologies dans les processus
d'affaires. Il faut se concentrer sur les
applications internes, allant de la protection contre les virus et
la conception du site internet à la gestion des connaissances et à
l'information commerciale. Il ne suffit plus de naviguer sur
internet et d'utiliser l'e-mail. Des outils liés aux TIC propres
aux opérations commerciales apparaissent: entreposage de données,
planification des ressources de l'entreprise, places de marché
électroniques, moteurs de recherche et systèmes de gestion de
contenu. Il est bon de développer les compétences internes pour
tirer le meilleur parti des outils de commerce électronique. Les
technologies de communication sans fil telles que les SMS et
services vocaux, afin de coordonner les chaînes d'approvisionnement
et les réseaux de distribution, diminuent les coûts.
- Combiner les canaux physiques et
électroniques. Le point fort des TIC comme l'internet
est souvent mieux mis à profit par une combinaison de canaux en
ligne et hors ligne (modèle «clics et briques»). En d'autres
termes, il ne faut pas ignorer complètement les moyens de
communication traditionnels comme les imprimés et le courrier
(envois de catalogues) ou les lieux physiques. Néanmoins,
l'internet offre l'occasion de prendre part à des salons
commerciaux virtuels qui peuvent représenter un point de rencontre
entre acheteurs et vendeurs. Restez attentifs à la qualité de vos
instruments de commercialisation (site internet ou échantillons),
dès lors que l'internet permet d'effectuer une évaluation
comparative dans le monde entier, tant du point de vue de
l'acheteur que du vendeur.
- Développer des stratégies d'alliance.
Les PME peuvent créer des partenariats avec des lobbies
industriels, des consortiums commerciaux et le gouvernement, ce qui
renforce leur préparation électronique. Les plates-formes
interentreprises tendent à se former autour de concentrations
d'entreprises déjà existantes. Ainsi, les PME devraient créer des
partenariats dans le cadre de ces réseaux en croissance. Les PME
peuvent aussi participer à des forums sur les normes concernant
aussi bien les polices de caractères des alphabets locaux que les
options de paiements électroniques. Comme ce type de questions les
affecte à long terme, elles peuvent participer activement à
l'élaboration de ces outils. De nombreux pays en développement
peuvent compter sur des groupes de nationaux vivant à l'étranger,
dans des pays dotés d'infra-structures avancées pour le commerce
électronique. Des réseaux rassemblant ces diasporas pourraient
aider les PME à étendre leur présence sur ces marchés, grâce à des
partenariats relatifs à la commercialisation ou à la
technologie.
- Améliorer la présence sur l'internet.
Bien des PME possèdent des sites web qui ne sont que des versions
en ligne de leur matériel imprimé destiné à l'audience nationale.
Ces sites visent un public au niveau mondial; il faut donc y
inclure de l'information spécifique à l'exportation et des
coordonnées de contact, mettre en avant des témoignages de tiers et
la couverture de presse, se doter de services de certification et
faire des évaluations comparatives avec des homologues d'autres
pays.
Les TIC dans les processus d'affaires
Souvent, des projets louables liés aux TIC dans les pays en
développement ont échoué car trop «technocentriques» ou stoppés dès
l'installation des ordinateurs. Pourtant, même à l'étape de
recherche d'information (par opposition à la diffusion
d'information), l'internet offre d'innombrables ressources pour les
PME: information sur les produits et services, renseignements sur
les acheteurs et les vendeurs, sur les règles (douanières,
tarifaires, fiscales, contingentaires), logistique (fret,
transport), financement (assurances, banques) et information sur
les marchés (nouvelles, mises à jour).
Si les PME tiennent compte des huit points et des quatre principes
évoqués précédemment, elles peuvent se lancer dans le commerce
électronique, seules ou dans le cadre de partenariats avec des
homologues d'autres pays, avec des organisations mondiales (accords
multilatéraux ou sectoriels) ou avec d'autres communautés.
La société de l'information ne se réduit pas à la connectivité au
sein d'une infrastructure mondiale de l'information, il s'agit
aussi de l'accessibilité des contenus, du rapprochement des
communautés, et de la capacité de créer et de gérer des espaces
d'information. Elle touche également des attitudes culturelles, des
motifs commerciaux, et la tendance à la coopération et la formation
continue.
Les premiers arrivés dans le commerce électronique
Beaucoup de firmes appliquent avec succès les principes du commerce
électronique en vue de la compétitivité au XXIe siècle. Par
exemple, le site
http://www.freemarkets.com
propose des enchères en ligne et des enchères inversées pour la
fourniture de marchandises et de matériel dans plusieurs régions du
monde. Des acteurs locaux s'y intéressent aussi, comme
http://www.procurehere.com en
Malaisie. Les PME utilisent ces réseaux pour trouver des débouchés
commerciaux.
Des pêcheurs de l'État du Kerala, au sud de l'Inde, se servent de
téléphones mobiles pour déterminer activement leurs chaînes de
distribution. Certaines entreprises de pêche affirment avoir
doubler leurs bénéfices au mieux de la saison, car elles peuvent
prendre contact avec de nombreux ports et marchés et dénicher les
meilleurs prix de vente pour la prise du jour. Les routes, les
lieux de pêche et même la composition de la prise peuvent être
planifiés et coordonnés alors que les bateaux sont encore en
mer.
Africa Online, société de commerce électronique et fournisseur
d'accès à l'internet, a conclu des partenariats avec plusieurs
universités et propose des cours sur le commerce électronique et le
renforcement des capacités en la matière destinés aux PME
africaines. Ces cours sont donnés également par l'intermédiaire de
réseaux de cybercafés.
Parmi les pays dont les PME se servent des réseaux de leur diaspora
pour le commerce électronique, on compte Cuba (pour la remise de
devises) et l'Éthiopie (pour des services en ligne de cadeaux). En
Thaïlande, des tour-opérateurs de petite ou moyenne importance
utilisent avec succès des sites internet et le courrier
électronique pour enregistrer des commandes, surtout lorsqu'il
s'agit de visiteurs réguliers.
Le Dr Madanmohan Rao (madan@inomy.com) a édité deux
séries de livres, The Asia-Pacific Internet Handbook et The
Knowledge Management Chronicles. Il vit à Bangalore,
Inde.