Toute stratégie commerciale efficace débute par une évaluation
du marché, incluant les facteurs politiques et économiques
influençant la demande, et des débouchés à l'exportation. Les
meilleurs stratèges identifient d'abord les forces et les
faiblesses de leur entreprise face aux opportunités du marché. Mais
comme en témoignent les événements récents, seuls les grands
courants économiques et politiques peuvent avoir un impact marqué
sur l'orientation de votre entreprise.
Ceci vaut particulièrement pour les entrepreneurs des pays en
développement pour lesquels exporter est souvent une nécessité dès
le départ. Tirer parti des marchés d'exportation comporte des
risques importants même lorsque ces marchés figurent parmi les plus
stables du monde. En conséquence, les entrepreneurs doivent bien
connaître les forces du changement sur les marchés mondiaux et
œuvrer à l'instauration d'un "environnement favorable" en vue de
réduire ces risques.
L'essence de toute gestion et de toute stratégie efficaces
réside dans une volonté de se confronter à la réalité plutôt que
dans l'attente de conditions plus favorables. Les temps sont durs
en termes d'élargissement de l'accès à de nouveaux marchés. Le
contexte politique est au populisme et au protectionnisme à la fois
dans les pays développé et en développement. Les spécialistes
affichent là un certain scepticisme face au commerce et à la
mondialisation, et la récente crise financière a conforté ce virage
populiste dans les politiques nationales de nombreux pays.
Opportunités en vue
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, inverser la tendance peut
créer d'énormes opportunités pour les entrepreneurs des pays en
développement. Les grandes entreprises mondiales ont tout intérêt à
maintenir ouvert le système commercial tout comme les chefs
d'entreprise des pays en développement ont avantage à intégrer les
chaînes logistiques de ces entreprises. Afin de garder
l'environnement commercial ouvert, les entreprises internationales
doivent de plus en plus prouver que le commerce améliore la vie des
populations et créer une plus grande diversité dans leurs propres
chaînes d'approvisionnement.
La solution peut venir des entrepreneurs des pays en
développement. Intégrer leurs produits et services à la chaîne
logistique d'une entreprise mondiale est un moyen pratique et
rentable de montrer le double impact que le commerce peut avoir sur
les producteurs du monde en développement et les consommateurs du
monde entier.
Le défi stratégique consiste à traduire efficacement cet élan en
action de sorte que les gouvernements et les entreprises mondiales
dépassent la rhétorique pour commercer concrètement avec les
entrepreneurs des pays en développement. Le renforcement de la
capacité commerciale doit concerner non seulement les pays en
développement mais également le monde développé car cela affecte la
façon dont nous négocions au sein des institutions telles que l'OMC
et dont nous créons d'autres incitations institutionnelles pour
élargir la liberté économique des entreprises des pays en
développement.
Les marchés ne sont plus géographiques
On a manqué jusqu'ici d'un outil de diagnostic permettant aux
marchés à la fois d'identifier et de lever les obstacles freinant
l'accès des entrepreneurs du monde en développement aux chaînes
logistiques mondiales. Pour créer un tel outil et améliorer la
capacité de tous les acteurs, il faut d'abord reconnaître que la
mondialisation a radicalement changé la façon de commercer. Les
ventes sans lien de dépendance entre exportateurs et importateurs
indépendants ne sont plus la règle. Une grande part des échanges
mondiaux se fait désormais entre les filiales d'entreprises
mondiales et les fournisseurs de leurs chaînes d'approvisionnement
mondiales.
Il est important de comprendre ce tournant. Prenons par exemple
le cas d'un producteur africain de textiles souhaitant tirer parti
de la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en
Afrique (AGOA) des États-Unis. Les préférences tarifaires sont pour
le producteur l'occasion d'exporter vers le marché américain mais
également vers les entreprises basées aux États-Unis susceptibles
de commercialiser leurs produits à l'international.
En fait, le marché cible n'est plus géographique - c'est une
stratégie d'exportation vers des entreprises qui vendront les
produits, services ou idées d'un entrepreneur à l'international.
Les fabricants de pièces automobiles par exemple ne cherchent plus
à exporter vers les États-Unis ou le Japon mais vers de nouvelles
destinations appelées 'Toyota', 'Daimler' ou 'General Motors'. Ces
noms ne figurent pas sur une carte conventionnelle mais ils sont
une référence sur la carte commerciale de l'économie mondiale
actuelle.
Conscients de l'évolution des structures du commerce (et des
points de vue des acteurs impliqués), nous pouvons utiliser les
outils dont ils se servent pour inscrire les entrepreneurs des pays
en développement sur cette carte mondiale et identifier et abolir
les barrières afin de créer l'environnement économique
favorable.
L'outil qu'utilisent les entreprises mondiales pour
s'approvisionner est une carte de la chaîne d'approvisionnement,
qui identifie les procédures et les coûts liés à l'achat d'un
produit sur chaque marché individuel. Retourner cette carte et
examiner la façon dont les entreprises mondiales entrevoient votre
marché est une façon pertinente d'identifier les barrières internes
et externes. Les barrières internes sont les réformes nationales
nécessaires pour permettre aux entrepreneurs de soutenir la
concurrence. Les barrières externes sont l'agenda des négociations
des pays en développement dans le contexte des accords commerciaux
régionaux ou bilatéraux de l'OMC. La carte permet aussi
d'identifier l'infrastructure physique à améliorer et les normes
commerciales auxquelles doivent se conformer les entrepreneurs des
pays en développement.
Redessiner la carte du commerce mondial
Ce qui importe c'est le résultat du processus de collaboration
entre les parties en vue d'établir cette carte. Celui-ci
nécessitant une participation des secteurs public et privé du monde
développé et en développement, et des organisations internationales
comme l'OMC et la Banque mondiale, il rassemble les principales
parties prenantes à l'instauration d'un environnement favorable
essentiel à la réussite des entrepreneurs des pays en
développement. Dans le même temps, il leur présente également
des acheteurs potentiels de leurs produits, services et
idées.
Les parties impliquées pourront aussi commencer à jeter les
bases d'un accord commercial en faveur du développement plus large
que l'accord caduc de l'Agenda de Doha pour le développement
désormais moribond.
De nombreux obstacles freinant les échanges des pays développés
avec les marchés des pays en développement sont les mêmes barrières
internes que celles que doivent surmonter les pays en développement
au profit de leurs propres exportateurs. Ce point devient un outil
de marchandage pour obtenir la levée des obstacles et des
subventions des pays développés.
En résumé, affranchir stratégiquement les entrepreneurs des
pays en développement non seulement doperait le commerce et
améliorerait la vie des citoyens du monde développé et en
développement, mais ouvrirait également la voie à des réformes
plus vastes de l'environnement économique qui porteraient leurs
fruits dans les prochaines années.