Si les gouvernements, les donateurs et les agences spécialisées
œuvrant au développement du commerce veulent renforcer l'impact de
leurs actions, ils doivent tendre la main aux organisations non
gouvernementales (ONG).
Le développement est un processus complexe, qui ne se mesure pas
seulement en produit intérieur brut (PIB) par habitant. Les
institutions économiques, sociales et politiques sont liées au
développement et les efforts en vue de les réformer doivent tenir
compte de cette relation.
Or, la majorité des actions «officielles» en faveur du commerce
adoptent des objectifs en termes économiques. Les ONG, qui touchent
à tous les aspects du développement, peuvent contribuer à redresser
la barre.
S'il semble évident que des partenaires complémentaires doivent
coopérer, pourquoi n'en est-il rien? L'obstacle est avant tout
idéologique. De par leur indépendance, les ONG ne participent
qu'aux programmes qu'elles jugent dignes d'intérêt. Et les
gouvernements et donateurs ne veulent pas être contraints, par des
groupes d'«intérêt particulier» non élus, de mener des activités
heurtant leur propre philosophie.
En faisant du développement le ciment de la coopération, on
pourrait y parvenir. Les recommandations ci-après visent à stimuler
le développement du commerce par une coopération entre donateurs et
ONG.
Les donateurs peuvent élargir leurs objectifs de
développement du commerce. Ils peuvent les recentrer
pour inclure les aspects environnementaux, sociaux et politiques du
développement, favorisant ainsi l'intégration des activités liées
au développement du commerce dans d'autres actions spécifiques et
renforçant leur chance de réussite par une prise en compte fidèle
du processus.
Leur expérience en matière de coordination des activités et
d'actions touche-à-tout dans le secteur fait des ONG le partenaire
idéal pour aider les programmes de développement du commerce à
intégrer ces questions. Sans compter que les ONG frileuses dès
qu'il s'agit du commerce, hésiteraient moins à s'investir dans des
actions dont les objectifs se calquent étroitement sur les
leurs.
Les ONG peuvent participer à la planification et
l'évaluation. Les ONG internationales pourraient
apporter un éclairage nouveau sur la place du commerce dans le
développement et sur la façon dont les activités liées au
développement du commerce affectent l'environnement, la santé,
etc., et suggérer des façons d'intégrer les plus démunis dans les
stratégies de développement. Les ONG locales, regroupant souvent
des membres de la communauté, peuvent encourager le dialogue
participatif lors de l'élaboration et de la mise en œuvre des
projets et garantir leur durabilité.
Les ONG peuvent être des partenaires de
projets. Les ONG dispose d'une expertise dans de
nombreux secteurs. Celles axées sur le commerce (associations
industrielles, chambres de commerce, coopératives commerciales,
etc.) sont parmi les meilleurs experts techniques dans leur
domaine. Les ONG locales et internationales défendent souvent la
cause des femmes, l'éducation ou l'environnement.
Grâce à leur implantation locale, elles peuvent atteindre des
régions isolées sous-développées.
Recibler les populations. Les ONG, les
gouvernements et les agences internationales peuvent s'entendre sur
les populations cibles des programmes de développement du commerce.
Certains projets se focalisent sur les mieux à même de soutenir la
concurrence sur les marchés mondiaux, à savoir souvent les grandes
entreprises et les entrepreneurs riches, faisant fi des capacités
entrepreneuriales des populations pauvres et marginalisées.
Par ailleurs, les ONG doivent choisir des gagnants parmi les
entrepreneurs pauvres. Des motifs humanitaires les poussent souvent
à aider les plus indigents. Aider les initiatives inefficaces ou
peu rentables ne fera pas avancer la cause du développement si les
entreprises ne peuvent accéder à l'autosuffisance et être
compétitives sur les marchés internationaux.
Reconnaître les activités non traditionnelles de
développement du commerce. Les ONG n'étiquettent pas
toujours leurs activités en faveur du commerce comme tel, notamment
si elles s'inscrivent dans des initiatives de développement plus
vastes. Elles ignorent souvent la contribution de leurs services de
développement des entreprises ou de micro-crédit au développement
du commerce et des exportations. La reconnaître pourrait combler la
fracture philosophique entre les ONG et d'autres partenaires de
promotion du commerce, et renforcer la coopération et
l'intégration.
Le développement du commerce peut aider les
ONG
Nous avons examiné certaines des contributions des ONG au
développement du commerce. Des ONG estiment pour leur part que
l'essor du commerce peut les aider à réaliser leurs
objectifs.
Les gouvernements, les agences de développement et les ONG
admettent tous le lien entre commerce, pauvreté et développement.
InterAction, la plus grande alliance d'ONG humanitaires et de
développement, basée aux États-Unis, déclare dans son rapport de
mars 2005, croire au recul de la pauvreté et à l'envol de la
croissance fondé sur l'aide au renforcement des capacités
commerciales.
Devant ces objectifs affichés par les ONG, il serait vain
d'ignorer les avantages de la coopération.
Renforcer l'impact des ONG. Les
campagnes de sensibilisation renforcent la prise de conscience et
la mobilisation des citoyens tout en influençant les décideurs. Le
plaidoyer en faveur du développement du commerce pourrait dissiper
les contrevérités sur le commerce et mobiliser un soutien et des
ressources plus importantes pour les actions spécifiques.
Intégrer la durabilité des marchés.
L'inexpérience et la défiance vis-à-vis des marchés peuvent
compromettre la pérennité économique des activités tout comme la
gratuité des services fournis par les ONG exclus de leurs coûts de
production. Ces programmes peuvent catalyser le développement
réussi des entreprises et des exportateurs, encore faut-il que les
entreprises disposent d'un plan de sortie opportun bien conçu pour
ne créer aucune dépendance. Le meilleur modèle fournit des services
payants qui reflètent les forces de l'offre et de la demande.
Les partenariats avec les ONG offrent aux gouvernements, aux
donateurs et au secteur privé, l'opportunité de tirer parti des
connaissances spécialisées et de renforcer la capacité sur
plusieurs fronts.
Tendances: Pourquoi les ONG s'intéressent au
commerceL'intérêt des ONG pour le commerce résulte de plusieurs
tendances:
- Depuis plusieurs décennies, l'aide officielle au
développement perçue par les ONG n'a cessé de croître. Les
gouvernements donateurs octroient actuellement 15% à 20% de l'aide
aux ONG (OCDE, Coopération pour le développement, Rapport
2004). Cette aide a surtout vocation humanitaire mais les ONG
se focalisent de plus en plus sur des projets de
développement.
- Le financement du développement du commerce a
progressé au cours des cinq dernières années comme en témoignent
diverses initiatives: Assistance technique liée au commerce (TRTA),
renforcement des capacités commerciales (TCB), «Aide pour le
commerce». Ainsi, les donateurs ont consacré US$ 2,99 milliards au
commerce en 2004, soit une hausse de 49% par rapport à 2001
(données de l'OCDE et de l'OMC).
- Les membres de l'OMC sont passés de 128 en 1995 à 149
aujourd'hui. Le Programme de Doha pour le développement, né de
cette envolée des adhésions, fonde beaucoup d'espoirs dans le
commerce qu'il considère comme le moteur du développement et du
recul de la pauvreté.
- La création de l'OMC en 1995 a eu pour effet
d'attirer les ONG. Les sommets de l'OMC sont devenus pour ces
organisations une tribune pour s'opposer au rythme de la
mondialisation et à certains effets secondaires. En 1996, 108 ONG
ont assisté à la Conférence de l'OMC à Singapour; dix ans plus
tard, fin 2005, elles étaient plus de 1000 à Hong Kong. Le nombre
d'ONG au sein des délégations des pays en développement a
constamment progressé entre les conférences de Cancún et de Hong
Kong, à la fois pour les ONG de défense du commerce et les ONG
traditionnelles, comme ActionAid. L'OMC à trouvé de nouveaux moyens
d'associer les ONG au débat, notamment en organisant des événements
pour qu'elles puissent s'exprimer, en leur donnant une place de
choix lors des réunions ministérielles et en améliorant leur accès
internet.