Propos recueillis par Peter Hulm
Il y a quelques années, la province canadienne de la
Colombie-Britannique a pris la décision inhabituelle de soutenir
une initiative du secteur privé en vue de permettre aux artisans
qui travaillent à domicile de se faire connaître des grossistes
lors d'un salon commercial spécial. L'idée originale revenait à
Barbara Mowat, d'Abbotsford. Durant 15 ans, elle avait enseigné les
relations humaines, avant de mettre sur pied une entreprise
familiale avec ses deux filles et son fils; elle l'appela Impact
Communications et, outre la formation en gestion et la fourniture
de conseil, elle publie la revue Home Business Report, qui
sert notamment à mettre en contact les personnes qui travaillent à
domicile. Comme nous l'indique Mme Mowat, «il s'agit d'investir les
compétences accumulées dans quelque chose que vous avez vraiment
envie de faire».
En 1989, le Uniquely B.C. Creative Arts Show (Salon des
arts créatifs de la Colombie-Britannique) a couronné ses efforts
par un succès retentissant. Mme Mowat s'est associée avec le plus
grand organisateur de salons du cadeau du Canada, et leur travail a
permis l'organisation de foires similaires dans les principales
villes canadiennes. À ce jour, 47 salons ont eu lieu, donnant la
possibilité à plus de 5000 petites entreprises de faire connaître
leurs articles pour la maison et pour cadeaux sur le marché
international. L'idée originale de Uniquely Shows consistait à
réunir les spécialistes de la commercialisation des grands
distributeurs pour qu'ils donnent des conseils simples et avisés
aux producteurs en vue de l'exportation de leurs marchandises.
En 1993, Mme Mowat a reçu la distinction de Femme entrepreneur
canadienne de l'année, catégorie incidences sur l'économie locale.
À présent, son entreprise organise le salon Uniquely Canada
Show. En 1998, elle a ouvert avec une de ses filles une
boutique de cadeaux dans la petite station de Sun Peaks. À partir
de là, l'idée leur est venue de mettre en place un magasin de
détail en ligne afin de donner un débouché international à
Uniquely Canada.
Enfin, en 2001, Mme Mowat a aidé la République de Slovénie, qui
connaît un développement rapide, à présenter ses produits et
services lors d'une foire commerciale internationale tenue à Los
Angeles (États-Unis), dans le cadre de ses efforts visant à
soutenir la croissance des petites entreprises. À la suite de cet
événement, elle a participé au Forum exécutif du CCI en septembre
2001; elle a ainsi pu mettre en évidence les enseignements tirés de
son expérience.
Q Les petites entreprises canadiennes que vous
soutenez veulent-elles en majorité exporter aux États-Unis? Cela ne
limite-t-il pas l'aide que vous pouvez apporter aux pays en
développement ou en transition?
R L'une des premières choses à savoir quand on
aborde une nouvelle réalité, qu'il s'agisse de la Slovénie, de
Porto Rico, d'un pays asiatique ou autre, c'est qu'il ne faut pas
penser qu'on connaît tout sur la région. Aussi, au moment de
composer l'équipe de spécialistes commerciaux, il est important de
se renseigner sur les marchés visés par le pays concerné. Nous
demandons par exemple s'ils cherchent à augmenter leurs
exportations vers l'Amérique du Nord, plus spécifiquement vers le
Canada ou les États-Unis, et où dans ces pays, ou alors vers
l'Amérique du Sud, l'Europe ou le marché asiatique. Ensuite, nous
tâchons de réunir les meilleurs experts commerciaux afin de donner
le plus d'éléments nécessaires au développement du produit; dans le
cas de la Slovénie, 87% des petits producteurs ont exprimé qu'ils
désiraient conquérir le marché américain, ensuite le Canada.
Q Comment cela fonctionne-t-il?
R Dans le cas de la Slovénie, j'ai invité des
acheteurs canadiens ainsi que quelques importants grossistes
américains. Pour ne pas laisser de côté l'aspect culturel, j'ai
fait appel à un anthropologue, propriétaire d'une galerie et
connaissant ainsi les goûts du public concernant les couleurs,
certains tissages ou encore d'autres exigences de production. La
question du respect est importante à nos yeux et nous tenons à
rester très au courant des besoins locaux lors de nos conseils. En
effet, nous savons que certains produits iront alimenter le marché
national.
Q Mis à part un anthropologue, qui d'autre
faisait partie de votre équipe en Slovénie?
R Il y avait un acheteur en vue au Canada, qui
publie un catalogue magnifique et organise des salons du cadeau
pour les détaillants, une personne du Conseil des métiers d'art de
l'Ontario, un acheteur de Yorkville (Ontario). Nous avions en outre
la chance de compter parmi nous le Vice-Président des magasins
Robert Redford's Sundance en tant qu'acheteur américain! Ainsi,
nous représentions des acheteurs américains, slovènes et canadiens.
Nous avons examiné chaque produit et nous avons fait des
recommandations constructives pour chacun d'eux (libellées en
termes positifs), en spécifiant ce qui pourrait plaire à un
acheteur américain.
Q Quelles sortes de changements avezvous
suggérés?
R Lorsque nous sommes en présence d'un article
très traditionnel dans son usage ou sa conception, l'étiquetage est
très important; nous suggérons même d'y inclure un petit texte sur
l'histoire du produit. Les consommateurs ne se contentent pas
seulement d'apprendre qu'un produit vient de Slovénie: ils veulent
en savoir plus sur ce pays. Il faut aussi citer le nom du village
d'où un article provient et le situer aussi, et mentionner qui l'a
fabriqué. Aux États-Unis et au Canada, les acheteurs se préoccupent
de l'aspect humain à l'origine d'un article; c'est même parfois la
première considération lors d'un achat, mis à part le produit
convoité, naturellement.
Q Avez-vous une autre suggestion?
R Nous avons encouragé les producteurs de
porcelaine à consulter des revues à la mode où ils découvriront les
couleurs et modèles en vogue. Nous voulions qu'ils comprennent que
les couleurs qui se vendent changent rapidement sur les marchés
d'aujourd'hui et qu'ils en tiennent compte lorsqu'ils envisagent de
participer à une foire commerciale qui peut avoir lieu huit mois
plus tard. Les grossistes prévoyaient avant des stocks pour deux
ans, et maintenant pour huit à 12 mois. Je rends toujours les
producteurs attentifs au fait que, s'ils s'engagent pour de grosses
commandes auprès de grands acheteurs, ils passeront beaucoup de
temps à exécuter leur production, et ils finiront par perdre des
commandes spéciales avec une plus grande valeur ajoutée.
Q Vous prétendez que cela est valable non
seulement pour les producteurs des pays en développement ou en
transition, mais aussi pour les vendeurs en Amérique du Nord…
R Je tiens à souligner que, lorsque nous
faisons nos propres estimations concernant le Canada, il nous
importe aussi de savoir où notre production sera finalement vendue.
Un article qui accroche à Toronto n'aura pas forcément du succès à
Alberta. Vous pouvez y avoir plus de résultats avec de l'artisanat
et de la bijouterie «ethniques» en raison de l'influence des
clients new-yorkais qui s'y rendent. Tandis qu'à Alberta vous vous
trouvez sur un marché campagnard; vous vendrez des articles
relatifs à la ferme, de beaux objets fabriqués à partir du blé (il
y a notamment un artiste qui crée du verre soufflé avec des
inclusions de blé); cela n'attire pas les gens de la côte ouest,
qui recherchent plutôt des articles ayant trait aux baleines ou à
la montagne.
En Slovénie, nous avons suggéré aux producteurs que les articles
qu'ils commercialiseront sur le marché de Los Angeles ou de
Californie ne seront peut-être pas les mêmes que ceux qui auront
toutes leurs possibilités sur la côte est, par exemple au
Massachusetts.
Q Alors vous travaillez avec des personnes
différentes pour évaluer le potentiel d'exportation de chaque
région?
R Chaque fois que vous vous lancez sur un
nouveau marché, vous devez faire appel à des spécialistes de la
région. Vous avez naturellement besoin de généralistes, car
certains aspects sont valables pour n'importe quel produit: de la
créativité et de l'originalité, une bonne conception pour que le
produit ne se déglingue pas, la fonctionnalité; et les
consommateurs demandent toujours s'il peut être mieux exécuté, avec
des matériaux différents… En Slovénie, un des articles
potentiellement exportable était en plastique; nous avons jugé
qu'il serait mieux accepté s'il était fabriqué avec des matériaux
naturels. Nous n'exigeons cependant jamais des producteurs qu'ils
suivent nos suggestions. Nous nous contentons d'exprimer certaines
options à prendre en considération en fonction du marché visé.
C'est finalement leur choix qui compte.
Barbara Mowat est Présidente d'Impact Communications Ltd.,
Abbotsford, Colombie-Britannique, Canada; e-mail: Barbara.Mowat@ImpactCommunicationsLtd.com
Vous trouverez de plus amples renseignements sur ses projets sur http://www.uniquelycanada.com