Q Pourquoi est-il si important de
connaître les règles de l'OMC pour les entreprises des pays en
développement?
R Il y a deux raisons principales.
La première est que, dans une économie mondialisée, les accords de
l'OMC influencent toujours plus les règles commerciales nationales.
Pour les entreprises, il est vital d'être au courant des règles en
vigueur sur les marchés. Ainsi, l'Accord de l'OMC sur les textiles
et les vêtements exprime clairement que, dès le 1er janvier 2005,
le commerce y sera exempt de contingents. Le nouvel environnement
commercial apportera des avantages certains aux producteurs les
plus efficaces, qui augmenteront leurs parts de marché aux dépens
de leurs homologues moins productifs. Connaître les termes de cet
accord va faciliter la prise de décisions concernant
l'investissement, les ajustements structurels et la stratégie
d'exportation. Il en va de même pour l'Accord sur l'agriculture ou
l'Accord général sur le commerce des services.
La deuxième raison est d'ordre plus général, mais d'égale
importance. L'histoire des négociations commerciales montre que
seules les communautés d'affaires bien informées peuvent constituer
un partenariat avec le gouvernement en vue d'établir des règles
internationales. Dans les pays industrialisés, les milieux
d'affaires sont habituellement très actifs et influencent la
position de leurs autorités lors des négociations commerciales. Si
un gouvernement néglige des intérêts commerciaux substantiels, il
peut se retrouver dans une position politique délicate.
Dans de nombreux pays en développement et en transition, il
n'existe pas systématiquement de dialogue entre les milieux
économiques et le gouvernement sur les questions liées au commerce.
Cela est dû en partie à des raisons historiques comme des
structures économiques faibles et un développement insuffisant du
droit ou des institutions, ou aussi parce que la communauté des
affaires méconnaît les règles du jeu et n'est ainsi pas habilitée à
dialoguer avec les autorités. Par conséquent, les règles du système
commercial multilatéral lui sont étrangères; ces milieux ne pensent
pas avoir la moindre influence à ce propos. Et cela renforce des
positions antimondialisation déjà fort répandues.
Q Quelles sont actuellement les
préoccupations majeures des pays en développement concernant le
système commercial multilatéral et les négociations avec l'OMC?
R Nous l'avons constaté, il n'a pas
été facile de se mettre d'accord sur le Programme de Doha pour le
développement. Dans maints pays en développement, les entreprises
n'étaient pas satisfaites des résultats du Cycle d'Uruguay. Elles
estimaient que leur gouvernement avait été trop loin dans la
libéralisation de leur marché intérieur. Parallèlement, leur accès
aux marchés extérieurs pour des biens traditionnels - produits
agricoles, textiles et vêtements, et même main-d'œuvre - restaient
sujets à des restrictions sévères. La libéralisation accrue avait
amené une forte concurrence sur le marché intérieur et avait
souvent mis en péril les activités nationales.
De plus, l'application des accords du Cycle d'Uruguay ne donnait
pas satisfaction. Les pays industrialisés ont par exemple mis du
temps pour éliminer les restrictions concernant les textiles et
vêtements. De leur côté, les pays en développement éprouvaient des
difficultés à appliquer leurs obligations en raison de problèmes
institutionnels et du manque de dialogue entre les milieux
d'affaires et les gouvernements au cours du Cycle d'Uruguay, ces
derniers ayant accepté des obligations difficiles à appliquer dans
les délais prévus. On se souvient par exemple des problèmes liés à
l'Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au
commerce et l'Accord sur les subventions et les mesures
compensatoires. Cela explique pourquoi les pays industrialisés
insistent pour intégrer autant d'éléments relatifs au développement
et à l'assistance technique dans le Programme de Doha pour le
développement.
Q En quoi le CCI peut-il
intervenir?
R Le CCI a mis sur pied des
programmes en vue d'apporter une assistance technique à la
communauté des affaires des pays en développement et en transition
sur les questions liées au système commercial multilatéral. Le
programme World Tr@de Net est le plus important; ce sont les
intérêts commerciaux qui le guident; il n'opère que dans les pays
où la communauté des affaires et les autorités cherchent à
participer. World Tr@de Net constitue un réseau informel parmi les
acteurs principaux du secteur du commerce. Ses membres sont des
entreprises, le gouvernement, des spécialistes du commerce, des
institutions de formation et des universités. L'accent est mis sur
la compréhension des accords de l'OMC du point de vue des
entreprises et la promotion du dialogue entre les entreprises et le
gouvernement sur les questions commerciales.
Les membres de World Tr@de Net adoptent des plans d'action
nationaux après avoir évaluer leurs besoins. Le CCI apporte son
appui sous forme de matériel de formation, d'études de cas,
d'articles spécialisés et d'un bulletin sur les activités de l'OMC,
disponibles sur le site du programme (http://www.intracen.org/worldtradenet).
Le CCI organise également des activités telles que des séminaires
et des conférences virtuelles sur des questions intéressant les
membres et il encourage la création de réseaux. Cette année, le
programme World Tr@de Net a publié des guides sur les systèmes de
mesures correctives commerciales aux États-Unis, au Canada et dans
l'Union européenne et a organisé des séminaires à ce sujet pour les
membres des pays asiatiques et d'Europe centrale et orientale.
D'autres séminaires auront lieu, sur les mesures correctives
commerciales, les textiles et vêtements, et les obstacles
techniques au commerce. Actuellement, le programme compte 44 pays
membres.
Cette année, le CCI a lancé un programme d'envergure destiné aux
pays d'Asie centrale, lié en grande partie au système commercial
multilatéral. Pour les pays africains, le CCI se sert aussi du
JITAP, conjointement avec la CNUCED et l'OMC, lorsque les questions
concernant ce système ont un rôle majeur.
Q Que faut-il pour que la communauté
des affaires influence plus efficacement les négociations?
R La communauté des affaires doit
être informée. Elle doit connaître ce qui est en jeu sur la table
des négociations et comment en influencer les résultats. Nous avons
observé que nos clients ignorent beaucoup de choses concernant les
négociations de l'OMC. S'ils ne savent pas ce que sont les droits
de douane consolidés et comment les négocier, ou s'ils ignorent les
procédures de présentation de demandes et d'offres lors de
négociations tarifaires et non tarifaires ou sur les services, ils
ne peuvent pas devenir les partenaires de leur gouvernement pour
élaborer des stratégies de négociation. Grâce à ses activités, le
CCI espère contribuer à une meilleure intégration des pays en
développement et en transition au système commercial
multilatéral.
Peter Naray est Conseiller principal du CCI en système
commercial multilatéral. Il a été Représentant permanent de la
Hongrie auprès des Nations Unies et collaborateur de l'OMC; e-mail:
naray@intracen.org