Le Directeur de l'OMC, Pascal Lamy, incite les
pays en développement à s'engager davantage dans les négociations
sur les services.
Pour mener le programme de Doha pour le développement à son
terme en décembre 2006, il faut résolument avancer sur plusieurs
questions et être à la hauteur des engagements exprimés dans
l'intitulé et les objectifs définis pour le cycle en 2001. Les
services sont un des thèmes clés des négociations.
Les services jouent un rôle essentiel dans le Programme de Doha
et les pays ne devraient pas quitter les négociations sur la
libéralisation du commerce des services tant que les autres
questions restent en suspens, et ce pour diverses raisons:
- Il existe un lien manifeste entre le développement et les
avantages résultant de l'ouverture des marchés des services. Les
pays en développement qui se sont lancés dans l'industrie des
services sont manifestement aux avant-postes de la lutte engagée
contre la pauvreté et l'illettrisme.
- Les pays disposant de marchés de services ouverts font preuve
d'innovation, tant au niveau des produits que des procédés, du fait
de leur accès au capital étranger et à la haute technologie. La
croissance explosive de l'internet, et des secteurs apparentés,
dans les pays qui procèdent à une libéralisation n'est qu'un
exemple, mais très éloquent. L'accès à des services de qualité a
permis aux exportateurs des pays en développement de tirer parti de
leur capacité concurrentielle, indépendamment des biens et services
proposés.
Grâce à l'expertise et à l'investissement étrangers, un nombre
croissant de pays en développement ont pu faire une percée
marquante sur le marché mondial. L'ouverture du marché des services
est devenue une composante clé des stratégies de développement et
de nombreux gouvernements, sceptiques au départ, ont dû
reconsidérer leur attitude. S'étant tenus à l'écart du cycle
d'Uruguay, ils font désormais entendre leur voix lors des
négociations sur les services.
Les services, moteur de la croissance
Les services modernes peuvent réduire les contraintes
dues à la pauvreté économique, la périphérie géographique et
l'exclusion sociale. Le secteur des services a prouvé que, soutenu
par une politique éducative et des investissements dans
l'infrastructure, il est un puissant moteur de la croissance et du
développement.
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M. Lamy s'est exprimé devant le Forum exécutif du CCI en octobre
2005; 30 équipes nationales regroupant des fonctionnaires et des
chefs d'entreprise ont participé au débat sur l'intégration des
services dans les stratégies nationales d'exportation. |
L'externalisation et la fourniture transfrontière de
services, facilitées par les technologies de l'information et de la
communication et l'investissement étranger direct, ont introduit
des faits stratégiques nouveaux dans les négociations. Les modes de
fourniture de certains services, difficilement concevables par le
passé, ont non seulement pris forme mais ils sont parfois devenus
une banalité.
L'externalisation a pris une part importante dans le
commerce mondial des services. Les pays développés ont pu accéder à
un nouveau bassin de compétences à l'étranger; leur productivité
s'est envolée. Les pays en développement ont accueilli des
industries de haute technologie et les revenus dans le secteur des
services ont augmenté. L'externalisation influence donc les
décisions politiques à la fois dans les pays développés et en
développement, et exige de procéder à un examen complexe des
facteurs commerciaux, économiques et sociaux.
Les négociations sur l'Accord général sur le commerce
des services (AGCS) ne reflètent pas totalement cette évolution,
qui a pourtant fait naître de nouveaux concepts et défis.
Les défis de l'AGCS
- Écueils politiques.
Plusieurs organisations non gouvernementales et groupes de la
société civile considèrent que la libéralisation du marché des
services est dangereuse pour les économies moins compétitives. Ils
considèrent que les règles de l'OMC constituent une ingérence dans
la politique intérieure des États (éducation et soins médicaux
notamment).
Mais l'AGCS n'impose ni l'ouverture, ni la privatisation, ni la
déréglementation des services. J'aimerais souligner un point: pas
plus les règles actuelles de l'AGCS que le nouveau cycle de
négociations n'exigeront des membres de l'OMC qu'ils ouvrent leur
marché des services à la concurrence privée ou étrangère; libres à
eux de garder un service sous monopole de l'État.
- Les négociations sont plus complexes dans le
secteur des services. Les négociations sur les
services sont plus âpres pour les fonctionnaires habitués à
négocier sur les produits. Dans de nombreux pays, le secteur des
services est plus important et plus diversifié que celui de
l'agriculture et de l'industrie manufacturière. L'AGCS a également
une portée plus vaste que les accords commerciaux conventionnels
sur les produits. Il couvre le commerce transfrontière mais aussi
le déplacement des consommateurs, des producteurs/investisseurs et
des personnes. Les négociations sont donc plus complexes et exigent
des ministres du commerce davantage de coordination et de
préparation.
De nombreux gouvernements se montrent plus hésitants
qu'ils ne l'étaient pour les produits sur l'approche à adopter.
Compréhensible, cette attitude est regrettable quand on sait la
contribution de la libéralisation aux stratégies de développement.
Les obstacles au commerce des services sont plus imposants et plus
nébuleux que ceux entravant les échanges de marchandises (à
quelques exceptions près, comme l'agriculture).
Que peut-on faire? À l'OMC, l'assistance technique est
un atout précieux. Le Secrétariat organise des séminaires dans les
capitales nationales (20 à 25 par an), des séminaires régionaux
ainsi que des ateliers et des symposiums à Genève; le dernier
symposium a concerné les défis et opportunités du commerce
transfrontière de services.
L'impulsion doit venir des politiques
Les négociateurs doivent être conseillés sur la marche
à suivre. Les engagements actuels auront peu d'effet sur les
débouchés pour les prestataires. Les membres de l'OMC doivent se
focaliser sur la façon d'avancer conformément aux nouvelles
directives de leurs dirigeants.
L'idée a germé que les pays attendront que des
avancées soient faites dans d'autres secteurs pour négocier sur les
services. Ils risquent de manquer de temps pour conclure avec
succès les négociations; ce qui serait problématique pour de
nombreux pays en développement très intéressés par le Mode 4 de
fourniture des services, qui traite de la présence de personnes
physiques étrangères. C'est le sujet le plus protégé et le plus
sensible mais aussi le plus difficile à négocier. Vu l'échéance
serrée du projet, nous devons agir vite. Les services sont un outil
fondamental du Programme de Doha - et nous devons parvenir à un
résultat satisfaisant.
Cet article est une version révisée du discours
d'ouverture prononcé par M. Lamy lors du Forum exécutif sur les
stratégies nationales d'exportation (Montreux, 5 octobre 2005). Le
texte complet du discours est disponible sur le site:http://www.wto.org/english/news_e/sppl_e/sppl06_e.htm